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rope, borné au nord, par la mer Baltique qui le sépare de la Suede ; à l’orient, par la Tartarie & la Moscovie ; au midi, par le Pont-Euxin, la Valachie, la Moldavie, la Transsylvanie & la Hongrie ; à l’occident, par la Poméranie, le Brandebourg, la Silésie & la Moravie.

Ce royaume étoit autrefois plus vaste ; car il occupoit encore la Silésie, la Livonie, les duchés de Smolensko, de Séverie, de Czernichovie, le palatinat de Kiow, &c. il est malgré cela très-étendu ; sa longueur depuis l’extrémité du Marggraviat de Brandebourg, jusqu’aux frontieres de Moscovie, est de 210 lieues polonoises. Sa largeur depuis le fond de la Pokucie jusqu’au Parnau, en Livonie, est de près de 200 lieues du même pays ; c’est en grande partie ce qu’on appelloit autrefois Sarmatie.

Ce vaste état se divise en trois parties principales, la grande Pologne au nord, la petite Pologne au milieu, & le grand duché de Lithuanie, au sud-est ; Ces trois parties contiennent vingt-sept palatinats, qui ont chacun un gouverneur & un castellan.

Les principales rivieres de la Pologne sont la Vistule, le Bogh, la Varte, la Niemen, le Nieper, & le Niester. Cracovie est la capitale du royaume, & Varsovie la résidence la plus ordinaire des rois polonois de naissance. Long. depuis le 33d. jusqu’au 45. lat. du 47d. jusqu’au 56.

L’histoire & le gouvernement de la Pologne, demandent un article à part ; mais les curieux qui forment des bibliotheques considérables, où ils font entrer l’histoire de toutes les monarchies du monde, peuvent recueillir sur la Pologne les livres suivans ; d’abord pour la géographie, Ortelius, Bertius, Cluvier, Briet, Alexandre Guagnini de Vérone, sarmat. europ. descriptio, & mieux encore Andreæ Cellarii, noviss. descript. Poloniæ. Petri Rzaczinschi, hist. naturalis regni Poloniæ, Sandomiriæ 1720. in-4o.

Plusieurs auteurs ont compilé l’histoire de ce royaume, entr’autres Matthias Mickow, in chronicis ; Sarnic, annal. Polon. Neughbaveri res Polonorum ; Kedlubek, hist. Polon. Les suivans sont plus estimés, Dlugloss, hist. Polon. Martini Cromer, hist. Polon. Hartknock, de republicâ polonicâ. Simon Okolski, orbis polonus ; enfin, on a recueilli en un corps les meilleurs historiens de Pologne.

Les François, comme le Laboureur, Davity, Rochefort, Hauteville, Beaujeu, Massuet, &c. n’ont fait qu’effleurer très-superficiellement l’histoire du gouvernement de Pologne ; mais il n’en est pas de même de l’auteur de la vie de Sobieski ; il a recouru aux sources, & a peint avec goût. Voyez l’article suivant. (D. J.)

Pologne, histoire & gouvernement de, (Hist. & Droit politique) un tableau général de l’histoire & gouvernement de la Pologne, ne peut qu’être utile ; mais quand il est aussi-bien dessiné, que l’a fait M. l’abbé Coyer à la tête de sa vie de Sobieski, il plaît encore ; il instruit, il intéresse, il offre des réflexions en foule au philosophe & au politique ; on en jugera par l’esquisse que j’en vais crayonner. Qu’on ne la regarde pas cette esquisse comme une superfluité, puisque ce royaume est beaucoup moins connu que les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suede & le Danemarck.

D’ailleurs, l’histoire des royaumes héréditaires & absolus, ne produit pas ordinairement le grand intérêt que nous cherchons dans les états libres. La monotonie d’obéissance passive, salutaire si le monarque est bon, ruineuse s’il est méchant, ne met guere sur le théâtre de l’histoire, que des acteurs qui n’agissent qu’au gré d’un premier acteur ; & quand ce premier acteur est sans crainte, il n’a pas le pouvoir lui-même de nous intéresser vivement.

Il n’en est pas ainsi d’un pays dont le roi est élec-

tif ; ou ses vertus le portent sur le trône, ou c’est la force qui l’y place. S’il s’éleve par ses vertus, le spectacle est touchant ; si c’est par la force, il attire encore les regards en triomphant des obstacles ; & lorsqu’il est au faîte de la puissance, il a un besoin continuel de conseil & d’action pour s’y maintenir. Le roi, la loi, & la nation, trois forces qui pesent sans cesse l’une sur l’autre, équilibre difficile. La nation sous le bouclier de la loi, pense, parle, agit avec cette liberté qui convient à des hommes. Le roi, en suivant ou en violant la loi, est approuvé ou contredit, obéi ou désobéi, paisible ou agité.

Les Polonois avant le sixieme siecle, lorsqu’ils étoient encore Sarmates, n’avoient point de rois. Ils vivoient libres dans les montagnes & les forêts, sans autres maisons que des chariots, toujours méditant quelque nouvelle invasion ; mauvaises troupes pour se battre à pié, excellentes à cheval. Il est assez étonnant qu’un peuple barbare, sans chef & sans loix, ait étendu son empire depuis le Tanaïs jusqu’à la Vistule, & du Pont-Euxin à la mer Baltique ; limites prodigieusement distantes, qu’ils reculerent encore en occupant la Bohème, la Moravie, la Silésie, la Lusace, la Misnie, le Mecklenbourg, la Poméranie & les Marches Brandebourgeoises. Les Romains qui soumettoient tout, n’allerent point affronter les Sarmates.

Ce paradoxe historique montre ce que peuvent la force du corps, une vie dure, l’amour naturel de la liberté, & un instinct sauvage qui sert de loix & de rois. Les nations policées appelloient les Sarmates des brigands, sans faire attention qu’elles avoient commencé elles-mêmes par le brigandage.

Il s’en faut beaucoup que les Polonois, qui prirent ce nom au milieu du sixieme siecle, aient conservé tout l’héritage de leurs peres. Il y a long-tems qu’ils ont perdu la Silésie, la Lusace, une grande partie de la Poméranie, la Bohème, & tout ce qu’ils possédoient dans la Germanie. D’autres siecles ont encore amené de nouvelles pertes ; la Livonie, la Podolie, la Volhinie, & les vastes campagnes de l’Ukraine ont passé à d’autres puissances ; c’est ainsi que tant de grands empires se sont brisés sous leur propre poids.

Vers l’an 550, Leck s’avisa de civiliser les Sarmates ; sarmate lui-même, il coupa des arbres, & s’en fit une maison. D’autres cabanes s’éleverent autour du modèle. La nation jusqu’alors errante se fixa ; & Gnesne, la premiere ville de Pologne, prit la place d’une forêt. Les Sarmates apparemment connoissoient mal les aigles ; ils en trouverent, dit-on, plusieurs nids en abattant des arbres ; c’est de-là que l’aigle a passé dans les enseignes polonoises. Ces fiers oiseaux font leurs aires sur les plus hauts rochers, & Gnesne est dans une plaine. Leck attira les regards de ses égaux sur lui, & déployant des talens pour commander autant que pour agir, il devint leur maître, sous le nom de duc, pouvant prendre également celui de roi.

Depuis ce chef de la nation jusqu’à nos jours, la Pologne a eu d’autres ducs, des vaivodes, aujourd’hui palatins, des rois, des reines, des régentes & des interregnes. Les interregnes ont été presqu’autant d’anarchies ; les régentes se sont fait haïr ; les reines en petit nombre n’ont pas eu le tems de se montrer ; les vaivodes ne furent que des oppresseurs. Parmi les ducs & les rois, quelques-uns ont été de grands princes ; les autres ne furent que guerriers ou tyrans. Tel sera toujours à-peu-près le sort de tous les peuples du monde, parce que ce sont des hommes & non les loix qui gouvernent !

Dans cette longue suite de siecles, la Pologne compte quatre classes de souverains ; Leck, Piast, Jagellon, voilà les chefs des trois premieres races.