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certains lieux hors des camps militaires, & dans lesquels on tenoit un certain nombre d’hommes en garnison, pour rendre le pays plus assuré contre tous événemens. C’est ce que nous apprend Varron, l. IV. de Ling lat. Præsidium est dictum, quia extrà castra proesidebant in loco aliquo, quo tutior regio esset ; & dans ce sens præsidium signifie moins une place forte, que les gens de guerre établis dans un lieu pour le défendre. On s’en est servi néanmoins pour désigner les places où les Romains mettoient des garnisons, soit pour la défense du pays contre les insultes des ennemis, soit pour prévenir les revoltes des habitans. Aussi avoit-on pour maxime de mettre des troupes étrangeres dans les provinces conquises, afin de les empêcher par la diversité des mœurs & du langage, de ménager des intelligences avec ceux du pays, & de faire des projets de soulévement.

Ces places fortes étoient de deux sortes. Les unes étoient bâties exprès par les Romains, & ne différoient en rien des châteaux où il y avoit du monde pour les défendre. C’est pour cela que Florus se sert indifféremment des mots castella, custodiæ, præsidia, quand, parlant de ces sortes de places que Drusus fit bâtir sur les bords de la Meuse, du Rhin, & des autres fleuves voisins, il dit, l. IV. c. ult. In tutelam provinciarum præsidia atque custodias ubique disposuit per Mosam flumen, per Albim, per Visurgim. Nam per Rheni quidem ripam quinquaginta ampliùs castella direxit. C’est du même genre de forteresse que le rhéteur Eumenius entend parler (Orat. pro scholis instaurandis), quand il dit : nam quid ego alarum & cohortium castra percenseam, toto Rheni, Istri & Euphratis limite restituta.

Ces deux témoignages nous apprennent encore que ces forts ou châteaux bâtis exprès, étoient ordinairement situés sur les rives des grands fleuves, qui servoient de limites à l’empire, comme étoient le Rhin, le Danube & l’Euphrate.

Les autres places fortes n’étoient pas bâties exprès. C’étoient des villes que l’on choisissoit pour y mettre des garnisons, parce que leur situation & leurs murailles les rendoient propres pour la défense du pays. De cette espece étoit une ville d’Egypte nommée Hydreumavetus, ou Troglodyticun, dans laquelle, Pline, l. VI. c. xxxiij, dit que præsidium excubabat. C’est de l’une ou de l’autre de ces sortes de garnisons que quelques places dans l’itinéraire d’Antonin & dans la carte de Peutinger, ont été surnommées du mot præsidium, comme Bellenæ præsidium, & Famaricetum præsidium. Quelquefois même le nom de præsidium se trouve seul, sans qu’aucun autre le précede ni le suive.

La Géographie connoît plusieurs lieux & villes qui portent le nom de Præsidium, savoir 1°. Præsidium, lieu de l’île de Corse, entre Aleria & Portus-Favoni ; 2°. une ville d’Espagne entre Salacia & Caladunum ; 3°. une autre ville d’Espagne sur la route de l’embouchure du fleuve Ana à Emerita, à 27 milles du lieu nommé Ad-Aubras ; 4°. Un lieu de la Mauritanie césariense, assez près des confins de la Mauritanie sitifense, au midi du mont Atlas ; un lieu de la grande Bretagne, que Cambden, Britanniæ descript. pag. 245, croit être aujourd’hui la ville de Warwick.

PRAESTIGIATEUR, s. m. (Littérat.) on nommoit chez les Romains præstigiatores, les baladins, les danseurs de corde les plus célebres, & tous ceux en général qui dans les jeux scéniques, excelloient à faire des tours de force, d’adresse & d’agilité. Il abordoit à Rome de toutes parts des gens de cette espece, qui charmoient ainsi l’oisiveté du peuple, & faisoient sur le théatre des choses si merveilleuses, qu’elles paroissoient tenir du prodige. Si l’on s’en rapporte à Pline & à quelques peres de l’Eglise, nous devons convenir que les plus habiles bateleurs de nos jours ne sont

que des enfans en comparaison de ceux qui brilloient dans ces tems-là. Ils étoient parvenus à dresser les bêtes les plus farouches, à voler assez loin par le moyen de certaines machines industrieuses, & à faire sur la corde lâche, les danses & les évolutions les plus surprenantes.

PRÆSUL, s. m. (Littér.) nom qu’on donnoit chez les Romains au chef des saliens, ou prêtres de Mars. On l’appelloit ainsi à præsiliendo, parce qu’il dansoit à la tête des saliens.

PRÆTEXTATI, (Littérat.) ce mot mérite d’être expliqué.

Prætextati, sont les enfans de qualité qui avoient encore la robe prétexte.

Prætextata comedia, une comédie où l’on faisoit paroître des grands & des magistrats, qui avoient le droit de porter la robe bordée de pourpre.

Prætextatæ actiones, actions bonnes ou mauvaises qu’il appartenoit à des grands & à des magistrats de faire.

Prætextata verba, des paroles obscènes & lascives, parce que dans les jours de nôces, on permettoit cette licence aux enfans qui portoient la prétexte.

Prætextati mores, des mœurs honteuses, indignes d’une personne de qualité ; sur la fin de la république, il n’étoit permis qu’aux gens de cet ordre, comme aux claméniens à Athènes, d’être sans pudeur.

PRÆTORIUM, (Géogr. anc.) il y a plusieurs villes qui portent ce nom : 1°. une ville de la Pannonie supérieure. Ptolomée, l. II. c. xv. qui l’éloigne du Danube, la place entre Visontium & Magniana. C’est la même ville qu’Antonin nomme Prætorium-latum-Vicorum. Lazius veut que son nom moderne soit Lakium ; mais Molet dit que c’est Pridasnich. 2°. Prætorium étoit une ville au voisinage de l’Arménie mineure sur la route de Cézarée à Anazarbus. 3°. C’est une ville d’Espagne sur la route de Carthage à Spartaria. 4°. C’est un lieu de la Dalmatie sur la route du golfe de Liburnie à Jader. 5°. C’est un lieu d’Angleterre à 25 milles de Delgovitia, dans l’endroit où est aujourd’hui Patrington, selon M. Gale. (D. J.)

PRAETUTITII, (Géogr. anc.) peuples d’Italie. Ils demeuroient à l’orient des Marses, selon Ptolomée, qui leur donne deux villes. Ce sont les habitans de la contrée appellée Prætutiana regio. C’est de ces peuples que parle Silius Italicus, l. XV. v. 588, dans ces vers.

Tum qua vitiferos domitat Prætutia pubes,
Loeta laboris agros. (D. J.)


PRAGMATIQUE, adject. (Mathém.) terme dont quelques anciens auteurs se servent pour exprimer la même chose que pratique, méchanique, ou problématique.

Stevin, dans ses élémens d’hydrostatique, donne le nom d’exemples pragmatiques, à certaines expériences méchaniques ou pratiques, & les autres auteurs se servent quelquefois du mot pragmatique dans le même sens. Ce mot au reste, n’est plus usité. Chambers.

Pragmatique sanction, (Jurisprud.) qu’on appelle aussi quelquefois simplement pragmatique, est le nom que l’on donne à certaines ordonnances.

Dans les trois premiers siecles de la troisieme race de nos rois, on ne connoissoit pour véritables ordonnances, que celles qu’on appelloit pragmatiques sanctions ; on entendoit par-là une constitution faite par le prince de concert avec les grands de l’état ; comme encore en Allemagne, on n’admet pour pragmatique sanction, que les résolutions de la diete générale de l’empire. Lett. hist. sur les Parlemens.

Hofman dit que l’on entendoit par le terme de pragmatique sanction, un rescrit du prince, non pas sur l’affaire d’un simple particulier, mais qui concer-