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du pays pour en avoir forcé quelques-unes : ou bien comme ledit M. le comte de Beausobre dans la deuxieme partie de son commentaire sur Enée le tacticien, que la tactique, la fortification particuliere d’une place, & la fortification générale d’une frontiere, sont dans la même analogie. Ces principes, quoique assez exactement vrais en eux-mêmes, n’en souffrent pas moins de difficultés dans la pratique. Il y a tant de circonstances particulieres à examiner & à combiner pour les appliquer judicieusement, qu’on ne peut guere présumer d’y réussir parfaitement. Si l’on ajoute à cela les changemens que la guerre occasionne dans les frontieres & dans les intérêts particuliers des princes, on verra qu’il est presque impossible de parvenir & de déterminer exactement le nombre & la nature des places fortes qui doivent faire la barriere des grands états. On peut voir ce que M. de Beausobre dit sur ce sujet, dans l’ouvrage que nous venons de citer, & la maniere dont il répond à cette question qu’il se fait. Combien faut-il de places fortes dans un état, & quel doit être leur distribution & leur ordonnance ? (Q)

Place, reconnoître une (Art milit.) c’est en faire le tour avant que de l’assiéger, & remarquer avec soin les avantages & les défauts de son assiette & de sa fortification, afin de l’attaquer par l’endroit le plus foible. C’est un soin que le général doit prendre lui-même. On ne fait point de siege, qu’on n’aille auparavant reconnoître la place. Dict. milit. (D. J.)

Place, secourir une (Art. milit.) c’est faire lever le siege à une armée qui l’attaque. Le secours qu’on veut donner à une place assiégée, consiste ou en hommes, ou en munitions, ou en vivres. On proportionne la disposition du secours qu’on veut faire entrer. à la maniere qu’on desire qu’il soit, c’est-à-dire, que s’il ne s’agit que d’introduire dans la place un nombre d’hommes pour en fortifier la garnison, ou un convoi de vivres pour en augmenter les provisions, ou l’un & l’autre tout ensemble ; on tâche de le faire avant que les lignes de circonvallation soient parfaites. Les difficultés qu’elles opposent sont très-difficiles à surmonter ; elles ne sont cependant pas impossibles à vaincre, mais on ne peut donner des regles certaines sur cela. Il faut de nécessité que ce soit la disposition des lieux, & celle de l’ennemi qui en décident.

Celui qui conduit l’entreprise s’instruit si bien de ses dispositions, qu’il n’est pas besoin d’autre guide que de lui-même. Si ce sont des troupes qu’on veut jetter dans une place, il faut qu’il se souvienne que c’est de l’infanterie qui y est nécessaire, & non pas de la cavalerie. Les cavaliers qui sont chargés d’introduire de la poudre dans une place, ont soin de les mettre dans des sacs de cuir, de peur que la poudre, si on la mettoit dans sacs de toile, ne se répande le long du chemin.

La meilleure maniere de secourir les places, est d’y aller avec une bonne armée, pour combattre celle de l’assiégeant, de quelque maniere qu’elle soit portée, afin de la contraindre de lever le siege. Si dans cette occasion il y a une armée d’observation, ou si celle qui assiege sort des lignes pour venir au-devant pendant l’action, pourvu que l’occasion se présente de jetter des troupes ou d’autres secours dans la place, il en faut profiter à cause du succès incertain de l’entreprise. Cette action doit être concertée avec le gouverneur par le moyen des espions, afin que pendant son cours, il fasse de son côté des efforts pour donner tout ce qu’il a besoin pour faire une vigoureuse résistance.

Mais si l’ennemi ne sort point de ses retranchemens, & qu’il faille l’y forcer, un général a deux partis à prendre. Le premier est d’attaquer en lignes déployées une partie de la circonvallation, separée de l’autre par

quelque riviere, ruisseau ou autre défilé, afin de n’avoir pas toutes les forces de l’ennemi à combattre ; ces corps ne manquent pas de profiter de leur absence pour pénétrer dans les lignes, & pousser, s’il est possible, jusqu’aux tranchées, ou du moins faire une puissante diversion. Le second parti est d’attaquer le retranchement par têtes de colonnes ; on les forme en divers endroits. Dans ce cas on choisit les plus foibles, d’où on puisse le plus aisément pénétrer jusqu’à la place.

Quelques mesures que l’assiégeant prenne, il ne lui est guère possible d’en prendre d’assez justes, pour s’opposer à ces sortes d’attaques ; car en faisant une disposition semblable, en opposant colonne contre colonne, il ne le peut sans être obligé de dégarnir presqu’entierement le derriere de ses parapets, & sans s’exposer à être emporté par ces endroits. Il est infiniment plus aisé à l’assaillant de donner le change, qu’il ne lui est facile de s’en garantir. (D. J.)

Places publiques de Rome, (Antiquités de Rome.) les Grecs & les Romains se sont distingués par leurs places publiques, monumens à jamais célebres de leur magnificence & de leur goût pour les arts.

Les places publiques chez les Grecs étoient quarrées, & avoient tout-autour de doubles & amples portiques, dont les colonnes étoient serrées, & soutenoient des architraves de pierre ou de marbre, avec des galeries en haut ; mais cela ne se pratiquoit point en Italie, parce que l’ancienne coutume étant de faire voir au peuple les combats de gladiateurs dans ces places, il falloit pour de tels spectacles, qu’elles eussent tout-autour des entre-colonnes plus larges ; & que sous les portiques, les boutiques des changeurs & les balcons au-dessus, eussent l’espace nécessaire pour faire le trafic, & pour la recette des deniers publics.

Il y avoit à Rome 17 places publiques nommées fora ; mais il y avoit 3 places publiques principales où les Romains rendoient la justice : 1°. la place romaine, forum romanum, qui étoit la plus ancienne & la plus fameuse de toutes, & dans laquelle étoient les rostres : 2°. la place de César, forum Julii Cæsaris : 3°. la place d’Auguste, forum Augusti. Ces deux dernieres ne furent ajoutées que pour servir de supplément à la place romaine, à cause du grand nombre de plaideurs & de procès, comme dit Suétone.

Ces trois places étoient destinées aux assemblées du peuple, aux harangues, & à l’administration de la justice. A ces trois places, on en ajouta encore deux autres ; l’une fut commencée par Domitien, & achevée par l’empereur Nerva, qui, de son nom, fut appellée forum divi Nervæ ; & l’autre fut bâtie par Trajan, & nommée de son nom, forum Trajani. Disons un mot de toutes ces fameuses places.

La place romaine, située entre le mont Palatin & le Capitole, comprenoit tout cet espace qui s’étendoit depuis l’arc de Septimus Severus, jusqu’au temple de Jupiter Stator. Du tems de Romulus, ce n’étoit qu’une simple place sans édifices & sans ornemens. Tullus Hostilius fut le premier qui l’environna de galeries & de boutiques. Après lui ses successeurs, ensuite les consuls & les autres magistrats l’embellirent tellement, que dans le tems de la république florissante, c’étoit une des plus belles places du monde : elle étoit entourée d’édifices magnifiques, avec des galeries soutenues de colonnes, & s’étendoit alors depuis le pié du mont Capitolin où étoit l’arc de Septimus, jusqu’à l’arc de Titus ; & depuis le bas du mont Palatin, jusqu’à la voie sacrée.

Ses principales parties étoient le lieu appellé comitium, le comice, où le peuple s’assembloit pour les affaires publiques. Les édiles & les préteurs y donnoient souvent des jeux pour divertir le peuple. Marcelius, fils d’Octavie, sœur d’Auguste, dont Virgile