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doivent être également liquides. On en fait l’épreuve en plongeant un pe-tun-tse dans l’un & dans l’autre vernis. Si chacun de ces vernis pénetre son pe-tun-tse, on les juge également liquides, & propres à s’incorporer ensemble.

On fait aussi entrer dans le tsi-kin du vernis, ou de l’huile de chaux & de cendres de fougere préparée, & de la même liquidité que le pe-yeou : mais on mêle plus ou moins de ces deux vernis avec le tsi-kin, selon qu’on veut que le tsi-kin soit plus foncé ou plus clair. C’est ce qu’on peut connoître par divers essais, par exemple, on mesure deux tasses de pe-yeou, puis sur quatre tasses de cette mixtion de tsi-kin & de pe-yeou, on mettra une tasse de vernis fait de chaux & de fougere.

Il y a peu d’années qu’on a trouvé le secret de peindre en violet, & de dorer la porcelaine ; on a essayé de faire une mixtion de feuilles d’or avec le vernis & la poudre de caillou, qu’on appliquoit de même qu’on applique le rouge à l’huile : mais cette tentative n’a pas réussi, & on a trouvé que le vernis tsi-kin avoit plus d’éclat.

Il a été un tems que l’on faisoit des tasses, auxquelles on donnoit par-dehors le vernis doré, & par-dedans le pur vernis blanc. On a varié dans la suite, & sur une tasse ou sur un vase qu’on vouloit vernisser de tsi-kin, on appliquoit en un ou deux endroits un rond ou un quarré de papier mouillé ; après avoir donné le vernis, on levoit le papier, & avec le pinceau on peignoit en rouge, ou en azur, cet espace non-vernissé. Lorsque la porcelaine étoit séche, on lui donnoit le vernis accoutumé, soit en le soufflant, soit d’une autre maniere. Quelques-uns remplissent ces espaces vuides d’un fond tout d’azur, ou tout noir, pour y appliquer la dorure après la premiere cuite. C’est sur quoi on peut imaginer diverses combinaisons.

Des différentes élaborations de la porcelaine. Avant que d’expliquer la maniere dont cette huile, ou plutôt ce vernis s’applique, il est à-propos de décrire comment se forme la porcelaine. Je commence d’abord par le travail qui se fait dans les endroits les moins fréquentés de King-te-tching. Là, dans une enceinte de murailles, on bâtit de vastes apentis, où l’on voit étage sur étage un grand nombre d’urnes de terre. C’est dans cette enceinte que demeurent & travaillent une infinité d’ouvriers, qui ont chacun leur tâche marquée. Une piece de porcelaine, avant que d’en sortir pour être portée au fourneau, passe par les mains de plus de vingt personnes, & cela sans confusion. On a sans doute éprouvé que l’ouvrage se fait ainsi beaucoup plus vîte.

Le premier travail consiste à purifier de nouveau le pe-tun-tse, & le kao-lin, du marc qui y reste, quand on le vend. On brise les pe-tun-tse, & on les jette dans une urne pleine d’eau ; ensuite, avec une large spatule, on acheve en les remuant de les dissoudre : on les laisse reposer quelques momens, après quoi on ramasse ce qui surnage, & ainsi du reste, de la maniere qu’il a été expliqué ci-dessus.

Pour ce qui est des pieces de kao-lin, il n’est pas nécessaire de les briser : on les met tout simplement dans un panier fort clair, qu’on enfonce dans une urne remplie d’eau ; le kao-lin s’y fond aisément de lui-même. Il reste d’ordinaire un marc qu’il faut jetter : au bout d’un an ces rebuts s’accumulent, & font de grands monceaux d’un sable blanc & spongieux, dont il faut vuider le lieu où l’on travaille.

Ces deux matieres de pe-tun-tse & de kao-lin ainsi préparées, il en faut faire un juste mélange : on met autant de kao-lin que de pe-tun-tse pour les porcelaines fines ; pour les moyennes, on emploie quatre parts de kao-lin sur six de pe-tun-tse. Le moins qu’on en mette, c’est une part de kao-lin sur trois de pe-tun-tse.

Après ce premier travail, on jette cette masse dans un grand creux bien pavé & cimenté de toutes parts ; puis on la foule, & on la pétrit jusqu’à ce qu’elle se durcisse : ce travail est fort rude, parce qu’il ne doit point être arrêté.

De cette masse ainsi préparée on tire différens morceaux, qu’on étend sur de larges ardoises. Là, on les pétrit, & on les roule en tous les sens, observant soigneusement qu’il ne s’y trouve aucun vuide, ou qu’il ne s’y mêle aucun corps étranger. Faute de bien façonner cette masse, la porcelaine se fêle, éclate, coule, & se déjette. C’est de ces premiers élémens que sortent tant de beaux ouvrages de porcelaine, dont les uns se font à la roue, les autres se font uniquement sur des moules, & se perfectionnent ensuite avec le ciseau.

Tous les ouvrages unis se font de la premiere façon. Une tasse, par exemple, quand elle sort de dessous la roue, n’est qu’une espece de calotte imparfaite, à-peu-près comme le dessus d’un chapeau, qui n’a pas encore été appliqué sur la forme. L’ouvrier lui donne d’abord le diametre & la hauteur qu’on souhaite, & elle sort de ses mains presqu’aussi-tôt qu’il l’a commencée : car il n’a que trois deniers de gain par planche, & chaque planche est garnie de vingt-six pieces. Le pié de la tasse n’est alors qu’un morceau de terre de la grosseur du diametre qu’il doit avoir, & qui se creuse avec le ciseau, lorsque la tasse est séche & qu’elle a de la consistance, c’est-à-dire, après qu’elle a reçu tous les ornemens qu’on veut lui donner.

Effectivement cette tasse au sortir de la roue, est reçue par un second ouvrier qui l’asseoit sur la base. Peu-après elle est livrée à un troisieme qui l’applique sur son moule, & lui imprime la figure. Ce moule est sur une espece de tour. Un quatrieme ouvrier polit cette tasse avec le ciseau, sur-tout vers les bords, & la rend déliée, autant qu’il est nécessaire, pour lui donner de la transparence : il la racle à plusieurs reprises, la mouillant chaque fois tant-soit-peu, si elle est trop séche, de peur qu’elle ne se brise. Quand on retire la tasse de dessus le moule, il faut la rouler doucement sur ce même moule, sans la presser plus d’un côté que de l’autre, sans quoi il s’y fait des cavités, ou bien elle se dejette. Il est surprenant de voir avec quelle vîtesse ces vases passent par tant de différentes mains. On dit qu’une piece de porcelaine cuite a passé par les mains de soixante-dix ouvriers.

Des grandes pieces de porcelaine. Les grandes pieces de porcelaine se font à deux fois : une moitié est élevée sur la roue par trois ou quatre hommes qui la soutiennent chacun de son côté, pour lui donner sa figure ; l’autre moitié étant presque seche s’y applique : on l’y unit avec la matiere même de la porcelaine délayée dans l’eau, qui sert comme de mortier ou de colle. Quand ces pieces ainsi collées sont tout-à-fait seches, on polit avec le couteau en-dedans & en-dehors l’endroit de la réunion, qui, par le moyen du vernis dont on le couvre, s’égale avec tout le reste. C’est ainsi qu’on applique aux vases, des anses, des oreilles, & d’autres pieces rapportées.

Ceci regarde principalement la porcelaine qu’on forme sur les moules, ou entre les mains ; telles que sont les pieces cannelées, ou celles qui sont d’une figure bisarre, comme les animaux, les grotesques, les idoles, les bustes que les Européens ordonnent, & d’autres semblables. Ces sortes d’ouvrages moulés se font en trois ou quatre pieces, qu’on ajoute les unes aux autres, & que l’on perfectionne ensuite avec des instrumens propres à creuser, à polir, & à rechercher différens traits qui échappent au moule.

Des ornemens de la porcelaine. Pour ce qui est des fleurs & des autres ornemens qui ne sont point en relief, mais qui sont comme gravés, on les applique