Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/776

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui travaillent ce métal. En effet les ouvriers qui travaillent dans les fonderies de plomb, sont sujets à des coliques spasmodiques très-violentes, & accompagnées de douleurs insupportables. Les Allemans nomment cette maladie hutten-katse, ce qui signifie le chat des fonderies. Les plombiers qui fondent du plomb, & les peintres qui emploient beaucoup de ceruse parmi leurs couleurs, sont sujets à la même maladie que l’on nomme en France colique des plombiers ou colique des peintres. Les Anglois nomment cette maladie millreek. En voici les symptomes ; elle commence par une pesanteur sur l’estomach, & quelquefois par une colique vive dans les intestins ; les malades sentent un goût douçâtre dans la bouche, leur pouls est foible, leurs jambes s’affoiblissent & sont comme engourdies, ils éprouvent des lassitudes par tout le corps ; l’appétit se perd, les digestions se font mal ; quelquefois il survient une diarrhée qui peut soulager le malade, pourvu qu’elle ne dure point trop long-tems. Si l’on ne remédie à ces premiers symptomes, le mal augmente ; on sent une douleur fixe dans l’estomac & les intestins, surtout dans la partie inférieure de l’abdomen. On est fortement resserré, on sent ses entrailles comme déchirées, le pouls devient très-vif, la peau est brûlante, il survient un grand mal de tête accompagné d’un délire qui est suivi de tremblemens, de convulsions & d’une espece de fureur qui fait que les malades se dechirent & se mordent aux bras & aux mains ; le pouls devient intermittent, & ils meurent dans une espece de coma ou d’apoplexie.

On attribue avec raison cette funeste maladie à la fumée du plomb que le feu en dégage ; c’est une vraie chaux de plomb que les ouvriers respirent perpétuellement, & qui est portée dans l’estomac & les intestins, où elle ne trouve que trop d’acides propres à la dissoudre & à lui donner de l’activité. On assure que cette vapeur n’est pas moins funeste aux animaux. On dit que les oiseaux qui traversent la fumée des fonderies de plomb, tombent morts ; les bestiaux & les troupeaux ne peuvent paître sans danger dans les prairies du voisinage sur lesquelles retombe cette fumée pernicieuse ; les eaux mêmes des environs en sont empoisonnées, & les chiens qui en boivent ont des symptomes de la rage.

Pour se garantir d’une maladie si terrible, il faut surtout que les ouvriers qui s’occupent de ces travaux dangereux, s’abstiennent soigneusement de nourritures acides & vinaigrées, de salines, &c. ainsi que d’excès dans le vin & dans les liqueurs fortes. Il est à propos qu’ils ne travaillent jamais à jeun, qu’ils fassent usage de beurre, de laitage, & d’alimens gras.

Lorsqu’ils seront attaqués de cette maladie, il faudra sans délai leur faire prendre des vomitifs très violens pour évacuer les premieres voies. On pourra encore appaiser les coliques des intestins en leur appliquant des fomentations sur le ventre. Il reste quelquefois long-tems après la cure, des douleurs dans les jambes semblables à celles que causent les rhumatismes ; on pourra les faire passer au moyen de l’exercice du cheval.

C’est vraisemblablement au plomb qu’il faut attribuer beaucoup de coliques & de maladies dont souvent on se trouve attaqué, sans en deviner la cause. En effet la plûpart de nos alimens sont préparés dans des casseroles de cuivre qui sont déja dangereuses par elles-mêmes. Voyez Cuivre. Pour se garantir de ces dangers, on les étame, c’est-à-dire, qu’on double le cuivre avec de l’étain, qui est communément falsifié & mêlé avec une grande quantité de plomb. Les graisses, les sels, le vinaigre, &c. agissent sur ce plomb, & font qu’il s’en mêle une portion dans nos alimens. Le même danger subsiste pour les poteries de terre vernissées ; en effet le vernis ou la couverte

dont on les enduit par dedans & par dehors, est un véritable verre de plomb, sur lequel le vin, le vinaigre & les acides peuvent agir ; par là on travaille peu à peu à se détruire. (—)

Plomb, (Pharmac. & Mat. médic.) la premiere considération médicale sur ce métal doit se déduire d’une de ses propriétés chimistes ; savoir, de sa dissolubilité par les acides, par les alkalis & par les huiles, voyez Plomb, Chimie ; en sorte que toutes les substances salines, à l’exception des sels parfaitement neutres, & les substances huileuses qui ont été enfermées dans des vaisseaux de plomb, doivent toujours être soupçonnées contenir quelques particules de ce métal. Cependant il ne faudroit pas en inférer que l’eau de fontaine ou de riviere qu’on garde dans des reservoirs de plomb, ou qui coulent à-travers des conduits de ce métal pour servir aux usages économiques, soit altérée par cette imprégnation ; car l’eau commune ne contient aucun acide, aucun alkali salin nud ; & en supposant même qu’elle fût chargée d’un pareil menstrue, la croûte de terre seleniteuse qui ne tarderoit pas à se former dans l’intérieur de ces conduits ou reservoirs, préserveroit l’eau contre un pareil accident.

Les sels parfaitement neutres qu’on prépare dans des chaudieres de plomb, comme l’alun, dont la préparation est la même dans presque tous les pays, la cuite du sel marin qui se fait au feu artificiel sur les côtes de la Bretagne & autres contrées maritimes, ou l’air est humide & le ciel ordinairement nébuleux, les sels d’Ebsum & de Seidlitz, tous ces sels, dis-je, parfaitement neutres n’empruntent aucune qualité mal-faisante de ces chaudieres de plomb, n’en détachent & n’en entraînent rien.

Les différens produits du plomb employés le plus communément en Médecine, sont la chaux jaunâtre de plomb ou massicot, la chaux rouge ou minium, la chaux à-demi vitrifiée ou la litarge, qu’on divise mal-à-propos en litarge d’or & litarge d’argent, attendu que la premiere n’est pas un produit de l’affinage de l’or, ni la seconde un produit constant de l’affinage de l’argent, & qu’enfin elles ne different point essentiellement entr’elles ; le verre de plomb, les sels neutres préparés avec les acides végétaux & le plomb, le sel imparfait qui provient de l’acide du vinaigre, & qu’on appelle céruse, ou suivant quelques auteurs, & comme on le trouve dans la pharmacopée de Paris, plomb blanc, dénomination équivoque, puisqu’elle désigne ordinairement l’étain ; le sel neutre parfait, autrement appellé sucre ou sel de Saturne, qu’on retire des acides végétaux quelconques fermentes, & dont la propriété spéciale, de même que celle du sel formé du plomb & de l’acide nitreux, est d’avoir une saveur douce singuliere, suivie d’un arriere goût austere-stiptique ; les magisteres ou précipités de ces divers sels, un baume résultant d’une dissolution dans les huile éthérées du plomb, soit dans son intégrité, soit calciné, ou du sucre de Saturne, enfin différentes chaux de plomb unies par une véritable mixtion à des huiles grasses, fournissent à la Médecine des emplâtres simples, & les bases de plusieurs emplâtres composés : on peut mettre encore au nombre des médicamens retirés du plomb, le blanc rhasis, qui est un composé de cire & d’huile par expression, & de céruse, & le nutritum commun, qui se prépare avec du vinaigre de Saturne & l’huile d’olive.

Les remedes qu’on tire du plomb pour les employer à l’extérieur, sont vantés par les vertus suivantes : ceux qui sont sous forme de poudre, entr’autres le minium & la céruse, & les emplâtres préparés avec ces dernieres substances, ont une vertu dessicative, vulnéraire, discussive, absorbante ; l’acide ou le sucre de Saturne, soit en lotion, soit employé dans les onguens, a une qualité repercursive, tonique, ra-