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qu’il faut expliquer. 1°. Lorsqu’on l’a tiré de la mine, on le lave avec de l’eau de riviere ou de pluie pour en séparer un reste de terre jaunâtre qui y est attachée. 2°. On le brise, on le met dans une cuve d’eau pour le dissoudre, & on le prépare en lui donnant les mêmes façons qu’au ka-olin. On assure qu’on peut faire de la porcelaine avec le seul hoa-ché préparé de la sorte, & sans aucun mélange ; cependant l’usage est de mettre sur huit parts de hoa-ché deux parts de pe-tuntse ; & pour le reste, on procede selon la méthode qui s’observe quand on fait la porcelaine ordinaire avec le pe-tun-tse & le ka-olin. Dans cette nouvelle espece de porcelaine, le hoa-ché tient la place du ka-olin ; mais l’un est beaucoup plus cher que l’autre. La charge de ka-olin ne coûte que 20 sous, au-lieu que celle de hoa-ché revient à un écu. Ainsi il n’est pas surprenant que cette sorte de porcelaine coûte plus que la commune.

Il faut encore faire une observation sur le hoa-ché. Lorsqu’on l’a préparé & qu’on l’a disposé en petits carreaux semblables à ceux du pe-tun-tse, on délaie dans l’eau une certaine quantité de ces petits carreaux, & l’on en forme une colle bien claire ; ensuite on y trempe le pinceau, puis on trace sur la porcelaine divers desseins ; après quoi, lorsqu’elle est seche, on lui donne le vernis. Quand la porcelaine est cuite, on apperçoit ces desseins qui sont d’une blancheur différente de celle qui est sur le corps de la porcelaine. Il semble que ce soit une vapeur déliée répandue sur la surface. Le blanc de hoa-ché s’appelle le blanc d’ivoire, siang-ya-pé.

Du che kao, autre matiere de la porcelaine. On peint des figures sur la porcelaine avec du che-kao, qui est une espece de pierre ou de minéral semblable à l’alun, de même qu’avec le hoa-ché ; ce qui lui donne une autre espece de couleur blanche ; mais le che-kao a cela de particulier, qu’avant que de le préparer comme le hoa-ché, il faut le rôtir dans le foyer ; après quoi on le brise, & on lui donne les mêmes façons qu’au hoa-ché : on le jette dans un vase plein d’eau ; on l’y agite, on ramasse à diverses reprises la crême qui surnage ; & quand tout cela est fait, on trouve une masse pure qu’on emploie de même que le hoa-ché purifié.

Le che-kao ne sauroit servir à former le corps de la porcelaine ; on n’a trouvé jusqu’ici que le hoa-ché qui pût tenir la place du kao-lin, & donner de la solidité à la porcelaine. Si, à ce qu’on dit, l’on mettoit plus de deux parts de pe-tun-tse sur huit parts de hoa-ché, la porcelaine s’affaisseroit en la cuisant, parce qu’elle manqueroit de fermeté, ou plutôt que ses parties ne seroient pas suffisamment liées ensemble.

Du vernis qui blanchit la porcelaine. Outre les barques chargées de pe-tun-tse & de koa-lin, dont le rivage de King te tching est bordé, on en trouve d’autres remplies d’une substance blanchâtre & liquide ; cette substance est l’huile qui donne à la porcelaine sa blancheur & son éclat : en voici la composition. Il semble que le nom chinois yeou, qui se donne aux différentes sortes d’huile, convient moins à la liqueur dont je parle, que celui de tsi, qui signifie vernis. Cette huile ou ce vernis se tire de la pierre la plus dure ; ce qui n’est pas surprenant pour ceux qui prétendent que les pierres se forment principalement des sels & des huiles de la terre qui se mêlent & qui s’unissent étroitement ensemble.

Quoique l’espece de pierre dont se font les pe-tun-tse puisse être employée indifféremment pour en tirer de l’huile, on fait choix pourtant de celle qui est la plus blanche, & dont les taches sont les plus vertes. L’histoire de Feou-Leang, dit que la bonne pierre pour l’huile est celle qui a des taches semblables à la couleur de feuilles de cyprès, ou qui a des marques rousses sur un fond un peu brun, à peu près comme la linaire.

Il faut d’abord bien laver cette pierre, après quoi on y apporte les mêmes préparations que pour le pe-tun-tse : quand on a dans la seconde urne ce qui a été tiré de plus pur de la premiere, après toutes les façons ordinaires, sur cent livres ou environ de cette crême, on jette une livre de che-kao, qu’on a fait rougir au feu & qu’on a pilé. C’est comme la presure qui lui donne de la consistance, quoiqu’on ait soin de l’entretenir toujours liquide.

Cette huile de pierre ne s’emploie jamais seule : on y en mêle une autre, qui en est comme l’ame ; on prend de gros quartiers de chaux vive, sur lesquels on jette avec la main un peu d’eau pour les dissoudre & les réduire en poudre. Ensuite on fait une couche de fougere seche, sur laquelle on met une autre couche de chaux amortie. On en met ainsi plusieurs alternativement les unes sur les autres, après quoi l’on met le feu à la fougere. Lorsque tout est consumé, l’on partage ces cendres sur de nouvelles couches de fougere seche, cela se fait cinq ou six fois de suite : on peut le faire plus souvent, & l’huile en est meilleure.

Autrefois, dit l’histoire de Feou-Leang, outre la fougere, on y employoit le bois d’un arbre dont le fruit s’appelle se tse : à en juger par l’âcreté du fruit, quand il n’est pas mûr, & par son petit couronnement, il semble que c’est une espece de neffle. On ne s’en sert plus maintenant, apparemment parce qu’il est devenu fort rare. Peut-être est-ce faute de ce bois que la porcelaine moderne n’est pas si belle que celle des premiers tems. La nature de la chaux & de la fougere contribue aussi à la bonté de l’huile.

Quand on a des cendres de chaux & de fougere jusqu’à une certaine quantité, on les jette dans une urne remplie d’eau. Sur cent livres, il faut y dissoudre une livre de che-kao, bien agiter cette mixtion, ensuite la laisser reposer, jusqu’à ce qu’il paroisse sur la surface un nuage ou une croûte qu’on ramasse, & qu’on jette dans une seconde urne ; & cela à plusieurs reprises : quand il s’est formé une espece de pâte au fond de la seconde urne, on en verse l’eau par inclination, on conserve ce fond liquide, & c’est la seconde huile qui doit se mêler avec la précédente. Par un juste mélange, il faut que ces deux especes de purée soient également épaisses. Afin d’en juger, on plonge à diverses reprises dans l’une & dans l’autre de petits carreaux de pe-tun-tse : en les retirant, on voit sur leur superficie si l’épaississement est égal de part & d’autre. Voilà ce qui regarde la qualité de ces deux sortes d’huile.

Pour ce qui est de la quantité, le mieux qu’on puisse faire, c’est de mêler dix mesures d’huile de pierre avec une mesure d’huile faite de cendre de chaux & de fougere : ceux qui l’épargnent, n’en mettent jamais moins de trois mesures. Les marchands qui vendent cette huile, pour peu qu’ils aient d’inclination à tromper, ne sont pas fort embarrassés à en augmenter le volume : ils n’ont qu’à jetter de l’eau dans cette huile, &, pour couvrir leur fraude, y ajouter du che-kao à proportion, qui empêche la matiere d’être trop liquide.

D’un autre vernis de la porcelaine. Il y a une autre espece de vernis, qui s’appelle tsi-kin-yeou, c’est-à-dire, vernis d’or bruni. On pourroit le nommer plutôt vernis de couleur de bronze, de couleur de café, ou de couleur de feuille morte. Ce vernis est d’une invention nouvelle : pour le faire, on prend de la terre jaune commune, on lui donne les mêmes façons qu’au pe-tun-tse ; quand cette terre est préparée, on n’en emploie que la matiere la plus déliée qu’on jette dans l’eau, & dont on forme une espece de colle aussi liquide que le vernis ordinaire appellé pe-yeou, qui se fait de quartiers de roche. Ces deux vernis, le tsikin & le pe-yeou, se mêlent ensemble, & pour cela ils