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des bâtimens, du parc, de la réparation des rues & grands chemins, &c.

Auguste attaqua ensuite le corps remuant des édiles ; il en retrancha dix, & ôta à la jurisdiction de ceux qui restoient ce qu’ils avoient usurpé sur le dernier préteur, qu’il supprima. Il substitua aux préteurs & aux édiles quatorze curatores urbis, inspecteurs de ville, ou commissaires, qui servirent d’aides au préfet de la ville, adjutores præfecti urbis. Il institua autant de quartiers dans Rome qu’il avoit créé de commissaires ; chaque commissaire eut un quartier pour son district.

L’innovation d’Auguste entraîna, sous Constantin, la suppression des édiles. Les quatorze commissaires étoient plébeïens. Ce nombre fut doublé par Alexandre Sévere, qui en choisit quatorze autres dans l’ordre patricien, ce qui fait présumer que Rome fut subdivisée en quatorze autres quartiers.

Les Romains convaincus de la nécessité d’entretenir soigneusement les greniers publics, avoient créé, sous Jules César, deux préteurs & deux édiles, pour veiller à l’achat, au transport, au dépôt, & à la distribution des grains. Auguste supprima ces quatre officiers, & renvoya toute cette intendance au préfet de la ville, à qui il donna pour soulagement un subdélégué, qu’il nomma præfectus annonæ, le préfet des provisions ; cet officier fut tiré de l’ordre des chevaliers.

La sureté de la ville pendant la nuit fut confiée à trois officiers qu’on appelloit triumvirs nocturnes. Ils faisoient leurs rondes, & s’assuroient si les plébeiens chargés du guet étoient à leur devoir. Les édiles succéderent à ces triumvirs nocturnes, & pour cet effet leur nombre fut augmenté de dix, qu’Auguste supprima, comme nous avons dit. Il préféra à ce service celui de mille hommes d’élite dont il fit sept cohortes qui eurent chacune leur tribun. Une cohorte avoit par conséquent la garde de deux quartiers ; tous ces tribuns obéissoient à un commandant en chef appellé prefectus vigilum, commandant du guet, cet officier étoit subordonné au préfet de la ville. Il ajouta à ces officiers subordonnés au préfet de Rome, un commissaire des canaux & autres ouvrages construits, soit pour la conduite, soit pour la conservation des eaux, un commissaire du canal ou lit du Tibre & des cloaques ; quant à la censure, il s’en réserva l’autorité, confiant seulement à un officier qui portoit le titre de magister censûs, le soin de taxer les citoyens & de recouvrer les deniers publics. Il créa un commissaire des grands ouvrages, un commissaire des moindres édifices, un commissaire des statues, un inspecteur des rues & de leur nettoyement, appellé præfectus rerum nitentium.

Pour que les commissaires de quartiers fussent bien instruits, il leur subordonna trois sortes d’officiers, des dénonciateurs, des vicomaires, & des stationnaires. Les dénonciateurs au nombre de dix pour chaque quartier instruisoient les commissaires des désordres ; pour savoir ce que c’étoit que les vicomaires, il faut observer que chaque quartier étoit subdivisé en départemens ; quatre officiers annuels avoient l’inspection de chaque département. Ils marchoient armés & prêtoient main forte aux commissaires : tel étoit l’emploi des vicomaires. Il y avoit à Rome quatorze quartiers ; chaque quartier se subdivisoit en quatre cens vingt-quatre départemens, vici. Il y avoit donc pour maintenir l’ordre & la tranquillité publique & faire la police dans cette étendue, soixante & dix-huit commissaires, vingt-huit dénonciateurs, & mille six cens quatre-vingt-seize vicomaires. Les stationaires occupoient des postes fixés dans la ville, & leur fonction étoit d’appaiser les séditions.

Voilà pour la police de Rome, mais quelle fut celle du reste de l’empire ? Les Romains maitres du mon-

de, poserent pour premier principe d’un sûr & solide

gouvernement, cette maxime censée, omnes civitates debent sequi consuetudinem urbis Romæ. Ils envoyerent donc dans toutes les provinces subjuguées un proconsul ; ce magistrat avoit dans la province l’autorité & les fonctions du préfet de Rome, & du consul. Mais c’en étoit trop pour un seul homme ; on le soulagea donc par un député du proconsul, legatus proconsulis. Le proconsul faisoit la police & rendoit la justice. Mais dans la suite on jugea à propos, pour l’exactitude de la police, qui demande une présence & une vigilance ininterrompue, de fixer dans chaque ville principale des députés du proconsul, sous le titre de servatores locorum. Auguste ne toucha point à cet établissement, il songea seulement à le perfectionner, en divisant les lieux dont les députés du proconsul étoient les conservateurs, en des départemens plus petits, & en augmentant le nombre de ces officiers.

Les Gaules furent partagées en dix-sept provinces, en trois cens cinq peuples ou cités, & chaque peuple en plusieurs départemens particuliers. Chaque peuple avoit sa capitale, & la capitale du premier peuple d’une province s’appella la métropole de la province. On répandit des juges dans toutes les villes. Le magistrat dont la jurisdiction comprenoit une des dix-sept provinces entieres, s’appella président ou proconsul, selon que la province étoit du partage de l’empereur ou du sénat. Les autres juges n’avoient d’autres titres que celui de juges ordinaires, judices ordinarii, dans les grandes villes ; de juges pedanés, judices pedanei, dans les villes moyennes ; & de maires des bourgs ou villages, magistri pagorum, dans les plus petits endroits. Les affaires se portoient des maires aux juges ordinaires de la capitale, de la capitale à la métropole, & de la métropole à la primatie, & de la primatie quelquefois à l’empereur. La primatie fut une jurisdiction établie dans chacune des quatre plus anciennes villes des Gaules, à laquelle la jurisdiction des métropoles étoit subordonnée.

Mais tous ces appels ne pouvoient manquer de jetter les peuples dans de grands frais. Pour obvier à ces inconvéniens, Constantin soumit tous ces tribunaux à celui d’un préfet du prétoire des Gaules, où les affaires étoient décidées en dernier ressort, sans sortir de la province.

Les juges romains conserverent leurs anciens noms jusqu’au tems d’Adrien ; ce fut sous le regne de cet empereur qu’ils prirent ceux de dues & de comtes : voici à quelle occasion. Les empereurs commencerent alors à se former un conseil ; les membres de ce conseil avoient le titre de comtes, comites. Ils en furent tellement jaloux que, quand ils passerent du conseil de l’empereur à d’autres emplois, ils jugerent à propos de le conserver, ajoutant seulement le nom de la province où ils étoient envoyés ; mais il y avoit des provinces de deux sortes ; les unes pacifiques, & les autres militaires. Ceux qu’on envoyoit dans les provinces militaires étoient ordinairement les généraux des troupes qui y résidoient ; ce qui leur fit prendre le titre de ducs, duces.

Il y avoit peu de chose à reprocher à la police de Rome ; mais celle des provinces étoit bien imparfaite. Il étoit trop difficile, pour ne pas dire impossible, à des étrangers de connoître assez bien le génie des peuples, leurs mœurs, leurs coutûmes, les lieux, une infinité d’autres choses essentielles, qui demandent une expérience consommée, & de ne pas faire un grand nombre de fautes considérables. Aussi cela arriva-t-il ; ce qui détermina l’empereur Auguste, ou un autre, car la date de cette innovation n’est pas certaine, à ordonner que les députés des consuls & les conservateurs des lieux feroient tirer du corps même des habitans, un certain nombre d’ai-