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priétés de la matiere, elle s’appelle Mathématique.

La philosophie pratique est ou morale, ou domestique, ou civile ; morale, quand elle travaille à l’institution des mœurs ; domestique, à l’économie de la famille ; civile, à la conservation de la république.

De la dialectique de Platon. La connoissance de la vérité naît de la sensation, quoiqu’elle n’appartienne point à la sensation, mais à l’esprit ; c’est l’esprit qui juge.

L’esprit ou l’entendement a pour objet les choses simples, intelligibles par elles-mêmes, constantes ou qui sont telles qu’on les conçoit, ou les choses sensibles, mais qui échappent à l’organe ou par leur petitesse, ou par leur mobilité qui sont en vicissitude ou inconstantes ; & il y a science & opinion ; science des premieres, opinion des secondes.

La sensation est une affectation de l’ame conséquente à quelque impression faite sur le corps.

La mémoire est la permanence de la forme reçue dans l’entendement en conséquence de la sensation.

Si le témoignage de la mémoire se confirme par celui de la sensation, il y a opinion ; s’ils se contredisent, il y a erreur.

L’ame humaine est une table de cire, où la nature imprime son image ; la pensée est l’entretien de l’ame avec elle-même ; le discours est l’énonciation extérieure de cet entretien.

L’intelligence est l’acte de l’entendement appliqué aux premiers objets intelligibles.

L’intelligence comprend ou les intelligibles qui lui sont propres & qui étoient en elle, & elle les comprend avant que l’ame fût unie au corps, ou les mêmes objets, mais après son union avec le corps, alors l’intelligence s’appelle connoissance naturelle.

Cette connoissance naturelle constitue la reminiscence qu’il ne faut pas confondre avec la mémoire ; la mémoire est des choses sensibles ; la reminiscence est des intelligibles.

Entre les objets intelligibles, il y en a de premiers, comme les idées ; de secondaires, comme les attributs de la matiere, ou les especes qui n’en peuvent être séparées. Pareillement entre les objets sensibles, il y en a de premiers, comme la blancheur, & les autres abstraits ; de secondaires, comme le blanc, & les autres concrets.

L’entendement ne juge point des objets intelligibles premiers, sans cette raison qui fait la science. C’est de sa part un acte simple, une appréhension pure & sans discours. Le jugement des objets intelligibles secondaires suppose la même raison & le même acte, mais moins simple ; & il y a intelligence.

Le sens ne juge point des objets sensibles premiers ou secondaires, sans cette raison qui fait l’opinion ; le jugement des concrets la suppose ainsi que le jugement des abstraits ; mais il y a sensation.

On est à ce qu’il y a de vrai & de faux dans la spéculation ; à ce qu’il y a de propre & d’étranger aux actions, dans la pratique.

C’est la raison innée du beau & du bon, qui rend le jugement pratique : cette raison innée est comme une regle dont nous faisons constamment l’application pendant la vie.

Le dialecticien s’occupera d’abord de l’essence de la chose, ensuite de ses accidens.

Il commencera par définir, diviser, resoudre ; puis il inférera & raisonnera.

Qu’est-ce que la division ? C’est la distribution d’un genre en especes, d’un tout en parties, d’accidens en sujets, de sujets en accidens. On ne parvient à la notion de l’essence, que par ce moyen.

Qu’est-ce que la définition ? Comment se fait-elle ? En partant du genre, passant à la différence la plus prochaine, & descendant de-là à l’espece.

Il y a trois sortes de résolutions : l’une qui remon-

te des sensibles aux intelligibles ; une seconde qui

procede par voie de démonstration ; une troisieme par voie de supposition.

Il faut que l’orateur connoisse l’homme, les différences de l’espece humaine, les formes diverses de l’énonciation, les motifs de persuasion, & les avantages des circonstances : c’est là ce qui constitue l’art de bien dire.

Il ne faut pas ignorer la maniere dont le sophisme prend le caractere de la vérité.

La connoissance des mots & la raison de la dénomination ou l’étimologie ne sont pas étrangeres à la dialectique.

De la philosophie contemplative de Platon, & premierement de sa théologie. Il ne se fait rien de rien.

Il y a deux causes des choses, l’une dont elles sont ; l’autre par laquelle elles sont. Celle-ci est Dieu ; l’autre est la matiere. Dieu & la matiere sont éternels & également indépendans, quant à leur essence, à leur existance.

La matiere est infinie en étendue & en durée.

La matiere n’est point un corps ; mais tous les corps sont d’elle.

Il y a dans la matiere une force aveugle, brute, nécessaire, innée, qui la meut témérairement, & dont elle ne peut être entierement dépouillée. C’est un obstacle que Dieu même n’a pu surmonter. C’est la raison pour laquelle il n’a pas fait ce que l’on conçoit de mieux. De-là, tous les défauts & tous les maux. Le mal est nécessaire ; il y en a le moins qu’il est possible.

Dieu est un principe de bonté opposé à la méchanceté de la matiere. C’est la cause par laquelle tout est ; c’est la source des êtres existans par eux-mêmes, spirituels & parfaits ; c’est le principe premier ; c’est le grand ouvrier ; c’est l’ordinateur universel.

Il est difficile à l’entendement de s’élever jusqu’à lui. Il est dangereux à l’homme de divulguer ce qu’il en a conçu.

On peut démontrer évidemment son existance & ses attributs.

Elle se manifeste à celui qui s’interroge lui-même, & à celui qui jette quelques regards attentifs sur l’univers.

Dieu est une raison incorporelle qu’on ne saisit que par la pensée.

Il est libre, il est puissant, il est sage, il dispose de la matiere, autant que l’essence de celle-ci le permet.

Il est bon ; un être bon & inaccessible à l’envie : il a donc voulu que tout fût bon ; qu’il n’y eût de mal que celui qu’il ne pouvoit empêcher.

Qu’est-ce qui l’a dirigé dans l’ordination du monde ? Un exemplaire éternel qui étoit en lui, qui y est, & qui ne change point.

Cet exemplaire éternel, cette raison premiere des choses, cette intelligence contient en elle les exemplaires, les raisons & les causes de toutes les autres : ces exemplaires sont éternels par eux-mêmes, immanens ; & les modeles de l’essence des choses passageres & changeantes.

Lorsque Dieu informa la matiere, lorsqu’il voulut que le monde fût, il y plaça une ame.

Il y a des dieux incréés ; il y en a de produits.

Ceux-ci ne sont par leur nature ni éternels, ni immortels, ni indissolubles ; mais ils durent & dureront toujours par un acte de la volonté divine qui les conserve & qui les conservera.

Il y a des démons dont la nature est moyenne entre celle des dieux & de l’homme.

Ils transmettent ce qui est de Dieu à l’homme, & ce qui est de l’homme à Dieu. Ils portent nos prieres & nos sacrifices en haut ; ils descendent en bas les graces & les inspirations.

L’Etre éternel, les dieux au-dessous de lui, mais