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tié de toute la succession, & que l’autre moitié se partageoit par parties égales aux autres freres. Mais les rabbins enseignent au contraire que le premier-né prenoit le double lot de chacun de ses freres. Ainsi si un pere avoit laissé six fils, on faisoit sept portions égales, l’aîné en avoit deux, & chacun de ses freres en avoit une. Si l’aîné étoit mort, & avoit laissé des enfans, son droit passoit à ses enfans & à ses héritiers. Les filles n’avoient nulle part à ces privileges, quand même elles auroient été les aînées de leurs freres ou de leurs sœurs. On trouve dans l’Ecriture quelques faits qui dérogent à ces lois générales ; par exemple, Isaac transporta le droit de premier-né d’Esaii à Jacob ; Jacob le transporta de Ruben à Joseph, & David d’Adonias à Salomon. Mais ces événemens arriverent par une providence particuliere, & par une révélation de Dieu. Calmet, Dictionn. de la Bible tome III. pag. 265.

Premier-occupant, droit du, (Droit naturel.) maniere d’acquérir la propriété des biens qui n’appartiennent à personne.

Les hommes sont convenus entr’eux que toutes choses qui n’étoient point entrées dans le premier partage, & qui se trouvoient inconnues, seroient laissées à celui qui s’en empareroit avant tout autre, soit par prise de possession, soit autrement, ensorte que par ce moyen il acquéreroit légitimement la propriété de ces sortes de choses.

Ce qui fonde le droit du premier-occupant dans le cas dont il s’agit ici, c’est qu’il a donné à connoître avant tout autre le dessein qu’il avoit de s’emparer de telle ou telle chose, étant à portée de le faire. Si donc il témoigne son intention par quelque acte significatif, comme par un acte corporel, par une marque faite à certaines choses, &c. ou si les autres ont manifestement renoncé en sa faveur au droit qu’ils avoient aussi-bien que lui sur une chose, il peut alors acquérir la propriété originaire de cette chose, sans aucune prise de possession actuelle.

C’est ainsi que l’on se rend maître des pays déserts que personne ne s’étoit encore appropriés ; car ils commencent à appartenir au premier qui y met le pié avec intention de les posséder, & qui pour cet effet les cultive, & y plante ou y établit des bornes par lesquelles il distingue ce dont il veut s’emparer d’avec ce qu’il veut laisser en commun. Que si plusieurs à-la-fois s’emparent de certaines contrées, l’expédient le plus ordinaire est d’assigner à chacun une certaine portion de terre, après quoi on regarde celles qui restent comme appartenant à tout le corps.

On acquiert aussi par droit de premier-occupant, les bêtes sauvages, les oiseaux, les poissons de la mer, des rivieres, des lacs ou des étangs, & les perles ou autres choses semblables que la mer jette sur le rivage en certains endroits ; bien entendu que le souverain n’ait pas expressément défendu aux particuliers de prendre ces sortes de choses.

En effet, le chef de l’état est censé de s’être emparé de toutes les choses mobilieres qui se trouvent dans l’enceinte de ses terres, lorsqu’il ne les donne pas à d’autres ; si donc il ne témoigne pas qu’il veut laisser ces sortes de biens en communauté, ils lui appartiennent véritablement autant que leur constitution naturelle le permet. Je dis autant que leur constitution naturelle le permet, car les bêtes sauvages, par exemple, qui sont dans les forêts du pays, peuvent passer dans les forêts d’un autre état, où l’on n’a pas droit de les aller réclamer : mais il ne s’ensuit point de-là qu’elles n’appartinssent pas auparavant au maître des forêts qu’elles ont quitté. Le droit de propriété que celui-ci avoit n’en étoit pas moins réel pour être chancelant & sujet à s’évanouir : il en est ici comme des rivieres. L’eau qui coule chaque

jour dans nos campagnes est nôtre, quoiqu’elle s’enfuie incessamment pour passer sur les terres d’autrui d’où elle ne reviendra plus.

Enfin on peut acquérir par droit de premier-occupant une chose qui a déja eu un autre maître, pourvû que le droit de celui-ci ait été entierement éteint, comme quand le proprietaire d’une chose l’a jettée ou abandonnée avec un dessein formel & suffisamment manifesté de ne plus la tenir pour sienne ; ou lorsque l’ayant perdue malgré lui, il la regarde ensuite comme ne lui appartenant plus, & ne pense point à la recouvrer.

Il faut rapporter à ceci, ce qu’on appelle un trésor, c’est-à-dire un argent dont on ignore le maître, car il est au premier qui le trouve, à-moins que les lois civiles en disposent autrement. Ce trésor devroit encore appartenir au premier qui le découvre, quand même il l’auroit trouvé dans le fond d’autrui ; car ce n’est pas un accessoire du fonds, comme les métaux, les minéraux & autres choses semblables qui y sont censées attachées, & dont, à cause de cela, le propriétaire du fonds peut être regardé comme en possession.

Il y a des excellentes notes de M. Barbeyrac sur cette matiere dans son édition de Puffendorf ; voyez-les. (D. J.)

Premier-pris, terme de Lansquenet, c’est le coupeur dont celui qui tient la main amene le premier la carte. Celui qui est ainsi pris le premier, est obligé d’arroser tous les autres coupeurs, c’est-à-dire de leur payer à chacun autant que vaut le fond du jeu. Le grand usage de prononcer le mot de premier-pris en a fait un substantif ; quand on voit un homme triste, pâle & défait, on dit en proverbe tiré du lansquenet, qu’il a l’air d’un premier-pris. Acad. des jeux.

Premieres-couleurs, (Joaillerie.) sortes d’émeraudes qui se vendent au marc ; c’est ce qu’on appelle plus ordinairement negres-cartes. (D. J.)

PRÉMISSES, s. f. plur. (Logique.) les deux premieres propositions d’un syllogisme. Voyez l’article Syllogisme. Si le syllogisme est en forme, les deux prémisses accordées, il faut avouer la conclusion.

PRÉMONTRÉ, (Théolog.) est le nom d’un ordre religieux de chanoines réguliers, institué par S. Norbert en 1120.

Le premier monastere de cet ordre fut bâti par S. Norbert dans l’île de France, à trois lieues de Laon vers le couchant, & appellé par lui prémontré, præmonstratum, & c’est de-là que l’ordre a tiré son nom. Les auteurs sont fort partagés sur la vraie origine de ce nom.

Honorius II. approuva cet ordre en 1126, & plusieurs autres papes le confirmerent dans la suite. En 1245, Innocent IV. se plaignit du relâchement de cet ordre, & en écrivit au chapitre général. En 1288, le général Guillaume demanda & obtint du pape Nicolas IV. la permission de manger de la viande pour ceux de l’ordre qui seroient en voyage. En 1460, à la priere du général, Pie II. accorda la permission générale de manger de la viande, excepté depuis la Septuagésime jusqu’à Pâque.

Les prémontrés sont vêtus de blanc, avec un scapulaire au-devant de leur soutane. Lorsqu’ils sortent, ils ont un manteau blanc ; dans la maison, un petit camail ; & au chœur, un surplis.

Les premiers monasteres que S. Norbert établit étoient l’un pour les hommes, & l’autre pour les femmes ; un mur de séparation les divisoit. En 1137, un decret du chapitre général défendit cet usage pour l’avenir, & ordonna que les religieuses des monasteres déja bâtis seroient transférées ailleurs, & éloignées du monastere des hommes.

Les prémontrés ont un college à Paris, & peuvent