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Plage, (Géog. mod.) mot qui vient du latin plaga, ou du grec πλάξ, qui signifie une chose plate & unie. On l’a employé en divers sens dans la Géographie.

1°. Plage signifie en général une partie ou un espace de la terre, par le rapport qu’elle a avec quelque partie du ciel, comme par exemple avec les zones, avec les climats, ou avec les quatre grandes parties du monde, le septentrion, l’orient, le midi, l’occident. Dans ce sens, il veut dire presque la même chose que région : ainsi, dire qu’une telle ville est vers telle plage du ciel, c’est comme si l’on disoit qu’elle est vers telle région du ciel.

2°. Plage a la même signification que rhumb de vent. Voyez Rhumb de vent.

3°. Plage est une mer basse vers un rivage étendu en ligne droite, sans qu’il y ait ni rade, ni port, ni aucun cap apparent, où les vaisseaux se puissent mettre à l’abri.

Plage-romaine, (Géog. mod.) partie de la mer Méditerranée sur la côte de l’état de l’Eglise. Elle est appellée par ceux du pays, la Spiaggia romana, & s’étend depuis le mont Argentaro à l’occident, jusqu’au mont Circello, & au petit golfe de Terracine.

PLAGGON, (Littérat.) petite poupée de cire qui représentoit les personnes au naturel, & dont on se servoit dans les enchantemens. C’étoient des especes de portraits que les femmes donnoient à leurs galans. Les Latins disoient plagunculæ, ou lagunculæ. (D. J.)

PLAGIARA ou PLAGIARIA, (Géog. anc.) ville de la Lusitanie : l’itinéraire d’Antonin la met sur la route d’Olisipo à Emerita, entre Budua & Emerita, à douze milles de la premiere, & à trente milles de la seconde. Quelques manuscrits nomment cette ville Plagia. On en voit encore présentement les ruines près du bourg de Botua, dans l’Estramadure.

PLAGIARISME, ou selon d’autres, PLAGIAT, s. m. (Littérat.) est l’action d’un écrivain qui pille ou dérobe le travail d’un autre auteur, & qui se l’attribue comme son travail propre.

C’est donc le défaut d’attribution d’un ouvrage à son véritable auteur, qui caracterise le plagiarisme. Quiconque en écrivant, puise dans les auteurs qui l’ont précédé, & les cite fidellement, ne peut, ni ne doit passer pour coupable de ce crime littéraire. Il faut mettre une grande différence entre prendre certains morceaux dans un auteur, ou les derober. Quand en employant les pensées d’un autre écrivain, on le cite ponctuellement, on se met à couvert de tout reproche de pillage : le silence seul & l’intention de donner pour sien, ce qu’on a emprunté d’un autre, font le plagiarisme. Telle est l’idée qu’en avoit Jean-Michel Brutus, savant venitien, qui vivoit dans le seizieme siecle, & qui, accusé de s’être servi des observations de Lambin sur Ciceron, écrivit à Lambin qu’il pouvoit aller aux sources aussi-bien que lui, & qu’il avoit à la vérité pris, mais non pas derobé dans les autres auteurs : se sumpsisse ab aliis, non verò surripuisse. Sumere enim eum, qui, à quo mutuetur, indicet ; & laudet quem auctorem habeat : surripere verò qui taceat, qui ex alterius industriâ fructum quærat. Voyez Bayle, Dict. critiq. lettr. B. au mot Brutus.

Le même auteur remarque au sujet d’Ephore, orateur & historien grec, qu’on l’accusa d’avoir pillé de divers auteurs, jusqu’à trois mille lignes mot à mot. C’étoit un moyen fort aisé de faire des livres ; & il ajoute à cette occasion : « Que les auteurs grecs ayent été plagiaires les uns des autres, n’est-ce pas une coutume de tous les pays & de tous les tems ? Les peres de l’Eglise ne prenoient-ils pas bien des choses des écrits les uns des autres ? Ne fait-on pas cela tous les jours, de catholique à catholique, & de protestant à protestant… Il étoit moins desavantageux aux Grecs de s’être pillés les uns les autres, que d’avoir pillé les richesses étrangeres. Le desa-

vantage est une exception aux regles communes. Le cavalier Marin disoit que prendre sur ceux de sa nation, c’étoit larcin ; mais que prendre sur les étrangers, c’étoit conquête : & je pense qu’il avoit raison. Nous n’étudions que pour apprendre, & nous n’apprenons que pour faire voir que nous avons étudié : ces paroles sont de M. Scuderi. Si j’ai pris quelque chose ; continue-t-il, dans les Grecs & dans les Latins, je n’ai rien pris du tout dans les Italiens, dans les Espagnols, ni dans les François : me semblant que ce qui est étude chez les anciens, est volerie chez les modernes. » La Mothe le Vayer est du même sentiment ; car voici ce qu’il dit dans une de ses lettres : « Prendre des anciens, & faire son profit de ce qu’ils ont écrit, c’est comme pirater au-delà de la ligne ; mais voler ceux de son siecle, en s’appropriant leurs pensées & leurs productions, c’est tirer la laine au coin des rues, c’est ôter les manteaux sur le Pont-neuf. Je crois que tous les auteurs conviennent de cette maxime, qu’il vaut mieux piller les anciens que les modernes, & qu’entre ceux-ci il faut épargner ses compatriotes, préférablement aux étrangers. La piraterie littéraire ne ressemble point du-tout à celle des armateurs : ceux-ci se croient plus innocens, lorsqu’ils exercent leur brigandage dans le nouveau Monde, que s’ils l’exerçoient dans l’Europe. Les auteurs au contraire arment en course bien plus hardiment pour le vieux Monde que pour le nouveau ; & ils ont lieu d’espérer qu’on les louera des prises qu’ils y feront….. Tous les plagiaires, quand ils le peuvent, suivent le plan de la distinction que j’ai alléguée : mais ils ne le font pas par principe de conscience ; c’est plutôt afin de n’être pas reconnus. Lorsqu’on pille un auteur moderne, la prudence veut qu’on cache son larcin ; mais malheur au plagiaire s’il y a une trop grande disproportion entre ce qu’il vole, & ce à quoi il le coud. Elle fait juger aux connoisseurs, non-seulement qu’il est plagiaire, mais aussi qu’il l’est maladroitement… L’on peut derober à la façon des abeilles, sans faire tort à personne, dit encore la Mothe le Vayer ; mais le vol de la fourmi qui enleve le grain entier, ne doit jamais être imité ». Dict. critiq. lett. E au mot Ephore.

« Victorin Strigelius, dit encore M. Bayle, ne se faisoit point de scrupule de se servir des pensées & des expressions d’autrui. A cet égard là il semble qu’il approuvoit la communauté des biens, il ne croyoit pas que sa conduite fût celle des plagiaires, & il consentoit qu’on en usât envers ses livres, comme il en usoit envers les autres auteurs. Si vous y trouvez des choses qui vous accommodent, servez-vous-en librement, tout est à votre service, disoit-il ». Cette proposition sans doute autorisoit le plagiarisme, si celui qui la fait, offroit toujours d’aussi bonnes choses que celles qu’il emprunte des autres ; mais pour l’ordinaire cet échange est trop inégal : & tel s’enrichit & se pare des dépouilles d’autrui, qui ne peut de son propre fonds, leur faire la moindre restitution, ou leur donner le plus leger dédommagement.

On a souvent démasqué publiquement les plagiaires. Tel fut, au rapport de Thomasius, cet Etienne Dolet, dont les commentaires sur la langue latine, qui ne formoient d’abord qu’un volume médiocre, se trouverent enflés jusqu’à deux volumes in-folio aux dépens de Charles Etienne, de Nizolius, de Riceius, & de Lazare Baif, ce que Charles Etienne devoila au public.

Enfin M. Bayle décide que le plagiarisme est un défaut moral & un vrai péché, à la tentation duquel succombent souvent des auteurs, qui d’ailleurs sont les plus honnêtes gens du monde. Il faut qu’ils se fassent à cet égard une fausse conscience, & pensent qu’il est moins criminel de dérober à un homme les productions de son esprit, que de lui voler son ar-