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petites mesures pour les liqueurs ; elle ne contient que la moitié d’un demi-septier, ou le quart d’une chopine, ou la huitieme partie d’une pinte, mesure de Paris. Le poisson est de six pouces cubiques ; on lui donne encore les noms de posson ou de roquille.

Poisson se dit aussi d’une liqueur mesurée ; un poisson de vin, un poisson d’eau-de-vie, &c. Savary.

POISSONNIERE, s. f. (Chauderonnerie.) c’est un ustensile de cuisine qui sert à cuire le poisson. Cet ustensile est un vaisseau de cuivre fait en long, médiocrement creux, avec des rebords & une anse, qu’on étame proprement.

Poissonniere, s. f. ((Vendeuse de poisson.) à Paris les poissonnieres étalent dans les halles & marchés dans des baquets qu’elles ont devant elles, où le poisson vivant nage & se conserve dans l’eau, dont ces baquets sont remplis ; le nom de poissonniere ne se donne qu’à des marchandes de poisson d’eau douce ; les autres se nomment marchandes de marée, si leur commerce est de poisson de mer frais ; ou marchandes de saline, si elles font commerce de poisson de mer salé.

POISSY (Géog. mod.) petite ville de l’île de France, au bord de la forêt de Saint-Germain, sur la rive gauche de la Seine, à une lieue au-dessous du confluent de l’Oyse avec la Seine. Il y a un monastere de religieuses de S. Dominique, que Philippe-le-Bel commença, & qui fut achevé par Philippe de Valois en 1330 ; mais le feu du ciel tomba sur l’église en 1695, & consuma la pyramide revêtue de plomb, qui avoit quarante-cinq toises de haut. Il y a encore à Poissy une collégiale, une paroisse, un couvent de Capucins, un d’Urselines, & un hôpital.

Cette ville, où se tient aujourd’hui un gros marché de bestiaux pour l’approvisionnement de Paris, est connue dans l’histoire par l’assemblée de Catholiques & de Protestans qui y fut convoquée en 1561, & où se rendirent Charles IX. Catherine de Medicis sa mere, & toute la famille royale. Cette assemblée appellée le colloque de Poissy, n’eut aucun succès ; la vanité du cardinal de Lorraine qui comptoit y briller, fut la seule cause qui procura cette assemblée, & Théodore de Beze s’y distingua en portant la parole pour les Protestans. Long. de Poilly 19. 40. lat. 48. 56.

Ce lieu qui est fort ancien se nomme en latin Pinciacum, comme il est marqué dans les chartres & dans les capitulaires des rois. Le pays des environs s’appelle pagus Pinciacensis, & en françois le Pincerais ; nos anciens rois ont quelquefois demeuré à Poissy, & y avoient un château dès le tems même que celui de Sain-Germain-en-Laye fut bâti.

Louis IX. y naquit le 25 Avril 1215. Il a été un des plus grands hommes & des plus singuliers, dit le pere Daniel. « En effet, ajoute M. Henault, ce prince d’une valeur éprouvée, n’étoit courageux que pour de grands intérêts. Il falloit que des objets puissans, la justice, ou l’amour de son peuple, excitassent son ame, qui hors de-là sembloit foible, simple & timide ; c’est ce qui faisoit qu’on le voyoit donner des exemples du plus grand courage, quand il combattoit les rebelles, les ennemis de son état, ou les infideles ; c’est ce qui faisoit que tout pieux qu’il étoit, il savoit résister aux entreprises des papes & des évêques, quand il pouvoit craindre qu’elles n’excitassent des troubles dans son royaume ; c’est ce qui faisoit que sur l’administration de la justice, il étoit d’une exactitude digne d’admiration ; mais quand il étoit rendu à lui-même, quand il n’étoit plus que particulier, alors ses domestiques devenoient ses maîtres, sa mere lui commandoit, & les pratiques de la dévotion la plus simple remplissoient ses journées ; à la vérité, toutes ces pratiques étoient annoblies par les vertus solides

jamais démenties, qui formerent son caractere ».

Le lecteur sera bien aise de trouver encore ici la peinture que M. de Voltaire a faite de ce prince, & de ses actions.

Il paroissoit, dit-il, destiné à rendre la France triomphante & policée, & à être en tout le modele des hommes. Sa piété, qui étoit celle d’un anachorete, ne lui ôta aucune vertu de roi ; sa libéralité ne déroba rien à une sage économie ; il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte ; prudent & ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant comme s’il n’avoit jamais été que malheureux ; il n’est pas donné à l’homme de porter plus loin la vertu.

Conjointement avec la régente sa mere qui savoit regner, il modéra la puissance de la jurisdiction trop étendue des ecclésiastiques : distinguant sagement entre les lois civiles auxquelles tout doit être soumis, & les lois de l’Eglise, dont l’empire doit ne s’étendre que sur les consciences, il ne laissa pas plier les lois du royaume sous l’abus des excommunications. Ayant dès le commencement de son administration, contenu les prétentions des évêques & des laïcs dans leurs bornes, Il avoit réprimé les factions de la Bretagne ; il avoit gardé une neutralité prudente entre les emportemens de Grégoire IX. & les vengeances de Fréderic II.

Son domaine déjà fort grand, s’accrut de plusieurs terres qu’il acheta. Les rois de France avoient alors pour revenus leurs biens propres, & non ceux des peuples ; leur grandeur dépendoit d’une économie bien entendue, comme celle d’un seigneur particulier.

Cette administration le mit en état de lever de fortes armées contre le roi d’Angleterre Henri III. & contre des vassaux de France unis avec l’Angleterre. Henri III. moins riche, moins obéi de ses Anglois, n’eut ni d’aussi bonnes troupes, ni d’aussi-tôt prêtes. Louis le battit deux fois, & sur-tout à la journée de Taillebourg en Poitou en 1241. Cette guerre fut suivie d’une paix utile, dont Henri III. paya les frais, & les vassaux de France rentrés dans leurs devoirs, n’en sortirent plus. Quand on songe que Louis IX. n’avoit pas vingt-quatre ans lorsqu’il se conduisit ainsi, & que son caractere étoit fort au-dessus de sa fortune, on voit ce qu’il eût fait, s’il fût demeuré dans sa patrie, & on gémit que la France ait été si malheureuse par ces vertus mêmes qui devoient faire son bonheur.

L’an 1244, Louis attaqué d’une maladie violente, crut, dit-on, dans une létargie, entendre une voix qui lui ordonnoit de prendre la croix contre les infideles. A peine put-il parler qu’il fit vœu de se croiser. La reine sa mere, la reine sa femme, son conseil, tout ce qui l’approchoit, sentit le danger de ce vœu funeste, l’évêque de Paris même lui en représenta les conséquences ; mais Louis regardoit ce vœu comme un lien sacré, qu’il n’étoit pas permis aux hommes de dénouer. Il prépara pendant quatre années son expédition ; enfin laissant à sa mere le gouvernement du royaume, il partit avec sa femme & ses trois freres, que suivirent aussi leurs épouses, & presque toute la chevalerie de France l accompagna. La flotte qui portoit tant de princes & de soldats, sortit de Marseille, & d’Aiguemortes, qui n’est plus un port aujourd’hui.

Si la fureur des croisades & la religion des sermens avoient permis à Louis d’écouter la raison, non-seulement il eût vû le mal qu’il faisoit à son pays en l’appauvrissant & le dépeuplant, mais il eût vû encore l’injustice de cet armement qui lui paroissoit si juste. Il mouilla dans l’île de Chypre, & aborda en Egypte, où après la mort de son frere, Robert d’Artois, il fut pris par le soudan d’Egypte en 1250