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en-tems des lambeaux qui tombent peu-à-peu. Sa feuille est découpée en cinq parties ; elle differe pour la forme, la grandeur & la nuance de verdure, suivant la diversité des especes. L’arbre produit au commencement de Mai des globules qui rassemblent les fleurs mâles & les fleurs femelles ; ce sont quantité de petits filets qui n’ont nulle belle apparence ; ces filets correspondent aux graines qui sont rassemblées autour d’un noyau dur & ligneux. Il vient trois, quatre ou cinq de ces globules, le long d’un filet commun, qui a six ou sept pouces de longueur ; & chaque globule, qui a dans son état de perfection douze ou quatorze lignes de diametre, contient cinq à six cens graines, qui ont quelque ressemblance avec celle de la scabieuse.

Cet arbre a d’excellentes qualités ; on peut le multiplier très-aisement, son accroissement est extrèmement prompt, la plupart des expositions lui conviennent, & il réussit même dans des terreins de médiocre qualité. Il est très-robuste, il résiste dans la force de l’âge à l’impétuosité des vents ; il supporte très aisément la transplantation, & on peut le tailler dans toutes les saisons sans aucun inconvénient. Enfin, il n’est sujet à aucune maladie ; il n’occasionne point de saleté, & jamais aucun insecte que ce soit n’attaque ses feuilles, ni même ne s’y arrête.

Tous les auteurs s’accordent à assigner au platane un terrein gras & humide : il est vrai qu’il se plaît dans les terres qui sont limonneuses, & dans le voisinage des eaux. Mais il ne faut pas que la terre soit trop forte, trop dure, ni mélée d’argile ou de glaise ; j’ai éprouvé que cet arbre s’y soutient difficilement, que son accroissement y est retardé de moitié, & qu’il n’y donne pas de belles feuilles. Mais j’ai vu au contraire qu’il réussit à souhait, & qu’il fait les plus grands progrès dans les terres meubles & douces, le long des canaux, sur le bord des ruisseaux, & particulierement dans les coteaux exposés au nord, qui ont peu de pente, & où il y a des suintemens d’eaux. Toutes les terres qui ont de la substance, de la fraîcheur & de la légereté lui conviennent, quand même elles seroient mêlées de sable & de pierrailles. Ces circonstances jusqu’ici sont préférables pour faire le mieux ; mais elles ne sont pas indispensables : on s’est assuré que le platane se contente d’un sol médiocre & élevé, qu’il ne craint pas absolument les terres légeres, même un peu séches, lorsqu’elles ont de la profondeur ; qu’il vient bien partout où le tilleul réussit, & que même on l’a employé avec succès pour remplacer dans des lieux élevés ce dernier arbre qui ne pourroit y profiter ni s’y soutenir.

Il y a différens moyens de multiplier le platane. On peut le faire venir de graine, de bouture, de branches couchées, & même par les racines. La semence est la voie la plus longue, la plus difficile & la plus désavantageuse. La bouture est le moyen le plus simple & le plus convenable quand on veut se procurer beaucoup de plants. La branche couchée est le parti le plus propre à accélerer l’accroissement. A l’égard des racines, c’est un expédient de peu de ressource. Nul moyen au reste de multiplier cet arbre par les rejettons ou par la greffe : le platane ne donne au pié aucuns rejettons enracinés, & il ne peut se greffer sur aucune autre espece d’arbre. Dès l’âge de 7 ans, cet arbre commence à porter des graines : elles ne sont en maturité que dans le mois de Janvier ; ce qui se manifeste lorsqu’en serrant le lobule avec les doigts, les graines se détachent aisement de l’espece de noyau qui les tient rassemblées. Cette graine leve difficilement & en bien petite quantité ; car il n’en réussit pas la dixieme partie. Mais ce qu’il y a de pis, c’est qu’elle ne produit que des plants bâtards : non seulement ils ne sont pas de même feuille que l’arbre dont a tiré la graine, mais il y a tant de variété par des

nuances insensibles dans la découpure des feuilles & dans la teinte de verdure, que presque tous les plants ont entr’eux de la différence. L’incertitude du succès des graines de cet arbre vient de deux circonstances ; d’abord de la configuration de la graine ; elle est enveloppée d’une gaîne assez longue, qui est garnie d’un duvet tenace, ce qui l’empêche de percer aisément la terre. Ensuite les plants qu’elle produit sont si petits, si minces, si foibles dans leur premiere venue, qu’ils sont très-sujets à pourrir dans les terres humides, ou à être brûlés par la trop grande ardeur du soleil. Ce n’est donc qu’en semant avec précaution, & en soignant les jeunes plants lorsqu’ils sont levés, qu’on peut les garantir. Il s’ensuit encore que cette graine réussit rarement en la semant en pleine terre, & qu’il y a plus d’avantage à la semer dans des terreins ou des caisses plates. Pour y parvenir, on emplira jusqu’à deux pouces du bord le vase dont on se servira, avec de la bonne terre de potager, bien meuble, & melée d’une moitié de terreau de vieilles couches, bien consommé. On commencera par détacher les graines du noyau qui les rassemble, & qu’il faut rejetter : il faut une bonne poignée de graines pour semer une terrine : on en prendra la quantité nécessaire à proportion du nombre de terrines que l’on veut semer : ensuite on la mélera avec du terreau sec & bien consommé, que l’on aura passé dans un crible très-fin : puis on frottera ce mélange entre les mains pendant environ un quart-d’heure, tant pour mêler les graines avec la terre, que pour détacher le duvet qui les environne. Cette opération étant faite avec soin, car elle est essentielle, on mettra dans les terrines, qu’on suppose disposées comme on l’a dit, un pouce d’épaisseur environ, de ce mélange, sans qu’il soit besoin de le couvrir d’autre terre.

Le tems le plus propre à semer cette graine est du 10 au 20 Avril : elle levera au bout de trois semaines, & tout ce qui doit venir leve en 6 ou 8 jours ; après quoi il n’y a plus rien à attendre. Il faudra entretenir les terrines dans un état de fraîcheur par des arrosemens legers & fréquens. Dès que les graines commencent à lever, il faut redoubler d’attention en les abritant soit contre les pluies de durée, ou contre la trop vive ardeur du soleil, en les arrosant au besoin fort légerement.

Les jeunes plants s’élevent des la premiere année à 12 ou 15 pouces. On les fera passer l’hiver dans l’orangerie, & on pourra les mettre en pepiniere au printems suivant. Si on les y soigne bien, ils seront en état au bout de quatre ou cinq ans d’être transplantés à demeure. On peut élever le platane de boutures qui réussissent très-aisement. Voyez la façon de faire ces boutures par une nouvelle méthode, au mot Meurier. Elles s’élevent des la premiere année jusqu’à six & sept piés, & la plupart font assez de racines pour être mises en pepiniere dès l’automne suivante. Au bout de trois ans elles seront en état d’être transplantées à demeure : mais si elles peuvent rester dans leur premiere place sans se nuire, on gagnera encore une année.

Un grand moyen de faire venir le platane, c’est de le multiplier en couchant ses branches, sans qu’il soit besoin de les marcotter. C’est le parti le plus prompt, le plus facile & le plus avantageux. La plupart des plants que l’on éleve de cette façon prennent dès la premiere année jusqu’à dix piés de hauteur sur une tige droite, forte & vigoureuse, qui souvent se trouve suffisamment enracinée pour être transplantée l’automne suivante. Mais si on les laisse en place, ils s’éleveront dans la seconde année jusqu’à 14 ou 15 piés, sur 4 à 5 pouces de circonférence. Ensorte qu’en 18 mois de tems, car on suppose que les branches ont été couchées au printems, on a des arbres faits, qui sont très-vigoureux, bien garnis de bran-