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mais de tous les noms que porte cette coquille, il faut nous en tenir à celui de porcelaine, qui lui est consacré, quoiqu’il soit aussi ridicule que les autres ; l’important est de savoir, que la bouche est la partie essentielle qui détermine le genre des porcelaines ; cette bouche doit être oblongue, étroite en forme de fente, & ordinairement bordée de dents au-moins d’un côté.

Aldrovandus compte douze especes de porcelaines, en y comprenant les différentes couleurs de la robe ; mais alors il y en auroit un beaucoup plus grand nombre ; ou pour mieux dire, elles sont si nombreuses, qu’il faut les ranger sous certains chefs, pour en distinguer les especes avec régularité.

Dans la classe des porcelaines arrondies & épaisses, les cabinets des curieux contiennent les especes suivantes. 1°. la porcelaine nommée la carte géographique ; 2°. la carte géographique à lettres arabes ; 3°. la peau de tigre ; 4°. la peau de serpent ; 5°. le pou de mer ; 6°. le cloporte ; 7°. la porcelaine pointillée ; 8°. la tannée ; 9°. la chinoise ; 10°. la porcelaine au sommet pointu ; 11°. la violette ; 12°. la rougeâtre ; 13°. la bariolée ; 14°. la porcelaine imitant l’écaille de tortue ; 15°. l’arlequine ; 16°. la porcelaine séparée dans le milieu en quatre zones rouges ; 17°. la porcelaine représentant un ovale bleu.

La classe des porcelaines minces & faites en poire, fournit les especes suivantes. 1°. La porcelaine en poire, semée de taches jaunes avec la bouche arquée ; 2°. la même espece marquée de deux bandes ; 3°. l’œuf de Rumphius, avec des mammellons ; 4°. la navette de tisserand.

La classe des porcelaines de forme oblongue & épaisse est très-nombreuse. Elle offre 1°. le grand argus ; 2°. le petit argus ; 3°. le faux argus ; 4°. la bleuâtre à trois bandes brunes ; 5°. la même à trois bandes blanches, les levres pointillées de rouge ; 6°. le levreau ; 7°. la petite vérole verte ; 8°. la petite vérole blanche à points saillans ; 9°. la porcelaine à trois bandes en S ; 10°. le petit âne ; 11°. la souris ; 12°. la taupe ; 13°. la rousse à zone rouge ; 14°. la brune à bandes rousses ; 15°. celle qui vient de Panama à bandes violettes ; 16°. la tachetée de couleur verdâtre ; 17°. la porcelaine couleur d’agate, traversée par une raie fauve ; 18°. celle qui est vergettée de lignes brunes ; 19°. la bleuâtre en forme de poisson ; 20°. la chinoise marbrée ; 21°. la chinoise tachetée.

La classe des porcelaines bossues en quelqu’endroit, donne les especes suivantes ; 1°. la porcelaine blanche, bossue, avec des mamelons rouges & des dents ; 2°. la même sans mamelons & sans dents ; 3°. la jaune sans manchon ni dents ; 4°. la monnoie de Guinée ou la colique, qui a six bosses en-dessus, & la bouche garnie de dents ; 5°. la grande porcelaine au dos bossu.

Enfin on observe plusieurs autres variétés dans la famille des porcelaines, qui ne peuvent se rapporter à aucune classe. Il y a des porcelaines légeres, d’autres pesantes ; il y en a dont la tête forme une petite pyramide. On en voit dont la fente est toute droite, & d’autres dont la bouche est de travers. Quelquefois le sommet des porcelaines est applati, d’autrefois on n’y voit qu’un seul bouton.

Dans ce nombre étendu d’especes de porcelaines, les curieux estiment beaucoup la porcelaine qui est bossue par le dos, celle qu’on nomme l’œuf, qui a deux boutons saillans aux extrémités, la navette, le grand argus, la taupe, la carte géographique, &c.

L’animal qui habite la porcelaine ne nous arrêtera pas long-tems. Il rampe sur une couche à la maniere des limaçons. Cette couche ou pié se termine d’un côté en pointe, dont le contour est frangé, ainsi que tout son pourtour ou cordon. L’autre bout présente un col assez long, fort détaché du pié, avec une

tête, d’où partent deux cornes très-pointues qui forment un arc ; c’est dans leur milieu que sont situés les deux yeux, exprimés à l’ordinaire par deux points noirs assez gros. La bouche placée au-dessus de la tête n’est pas grande, & forme un petit trou rond : elle est garnie de dents de deux côtés ; savoir, vingt-cinq à droite & vingt-une seulement du côté gauche ; ces dents lui servent de défense, n’ayant pas d’opercule. On ne lui voit point non plus de museau, comme dans les autres testacées de cette espece.

Ce coquillage a une langue fort pointue, qui couvre entierement son ouverture, regnant d’un bout à l’autre. La plaque sur laquelle elle marche est dentelée dans son pourtour, & se termine en pointe à l’extrémité opposée à la tête. Hist. nat. éclaircie. (D. J.)

Porcelaine de la Chine, (Art de la poterie.) la porcelaine qui est un des meubles les plus ordinaires des Chinois, & l’ornement de leurs maisons, a été si recherchée en Europe, & il s’y en fait encore un si grand commerce, qu’il est à propos d’exposer tous les détails de sa fabrique.

On ne travaille à la porcelaine que dans une seule bourgade de la province de Kiang-si. Cette bourgade se nomme King-te-tching, & a plus d’un million d’ames. Le pere Dentrecolles y avoit une église, & parmi ses chrétiens il en comptoit plusieurs qui travailloient à la porcelaine, ou qui en faisoient un grand commerce ; c’est d’eux qu’il a tiré des connoissances exactes de toutes les patries de ce bel art. Outre cela, il s’est instruit par lui-même, & a consulté les livres chinois qui traitent de cette matiere ; nous ne pouvons donc rien faire de mieux que d’user ici de son mémoire, qui se trouve dans les lettres des Missionnaires, & dans l’histoire de la Chine du pere du Halde.

Incertitude de l’époque de la porcelaine. Ce pere a cherché inutilement quel est celui qui a inventé la porcelaine. Les annales n’en parlent point, & ne disent pas même à quelle tentative, ni à quel hasard on est redevable de cette invention. Elles disent seulement que la porcelaine étoit anciennement d’un blanc exquis, & n’avoit nul défaut ; que les ouvrages qu’on en faisoit, & qui se transportoient dans les autres royaumes, ne s’appelloient pas autrement que les bijoux précieux de Ja-tcheou : plus bas on ajoute, la belle porcelaine qui est d’un blanc vif & éclatant, & d’un beau bleu céleste, sort toute de King-te-tching. Il s’en fait dans d’autres endroits, mais elle est bien différente soit pour la couleur, soit pour la finesse.

En effet, sans parler des ouvrages de poterie qu’on fait par toute la Chine, auxquels on ne donne jamais le nom de porcelaine, il y a quelques provinces, comme celle de Canton & de Fokien, où l’on travaille en porcelaine ; mais les étrangers ne peuvent s’y méprendre : celle de Fokien est d’un blanc de neige qui n’a nul éclat, & qui n’est point mélangée de couleurs. Des ouvriers de King-te-tching y porterent autrefois tous leurs matériaux, dans l’espérance d’y faire un gain considérable, à cause du grand commerce que les Européens faisoient alors à Emouy ; mais ce fut inutilement, ils ne purent jamais y réussir.

L’empereur Cang hi, qui ne vouloit rien ignorer, fit conduire à Peking des ouvriers en porcelaine, & tout ce qui s’emploie à ce travail. Ils n’oublierent rien pour réussir sous les yeux du prince ; cependant on assure que leur ouvrage manqua. Il se peut faire que des raisons d’intérêt & de politique eurent part à ce peu de succès. Quoi qu’il en soit, c’est uniquement King-te-tching qui a l’honneur de donner de la porcelaine à toutes les parties du monde. Le Japon même vient en acheter à la Chine.

Ce qu’il faut savoir sur la porcelaine. Tout ce qu’il y a à savoir sur la porcelaine, dit le pere Dentrecolles, se réduit à ce qui entre dans sa composition, & aux