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gnée de bois. Il sert à prendre les petits clous par la tête, en le mouillant à chaque fois avec la salive, & à les placer dans leurs trous.

POUSSOL ou POUZOL, (Géog. mod.) ou plutôt, comme disent les Italiens, Pozzuolo ; ville d’Italie au royaume de Naples, à huit milles au couchant de cette capitale, au bord de la mer, sur une basse pointe ; on la nommoit anciennement en latin Puteoli, & c’est sous ce mot que nous indiquerons ses diverses révolutions jusqu’à ce jour.

Cette ville autrefois fameuse, est aujourd’hui misérable. Les guerres, les tremblemens de terre, les assauts de la mer, & le tems qui mine tout, l’ont presque entierement détruite ; c’est en vain qu’elle a un évêché suffragant de Naples, ce titre ne lui procure aucun avantage ; & quoiqu’on puisse mouiller aisément devant cette ville avec des vaisseaux & des galeres, il n’y aborde que quelques voyageurs curieux d’y voir quelques vestiges de son ancienne splendeur, & les débris d’un mole, que l’on donne pour les restes du pont de Caligula, puteolanas moles.

C’est grand dommage que cette ville soit dans un triste état ; la douceur de l’air qu’on y respire, l’agrément de la situation, l’abondance de ses bonnes eaux & la fertilité de la campagne, prouvent bien que ce n’étoit pas sans raison que les Romains faisoient leurs délices de ce lieu. On ne peut rien voir de si charmant que son assiette vis-à-vis les ruines de Bayes ; & l’on ne peut rien imaginer de plus agréable que la colline qui commence vers Pozzuolo, & regne le long de la mer qui en bat le pié. Cette colline étoit tapissée des maisons de plaisance de Néron, d’Hortensius, de Pison, de César, de Pompée, de Servilius, de Cicéron, & de tant d’autres. Cicéron y composa ses questions académiques. Il avoit orné ce palais d’une grande galerie, embellie de sculptures, de peintures, & d’autres raretés qu’Atticus lui avoit envoyées de Grece. Ce fut dans ce même lieu que César vint souper avec lui au fort de ses victoires. On trouve au voisinage des sources d’eau chaude, qui remplissent les bains qu’on appelle encore aujourd’hui les bains de Cicéron, bagni di Cicerone. De plus, la mer est si tranquille dans ce quartier, qu’on croit ne voir qu’une vaste riviere. En un mot, tout y est si riant que les Poëtes ont feint qu’Ulysse s’arrêta dans ce lieu, dont les délices lui firent oublier les travaux & les périls auxquels il avoit été exposé.

On trouve encore presque tout-autour de la ville de Pozzuolo, une terre ou sable, admirable pour bâtir, & qu’on nomme communément en françois poussolane Ce sable est d’un rouge de brique, & disposé par lits de différentes épaisseurs. Quelquefois il y a des lits où le sable est fort fin, quelquefois il est gros ou inégal. On emploie le plus fin pour les enduits, & le gros dans la Maçonnerie. Ce qu’ils ont de commun, c’est qu’ils font une liaison admirable qui fait corps, & qui se seche d’autant plus promptement qu’on a plus de soin de le noyer à force d’eau. Il prend dans l’eau, & fait corps avec toutes sortes de pierres.

La cathédrale de Pozzuolo est bâtie en partie, à ce qu’on prétend, sur les ruines d’un temple de Jupiter, qui étoit de l’ordre corinthien ; & la façade porte une ancienne inscription, qui prouve que ce temple avoit été élevé par Calphurnius, chevalier romain, en l’honneur d’Auguste : voici cette inscription, Cal phurnius L. F. templum, Augusto cum ornamentis D. D.

En allant de Pozzuolo à Capoue, on a trouvé dans le dernier siecle plusieurs ruines d’anciens sépulcres dont ce lieu étoit rempli, avec les niches des urnes où l’on conservoit les cendres des corps qu’on avoit brûlés ; voyez-en le récit dans Misson & Adisson, voyages

d’Italie. Long. de Pozzuolo, 31. 34. latit. 40. 52.

Les feux qui sortent par le sommet du Vésuve ne semblent destinés qu’à effrayer les hommes ; mais le terrein des environs de Pozzuolo en contient dans son sein qui sont moins terribles, & dont l’industrie humaine a su tirer de très-grands avantages : cet endroit se nomme aujourd’hui la Solfatara, probablement à cause de la grande quantité de soufre qu’on en retire ; on le nommoit autrefois forum Vulcani, ou campus Phlegrœus : on en tire, depuis plusieurs siecles, une quantité prodigieuse de soufre & d’alun.

Ce lieu est une petite plaine ovale dont le grand diametre, dirigé de l’est à l’ouest, est à-peu-près de 200 toises, & dont la plus grande largeur n’excede pas 150 : elle est élevée d’environ 150 toises au-dessus du niveau de la mer, & il faut par conséquent beaucoup monter pour y arriver, soit qu’on y vienne de Naples ou de Pozzuolo.

La Solfatara n’a qu’une seule entrée, qui est du côté du midi ; le reste est environné de hautes collines, ou plutôt de talus très-roides, composés d’un peu de terre & du débris de grands rochers escarpés, continuellement rongés par la vapeur du soufre, & qui tombent en ruine. Excepté quelques brossailles, & un taillis d’environ un arpent, qui se trouve à l’entrée, tout le terrein y est pelé & blanc comme de la marne : la seule inspection fait juger que cette terre contient beaucoup de soufre & de sels ; & sa chaleur plus grande presque par-tout que les plus grandes chaleurs d’été, & qui va même en quelques endroits jusqu’à brûler les piés à-travers les souliers, jointe à la fumée qu’on voit sortir de toute part, annonce qu’il y a dessous cette plaine un feu souterrein.

On observe au milieu de la plaine un enfoncement de figure ovale, d’environ trois ou quatre piés de profondeur, dont le fond retentit quand on le frappe, comme s’il y avoit au-dessous une vaste cavite dont la voûte fût peu épaisse. Un peu plus loin & dans la partie orientale, on apperçoit un bassin plein d’eau : cette eau est chaude, mais elle ne fait monter la liqueur du thermometre qu’à 34 degrés au-dessus de la congélation ; degré bien inférieur à celui de l’eau bouillante, & qui ne rendroit pas même cette eau capable de cuire des œufs, comme quelques auteurs l’ont assuré : cependant cette eau paroît bouillir continuellement à un coin du bassin, quoiqu’elle soit très-tranquille dans tout le reste.

Les rochers qui entourent la Solfatara, continuellement exposés à la vapeur du soufre, tombent, comme nous l’avons dit, par morceaux, & se réduisent en une espece de pâte ferme & grasse, avec des taches jaunes, & d’autres d’un rouge fort vif : mais ce qui est de plus singulier, c’est que parmi ces débris de rochers fumans & calcinés par la vapeur du soufre brûlant, on voit sur les petites parties de terre qui s’y rencontrent, des plantes en abondance, & que le revers de ces collines est très-fertile & très cultivé.

La mine de soufre qu’on tire de la Solfatara, est une terre durcie, ou plutôt une pierre tendre, qu’on trouve en fouillant. Pour en tirer le soufre, on la met en petits morceaux dans des pots de terre, qui contiennent environ vingt pintes de Paris. Ces pots sont exactement fermés par un couvercle qui y est lutté : on les place dans un fourneau fait exprès, de maniere qu’un quart de leur pourtour fait saillie hors du fourneau, & demeure découvert au-dehors ; une semblable partie fait saillie au-dedans du fourneau pour recevoir l’action du feu, & par conséquent la moitié du pot est dans l’épaisseur du mur : chacun de ces pots communique par un tuyau d’environ un pié de longueur, & de dix-huit lignes de diametre, avec un autre pot placé tout-à-fait hors du fourneau, & un peu plus haut que les premiers ; ces derniers pots sont vuides & fermés exactement, excepté vers le bas où