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broient en Thrace, qu’il avoit appris l’unité de la cause premiere universelle. Cicéron garde aussi peu de mesure « Si j’entreprenois d’approfondir l’antiquité, & d’examiner les relations des historiens grecs, on trouveroit que les dieux de la premiere classe ont habité la terre avant que d’habiter les cieux. Informez-vous seulement de qui sont ces sépulchres que l’on montre dans la Grece ; ressouvenez-vous, car vous êtes initié, de ce que l’on enseigne dans les mysteres ? Vous concevrez alors toute l’étendue que l’on pourroit donner à cette discussion » On pourroit, s’il étoit nécessaire, citer une nuée de témoins pour confirmer de plus en plus cette vérité.

S’il restoit encore quelques nuages, ils seroient bientôt dissipés par ce qui est dit de l’unité de Dieu dans l’hymne chantée par l’hiérophante, qui paroissoit sous la figure du créateur. Après avoir ouvert les mysteres, & chanté la theologie des idoles, il renversoit alors lui-même tout ce qu’il avoit dit, & introdusoit la vérité en débutant ainsi. « Je vais déclarer un secret aux initiés ; que l’on ferme l’entrée de ces lieux aux profanes. O toi, Musée, descendu de la brillante Sélene, sois attentif à mes accens : je t’annoncerai des vérités importantes. Ne souffre pas que des préjugés ni des affections antérieures, t’enlevent le bonheur que tu souhaites de puiser dans la connoissance des vérités mystérieuses. Considere la nature divine, contemple-la sans cesse, regle ton esprit & ton cœur, & marchant dans une voie sûre, admire le maître unique de l’univers. Il en est un, il existe par lui-même. C’est à lui seul que tous les autres êtres doivent leur existence. Il opere en tout & par-tout ; invisible aux yeux des mortels, il voit lui-même toutes choses ».

Avant de finir cet article, il est à-propos de prévenir une objection que fait M. Bayle au sujet du polythéisme, qu’il pretend pour le moins être aussi pernicieux à la société que l’athéisme. Il se fonde sur ce que cette religion si peu liée dans toutes ses parties, n’exigeoit point les bonnes mœurs. Et de quel front, disoit-il, les auroit-elle exigées ? Tout étoit plein des crimes, des iniquités diverses qu’on reprochoit à l’assemblée des dieux. Leur exemple accoutumoit au mal, leur culte même applanissoit le chemin qui y conduit. Qu’on remonte à la source du paganisme, ou verra qu’il ne promettoit aux hommes que des biens physiques, comme des cérémonies d’éclat, des sacrifices, des décorations propres à faire respecter les temples & les autels, des jeux, des spectacles pour les passions si difficiles à corriger, ou plutôt à retenir dans de justes bornes, (car les passions ne se corrigent jamais entierement). Il leur laissoit une libre étendue, sans les contraindre en aucune maniere, sans aller jamais jusqu’au cœur. En un mot, la religion payenne étoit une espece de banque, où en échange des offrandes temporelles, les dieux rendoient des plaisirs, des satisfactions voluptueuses.

Pour répondre à cette objection, il faut remarquer que dans le paganisme il y avoit deux sortes de religion, la religion des particuliers, & la religion de la société. La religion des particuliers étoit inférieure à celle de l’état, & en étoit différente. A chacune de ces religions présidoit une Providence particuliere. Celle de la religion des particuliers ne punissoit pas toujours le vice, ni ne récompensoit pas toujours la vertu en ce bas monde, idée qui entraînoit nécessairement après elle celle du dogme des p<eines & des récompenses d’une autre vie. La Providence, sous la direction de laquelle étoit la société, étoit au contraire égale ou uniforme dans sa conduite, dispensant les biens & les maux temporels, selon la maniere dont la société se comportoit en-

vers les dieux. De-la vient que la religion faisoit

partie du gouvernement civil. On ne délibéroit sur rien, ni l’on n’exécutoit rien sans consulter l’oracle. Les prodiges, les présages étoient aussi communs que les édits des magistrats ; car on les regardoit comme dispersés par la Providence pour le bien public ; c’étoient ou des déclarations de la faveur des dieux, ou des dénonciations des châtimens qu’ils étoient sur le point d’infliger. Tout cela ne regardoit point les particuliers considérés comme tels. S’il s’agissoit d’accepter un augure, ou d’en détourner le présage, de rendre graces aux dieux, ou d’appaiser leur colere, la méthode que l’on suivoit constamment, étoit ou de rétablir quelque ancienne céremonie, ou d’en instituer de nouvelles ; mais la réformation des mœurs ne faisoit jamais partie de la propitiation de l’état. La singularité & l’évidence de ce fait ont frappé si fortement M. Bayle, que s’imaginant que cette partie publique de la religion des payens en faisoit le tout, il en a conclu avec un peu trop de précipitation, que la religion payenne n’instruisoit point à la vertu, mais seulement au culte externe des dieux ; & de-là il a tiré un argument pour soutenir son paradoxe favori en faveur de l’athéisme. La vaste & profonde connoissance qu’il avoit de l’antiquité ne l’a point, en cette occasion, garanti de l’erreur ; & l’on doit avouer qu’il y a été en partie entraîné par plusieurs passages des peres de l’Eglise dans leurs déclamations contre les vices du paganisme. Quoiqu’il soit évident que cette partie publique de la religion payenne n’eût aucun rapport à la pratique de la vertu, & à la pureté des mœurs ; on ne sauroit prétendre la même chose de l’autre partie de la religion, dont chaque individu étoit le sujet. Le dogme des peines & des récompenses d’une autre vie en étoit le fondement ; dogme inséparable du mérite des œuvres, qui consiste dans le vice & la vertu. Je ne nierai cependant pas que la nature de la partie publique de la religion n’ait souvent donné lieu à des erreurs dans la pratique de la religion privée, concernant l’efficacité des actes extérieurs en des cas particuliers. Mais les mysteres sacrés auxquels bien des personnes se faisoient initier, corrigeoient les maux que le polythéisme n’avoit pas la force de réprimer.

POLYTIMETOS, (Géog. anc.) fleuve que Quinte-Curce, Arrien & Strabon mettent dans la Sogdiane. Niger appelle ce fleuve Amo. (D. J.)

POLYTRIC, s. m. trichomanes, (Hist. nat. Botan.) genre de plante dont les feuilles sont composées de petites feuilles qui sont le plus souvent arrondies, & qui naissent de chaque côté de la côte comme par paire. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Le polytric est une plante chevelue du genre des mousses ; c’est l’espece d’adiantum ou de capillaire, qu’on nomme autrement capillaire rouge, trichomanes sive polytrichum, I. R. H. 539.

Sa racine est chevelue, fibreuse & noirâtre ; ses tiges sont longues d’une demi-palme ou d’une palme, d’un rouge foncé, luisantes, cylindriques, un peu roides, cassantes. Ses feuilles naissent de part & d’autre par conjugaisons ou alternativement ; elles sont arrondies, obtuses, vertes, lisses, chargées en-dessous de petites éminences écailleuses, formées de plusieurs capsules membraneuses, presque sphériques, garnies d’un anneau élastique, de même que dans les fruits du capillaire ; les capsules, par la contraction de cet anneau, s’ouvrent & jettent des graines brunes en forme de poussiere très-fine. Cette plante vient à l’ombre, dans des endroits élevés, sur de vieux murs, & dans les fentes humides des rochers. (D. J.)

Polytric, (Mat. med.) Le polytric est une des plantes appellées capillaires (voyez Capillaire) : on