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a fait un si bel éloge, le fit couvrir de toile l’année de son édilité pour la commodité des plaideurs, ut salubrius litigantes consisterent, pour me servir des termes de Pline ; Caton le censeur disoit au contraire, qu’il le falloit faire paver de pierres pointues, afin que les plaideurs n’y allassent pas si souvent, & qu’en y perdant patience, ils perdissent aussi l’envie de plaider. Dans ce lieu du comice ou de l’assemblée, il y avoit quatre basiliques, celle de Paulus, l’Opimia, où le sénat s’assembloit, la Julia, qui fut bâtie par Vitruve, & la Portia par Portius Caton.

A l’un des coins de cette place, au pié de la roche Tarpéienne, étoit cette grande & affreuse prison que fit faire Ancus Martius, & que Servius Tullius augmenta depuis de plusieurs cachots, d’où vient qu’on l’appella Tullianum. A l’entrée de la place, ou, comme dit Tacite, près du temple de Saturne, étoit la célebre colonne appellée milliarium aureum, d’où l’on commençoit les mesures des distances des milles d’Italie. Il y avoit aussi une galerie, ou comme un pont de marbre, que fit faire l’empereur Caligula, pour aller & venir du mont Palatin au capitole par la place romaine. Elle étoit soutenue par quatre vingt grosses colonnes de marbre blanc. La vieille place romaine est appellée aujourd’hui campo vacino, &c.

La place de César, étoit celle dont Jules César fit l’acquisition pour l’embellissement de Rome, & pour servir aux assemblées du peuple, il l’acheta cent millions de sesterces, qui valoient, selon le calcul de Budé en argent de France de son tems deux millions cinq cens mille écus, & Jules-César dépensa deux cent cinquante mille écus pour la faire paver. Ce dictateur y fit bâtir la basilique Julienne, & y fit dresser sa statue sur un cheval de bronze.

La place d’Auguste à Rome fut l’ouvrage de cet empereur, parce que l’ancienne place romaine, & celle de Jules-César réunies, ne suffisoient pas pour toutes les assemblées publiques. On s’y rendoit pour déliberer de la guerre ou de la paix, & du triomphe que l’on accordoit aux vainqueurs, lesquels y apportoient les enseignes & les trophées de leurs victoires. Le temple de Mars étoit dans cette place, & l’on y faisoit quelquefois des courses à cheval, & des jeux publics. On y voyoit une magnifique statue d’albâtre, qui représentoit Auguste, avec les statues de tous ceux qui avoient triomphé. Il y avoit aussi deux tableaux de la main d’Apelle, dont l’un représentoit Castor & Pollux, & l’autre les victoires d’Alexandre le Grand, monté sur un char de triomphe. Cette place d’Auguste étoit près de la place romaine, & voisine du Tibre, qui s’y déborda du tems de cet empereur.

La place de Nerva, à côté de celle d’Auguste, commencée par l’empereur Domitien, fut achevée & embellie par Nerva son successeur. Elle étoit ornée de plusieurs statues, & de colonnes de bronze d’une hauteur extraordinaire, couvertes de bande de cuivre. Il y avoit près de-là un palais magnifique, avec un superbe portique, dont il reste encore quelques débris.

La place de Trajan, est celle que cet empereur fit bâtir entre la place de Nerva, le capitole & le mont Quirinal. Tout y étoit de la derniere magnificence. On y voyoit un superbe portique soutenu d’un grand nombre de colonnes, dont la hauteur & la structure donnoient de l’admiration. Tout cela étoit accompagné d’un arc triomphal, orné de figures de marbre, avec la statue du cheval de Trajan, qui étoit élevée sur un superbe piédestal. Au milieu de la place, étoit la colonne de Trajan. Voyez Colonne Trajane. (D. J.)

Place du change, ou place commune des Marchands ; c’est un lieu public établi dans les villes de négoce, où les marchands, négocians, banquiers,

courtiers ou agens de change, & autres personnes qui se mêlent du commerce des lettres & billets de change, ou qui font valoir leur argent, se trouvent à certains jours de la semaine pour y parler & traiter des affaires de leur commerce, & savoir le cours du change. Voyez Change.

A Paris on dit simplement la place, elle est située dans la cour du palais sous la galerie dauphine. A Lyon on la nomme aussi la place ou la place du change ; à Toulouse, à Londres, à Amsterdam, & presque dans tous les pays étrangers, la bourse. Voyez Bourse.

Faire des traites & remises de place en place, c’est faire tenir de l’argent d’une ville à une autre par le moyen des lettres-de-change, moyennant un certain droit qui se regle suivant que le change est plus ou moins haut. Voyez Remise.

Quelquefois le mot de place se prend pour tout le corps des marchands & négocians d’une ville. On dit en ce sens que la place de Lyon est la plus considerable & la plus riche de France, pour dire qu’il n’y a point dans le royaume de banquiers & de marchands plus riches ni plus accrédités que ceux de Lyon.

On dit en termes de commerces : c’est demain jour de place. Je vais à la place. Il y a peu d’argent sur la place. L’argent de la place est à tant. Le change est haussé ou baissé sur la place, &c. Dans toutes ces expressions le nom de place ne signifie que le concours & l’assemblée des marchands qui négocient ensemble. Diction. de comm. tom. III. p. 865.

Place ; on appelle encore ainsi en terme de commerce de mer, certains endroits destinés dans les ports de mer. Les bâtimens marchands, suivant les ordonnances de marine, ne doivent point être mêlés ni engagés avec les vaisseaux de roi, & avoir déchargé leurs poudres & autres marchandises combustibles, avant que de pouvoir prendre leurs places dans le port. Idem. Ibid.

Place est encore un lieu public, dans lequel se tiennent les foires ou marchés où les marchands ont leurs échopes ou petites boutiques pour étaler leurs marchandises, quelquefois sans payer aucun droit, & le plus souvent en le payant au roi ou aux seigneurs.

Place se dit aussi du lieu que les maîtres de quelques communautés des arts & métiers de Paris ont droit d’avoir aux halles pour y étaler leurs marchandises les jours de marché, la place des Potiers de terre, &c.

Place s’entend aussi des endroits où les vendeurs d’images & les petits merciers étalent leurs marchandises, comme sont à Paris le cimetiere des SS. Innocens, les murs des églises & des grands hôtels. Dict. de comm.

Place, terme de Cloutier ; c’est un ustensile de fer enfoncé par le pié dans un gros bloc de bois, qui sert comme d’établi au cloutier pour fabriquer ses cloux. Cet ustencile est une espece d’enclume plus plate que quarrée, plus large par en-haut que par en-bas, dont la surface supérieure est unie & quarrée d’un côté, & alongée de l’autre ; c’est sur cet instrument que les ouvriers forgent & amenuisent leur baguette de fer pour en former les cloux ; il sert aussi pour appuyer la clouillere. Voyez les Planches du Cloutier.

Place, (Maréchal.) on appelle ainsi l’espace qui est entre deux poteaux dans une écurie, lequel est destiné pour y attacher & loger un cheval. Place s’entend dans quelques occasions pour le manege, comme quand le maître dit à l’écolier qui est à cheval de venir par le milieu de la place ; d’arrêter au milieu de la place ; il entend par cette expression le milieu du manege.

Places, tirer les, au médiateur, se dit d’une cérémonie de politesse qui sert de preuve à la bonne-foi