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possible & fort raisonnable que ce peuple n’ait point limité la prérogative de ces rois ou de ces conducteurs, qui ne passoient point les bornes que le bien public leur prescrivoit. (D. J.)

PRÈS, (Gramm.) préposition qui marque proximité de tems ou de lieu.

Près du vent, (Marine.) Voyez Vent.

Près & plein, c’est un commandement que l’on fait au pilote ou au timonnier d’aller au plus près du vent, mais en sorte que les voiles soient toujours pleines.

PRÉ, s. m. (Economie rustiq.) s’entend de toutes sortes de terres qui donnent de l’herbe pour nourrir les bestiaux. On en distingue de deux especes, les hauts prés ou secs, & les bas prés ou humides. On y seme de l’herbe ordinaire, du sainfoin, & de la luzerne ou bourgogne. Voyez tous ces mots à leur article.

Quand on ensemence un pré, on y seme moitié avoine, qui dès la premiere année dédommage de la dépense qu’on y a faite. Il n’y faut souffrir aucuns bestiaux cette année-là, les racines étant trop tendres ; & on le fera sarcler pour ôter les mauvaises herbes.

PRÉSAGE, s. m. (Divination.) Dans l’antiquité payenne le peuple ne pouvant guere élever son esprit jusqu’à la connoissance du premier Etre, bornoit presque toute sa religion au culte des Dieux immortels, qu’il regardoit comme les auteurs des oracles, des sorts, des auspices, des prodiges, des songes & des présages.

Dans l’idée générale du mot présage, il faut comprendre non-seulement l’attention particuliere que le vulgaire donnoit aux paroles fortuites, soit qu’elles parussent venir des dieux, soit qu’elles vinssent des hommes, & qu’il regardoit comme des signes des événemens futurs ; mais il y faut comprendre encore les observations qu’il faisoit sur quelques actions humaines, sur des rencontres inopinées, sur certains noms & sur certains accidens dont il tiroit des préjugés pour l’avenir.

Il est vraissemblable que la science des présages est aussi ancienne que l’idolâtrie, & que les premiers auteurs du culte des idoles sont aussi les auteurs de l’observation des présages. La superstition en a fait une science : les Egyptiens l’ont portée en Grece. Les Etrusques, ancien peuple de l’Italie, disoient qu’un certain Tagès leur enseigna le premier à expliquer les présages. Les Romains apprirent des Etrusques ce qu’ils savoient d’une science si vaine & si ridicule.

Ces présages étoient de plusieurs especes, qu’on peut réduire à sept principales ; savoir,

1°. Les paroles fortuites que les Grecs appelloient φήμην ou κληδόνα, & les Latins onien pour orimen, selon Festus. Ces paroles fortuites étoient appellées voix divines lorsqu’on en ignoroit l’auteur ; telle fut la voix qui avertit les Romains de l’approche des Gaulois, & à qui l’on bâtit un temple sous le nom d’Aius locutius. Ces mêmes paroles étoient nommées voix humaines lorsqu’on en connoissoit l’auteur, & qu’elles n’étoient pas censées venir immédiatement des dieux. Avant que de commencer une entreprise, les gens superstitieux sortoient de leur maison pour recueillir les paroles de la premiere personne qu’ils rencontroient, ou bien ils envoyoient un esclave écouter ce qui se disoit dans la rue ; & sur des mots proférés à l’aventure, & qu’ils appliquoient à leurs desseins, ils prenoient leurs résolutions.

2°. Les tressaillemens de quelques parties du corps, principalement du cœur, des yeux & des sourcils ; les palpitations du cœur passoient pour un mauvais signe, & présageoient particulierement, selon Mélampus, la trahison d’un ami. Le tressaillement de l’œil droit & des sourcils, étoit au contraire un signe heureux. L’engourdissement du petit doigt, ou le tressail-

lement du pouce de la main gauche, ne signifioit rien

de favorable.

3°. Les tintemens d’oreille & les bruits qu’on croyoit entendre. Ils disoient quand l’oreille leur tintoit, comme on dit encore aujourd’hui, que quelqu’un parloit d’eux en leur absence.

4°. Les éternuemens. Ce présage étoit équivoque, & pouvoit être bon ou mauvais, suivant les occasions ; c’est pour cela qu’on saluoit la personne qui éternuoit, & l’on faisoit des souhaits pour sa conservation. Les éternuemens du matin n’étoient pas réputés bons ; mais l’amour les rendoit toujours favorables aux amans, à ce que prétend Catulle.

5°. Les chûtes imprévues. Camille après la prise de Veies, voyant la quantité de butin qu’on avoit fait, prie les dieux de vouloir bien détourner par quelque legere disgrace, l’envie que sa fortune ou celle des Romains pourroit attirer. Il tombe en faisant cette priere, & cette chûte fut regardée par le peuple dans la suite comme le présage de son exil, & de la prise de Rome par les Gaulois. Les statues des dieux domestiques de Néron se trouverent renversées un premier jour de Janvier, & l’on en tira le présage de la mort prochaine de ce prince.

6°. La rencontre de certaines personnes & de certains animaux ; un éthiopien, un eunuque, un nain, un homme contrefait que les gens superstitieux trouvoient le matin au sortir de leur maison, les effrayoit & les faisoient rentrer. Il y avoit pour eux des animaux dont la rencontre étoit de bon présage, par exemple, le lion, les fourmis, les abeilles. Il y en avoit dont la rencontre ne présageoit que du malheur, comme les serpens, les loups, les renards, les chiens, les chats, &c.

7°. Les noms. On employoit quelquefois dans les affaires particulieres les noms dont la signification marquoit quelque chose d’agréable. On étoit bien-aise que les enfans qui aidoient dans les sacrifices, que les ministres qui faisoient la cérémonie de la dédicace d’un temple, que les soldats qu’on enrôloit les premiers, eussent des noms heureux.

Pour ce qui est des occasions où l’on avoit recours aux présages, on les observoit sur-tout au commencement de l’année : c’est de-là qu’étoit venue la coutume à Rome de ne rien dire que d’agréable le premier jour de Janvier, de se faire les uns aux autres de bons souhaits qu’on accompagnoit de petits présens, surtout de miel & d’autres douceurs.

Cette attention pour les présages avoit lieu politiquement dans les actes publics qui commençoient par ce préambule : Quod felix, faustum, fortunatumque sit. On y prêtoit aussi l’oreille dans les actions particulieres, comme dans les mariages à la naissance des enfans, dans les voyages, &c.

Il ne suffisoit pas d’observer simplement les présages, il falloit de plus les accepter lorsqu’ils paroissoient favorables, afin qu’ils eussent leur effet. Il falloit en remercier les dieux qu’on en croyoit les auteurs, & leur en demander l’accomplissement. Au contraire, si le présage étoit fâcheux, on en rejettoit l’idée, & l’on prioit les dieux d’en détourner les effets.

Telles étoient les idées du vulgaire sur les présages, les politiques ayant toujours eu pour maxime qu’on pouvoit tenir les peuples dans le respect par des fictions propres à leur inspirer la crainte & l’admiration. Pline disoit que la magie étoit composée de la religion, de la médecine & de l’astrologie, trois liens qui captiveroient toujours l’esprit des hommes. Mais tous les sages du paganisme s’en tenoient à cette maxime de Cotta, qu’il falloit suivre la réalité & non la fiction, se rendre à la vérité sans se laisser éblouir par les présages. Ils déclaroient que la Philosophie étoit incompatible avec l’erreur ; & qu’ayant à par-