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revenu d’une grande maladie où il avoit perdu connoissance, & ayant appris que quelques-uns de ses officiers l’avoient empêché de s’approcher d’une fenêtre, apparemment dans la crainte qu’il ne se précipitât, il les chassa tous.

Avare par gout, & prodigue par politique, méprisant les bienséances, incapable de sentimens, confondant l’habileté avec la finesse, préférant celle-ci à toutes les vertus, & la regardant non comme le moyen, mais comme l’objet principal, enfin moins habile à prévenir le danger qu’à s’en tirer, né cependant avec de grands talens dans l’esprit, & ce qui est singulier, ayant relevé l’autorité royale, tandis que sa forme de vie, son caractère, & tout son extérieur auroient semble devoir l’avilir.

Louis XI. avoit augmenté les tailles de trois millions, & levé, pendant vingt ans, quatre millions sept cens mille livres par an, ce qui pouvoit faire environ vingt-trois millions d’aujourd’hui, au lieu que Charles VII. n’avoit jamais levé par an que dix-huit cens milles francs.

Il avoit une plaisante superstition ; il ne vouloit point entendre parler d’affaires le jour des Innocens, il ne vouloit pas non plus prêter serment sur la croix de S. Lo (car l’usage de jurer sur les reliques subsistoit encore) ; cette croix de S. Lo l’emportoit alors sur toutes les reliques, même sur celles de S. Martin, si révérées & si redoutables sous la premiere race.

Le prétexte de ce prince étoit que c’eut été manquer de respect pour l’instrument de notre salut ; mais un de ses historiens nous apprend que sa répugnance ne venoit que d’une vieille croyance de son tems : ceux qui se parjuroient en jurant sur cette relique, mouroient, croyoit-on alors, misérablement dans l’année, & le bon prince étoit un peu plus attaché à la vie qu’à sa parole.

C’est lui qui a honoré les armoiries des Medicis de l’écusson de France. Il eut d’abord intention de se rendre chef de l’ordre de la Toison, & de la conférer à la mort de Charles le téméraire, comme étant aux droits de la maison de Bourgogne ; mais ensuite il le dédaigna, dit Brantôme, & ne crut pas qu’il lui convînt de se rendre chef de l’ordre de son vassal. Voilà ce que dit de ce prince M. Hainault dans son abrégé de l’histoire de France. Ajoutez-y que le titre de roi très-chrétien fut donné à Louis XI. en 1469.

Jamais prince n’en fut moins digne, & sa donation de Boulogne à la Sainte-Vierge doit plutôt être réputée pour artifice que pour extravagance. Le seul titre du contrat qu’il fit semble justifier cette réflexion. Voici le titre de ce contrat : « Transport de Louis XI. à la Vierge-Marie de Boulogne du droit & titre du fief & hommage du comté de Boulogne, dont releve le comté de Saint-Pol, pour être rendu devant l’image de ladite Dame par ses successeurs, en 1478 ».

Il n’est point nécessaire de rechercher le fond des affaires que ce prince avoit eues pour l’acquisition de ces deux terres : ce sont de ces sentimens dont il est ici question, & non pas des droits de la couronne. Il suffit de savoir qu’il crut que cet acte, tout bizarre qu’il est, étoit utile au bien de ses affaires, puisqu’il s’en avisa & qu’il le fit.

Il n’y a rien d’extraordinaire de consacrer, vouer, dédier le revenu de ses terres au service de Dieu, à l’usage de ses ministres, à l’ornement de leurs temples & de leurs autels ; mais de choisir des puissances célestes pour en faire les objets de notre libéralité ; qu’au lieu de leur demander, ou de feindre d’avoir reçu d’elles, on se soit ingéré de leur donner, comme si elles avoient besoin de nos biens, ainsi que nous avons besoin des leurs ; qu’elles en pussent jouir efficacement, ainsi que nous pouvons jouir des leurs, de leurs lumieres & de leur intelligence, quand il leur

plaît de nous en communiquer quelque rayon ; cette fausse libéralité, dis-je, est un indigne artifice, & cependant il réussit à Louis XI. car nous ne voyons pas que de son tems on ait taxé de fraude cette action extraordinaire. Personne ne trouva étrange que ce prince contractât avec la Sainte-Vierge tout comme il auroit contracté avec un autre prince, & qu’il lui fit du-moins par fiction accepter un présent dont il ne demeuroit pas moins maître après cette prétendue libéralité.

Car enfin, est-ce que les baillifs, prevôts & autres officiers de la comté de Boulogne, quand on les auroit appellés les baillifs de la Vierge, ses prevôt & ses officiers, en devoient moins obéir au roi ? Est-ce que l’église de Boulogne jouissant du revenu de la terre, en étoit mieux desservie ? Est-ce que le roi en étoit moins comte pour avoir donné cette comté à la Vierge ? Non assurément. Mais le peuple d’alors ne voyoit pas tout cela comme nous le voyons ; ses vues ne portoient pas assez loin. Il y a eu des tems où l’on a pu hasarder sans crainte toutes sortes d’artifices prétendus religieux. (Le Chevalier de Jaucourt.)

PLESTORE, s. m. (Mythol.) nom propre d’un faux dieu des anciens Thraces. On ne sait ce que c’étoit que ce dieu ; tout ce que l’on en apprend d’Hérodote, est que les Thraces lui sacrifioient des hommes.

PLÉTHORE, s. f. (Médec.) plénitude, en Medecine, signifie surabondance de sang & d’humeurs. La pléthore est une quantité de sang louable, plus grande qu’il ne faut pour pouvoir supporter les changemens qui sont inévitables dans la vie, sans occasionner des maladies. C’est de la pléthore dont parle Hippocrate, lorsqu’il dit dans le troisieme aphorisme de la premiere section, « que les personnes qui se portent le mieux sont dans un état dangereux, puisque ne pouvant demeurer dans le même état pendant longtems, ni changer pour le mieux, il faut nécessairement qu’elles tombent dans un état pire, de sorte qu’on doit les en tirer le plus promptement qu’il est possible ».

La pléthore ne consiste point dans l’augmentation de toutes sortes d’humeurs indifféremment, mais seulement dans celles des sucs louables. Aussi Galien nous apprend-il, method. medend. lib. XIII. cap. vj. qu’on donne le nom de pléthore à l’augmentation mutuelle & uniforme des fluides ; au lieu que lorsque le sang abonde en bile noire ou jaune, en pituite, ou en humeurs séreuses, on appelle cette maladie une cacochimie, & non une pléthore.

La pléthore, ou la quantité augmentée des fluides, retarde leur circulation ; & les fluides languissant dans leur mouvement, tendent bientôt à produire des stases, des phlogoses, des embarras, & enfin des inflammations qui emportent en peu de tems les malades, si on n’y remédie promptement ; c’est ainsi que le sang superflu qui produit la pléthore dans les femmes & dans les hommes, & qui occasionne le flux menstruel ou hémorrhoïdal, n’est point mauvais en lui-même ; mais par son séjour & la pression qu’il fait sur les vaisseaux, il occasionne une compression, un étranglement dans les diametres des vaisseaux collatéraux, & de-là viennent les obstructions, les congestions inflammatoires, & les maladies aiguës & chroniques.

Les anciens distinguoient deux sortes de pléthore, l’une qui affecte le vaisseaux, & l’autre qui influe sur les forces, lorsque les vaisseaux sont tellement remplis de liqueurs louables, & qu’ils sont menacés de rupture, cela s’appelle simplement une plénitude ou pléthore des vaisseaux ; mais lorsque ces vaisseaux, sans contenir une trop grande quantité d’humeurs louables, en renferment cependant plus que la force vitale n’est en état d’en faire circuler, cela s’appelle