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Lapones versent par-dessus les feuilles fraîches de cette plante, le lait de leurs rennes tout chaud, après quoi elles le laissent reposer pendant un jour ou deux ; le lait en acquiert plus de consistance, sans que la sérosité s’en sépare, & sans le rendre moins agréable au goût : les paysannes en Danemarck se servent du suc gras de cette plante en guise de pommade, pour faire tenir la frisure de leurs cheveux. (D. J.)

PINGOUIN. Voyez Pengouin.

PINHEL, (Géog. mod.) petite ville de Portugal, dans la province de Tra los-montes, capitale d’une comarea, au confluent de la Coa, & de Rio-Pinhel, à 12 lieues au nord de Guarda, 30 Est de Salamanque : elle jouit de grands privileges, & les écrivains portugais prétendent, sans aucune preuve, qu’elle a été bâtie par les anciens Turdules. Long. 11. 18. lat. 40. 41. (D. J.)

PINNE-MARINE, (Conchyliol.) coquillage de mer, composé de deux valves, quelquefois chargées de pointes & de tubercules ; ce coquillage est le plus grand de son genre que nous ayons dans nos mers ; Les Vénitiens l’appellent astura, les Napolitains perna, & nos naturalistes pinna ou pinna-marina.

« Amyot, dit M. l’abbé d’Olivet, dans sa traduction des œuvres philosophiques de Ciceron, m’a donné l’exemple de franciser le mot pinne, comme les Romains l’avoient latinisé ». Jamais terme n’a été francisé à plus juste titre, & même l’on n’en doit point employer d’autre ; celui de nacre de perle, dont on se sert sur les côtes de Provence & d’Italie, est d’autant moins convenable, qu’il signifie proprement la coquille de l’huitre perliere ; & la nacre désigne des élévations en demi bosse, ou les loupes, comme disent les jouailliers, qui se trouvent quelquefois dans les fonds des coquilles de nacre.

Si la terre a ses vers à soie, la mer a pareillement ses ouvrieres en ce genre. Les pinnes marines filent une telle soie, que plusieurs l’ont prise pour être le bysse des anciens, & qu’on en fait encore des bas & des gants en Sicile ; de plus, ce coquillage nous donne des perles qui valent autant que celles des huitres de l’Orient, pour fournir des vûes sur la découverte de leur formation ; enfin, il mérite quelques détails par toutes ces raisons.

La pinne-marine est un coquillage de mer, bivalve ou à deux battans, formés de deux pieces larges, arrondies par en-haut, fort pointues par en-bas, rudes & très-inégales en-dehors, lisses en-dedans ; leur couleur à la Chine tire sur le rouge, d’où leur vient le nom ridicule de jambonneau.

Il s’en trouve de différentes grandeurs, depuis un pié jusqu’à deux & demi de longueur ; & elles ont dans l’endroit le plus large, environ le tiers de leur longueur ; il sort de ce coquillage, une espece de houpe, longue d’environ six pouces, plus ou moins, & garnie, selon la grandeur ou la petitesse de la coquille. Cette houpe est située vers la pointe, du côté opposé à la charniere. Elle est composée de plusieurs filamens d’une soie brune fort déliée ; ces filamens regardés au microscope paroissent creux : si on les brule, ils donnent une odeur urineuse comme la soie.

Ce coquillage renferme un petit poisson qui est bon à manger, dans lequel s’engendrent quelquefois des perles de différentes couleurs & figures. On ramasse une grande quantité de pinnes sur les côtes de Provence, où la pêche s’en fait au mois d’Avril & de Mai. On en trouve aussi beaucoup à Messine, Palerme, Syracuse, Smyrne, & dans l’île de Minorque. L’animal qui l’habite se tient immobile sur les rochers dans la posture qu’il a choisie, & qui doit varier.

Les pinnes-marines peuvent être regardées comme une espece de moule de mer, mais beaucoup plus

grandes que toutes les autres. Leur coquille, comme celle des autres moules, est composée de deux pieces semblables & égales, qui depuis l’origine, s’élargissent insensiblement ; elles sont plus applaties que les autres moules, par rapport à leur grandeur. Leur couleur est ordinairement d’un gris-sale ; celles de la Chine sont rouges, d’où elles ont eu le nom de jambonneau.

Dans la plûpart des pinnes-marines, la charniere à ressort qui tient les deux pieces ensemble du côté concave, commence à l’origine de la coquille, & s’étend jusqu’au deux tiers de sa longueur, les pieces ne sont pas liées ensemble de l’autre côté, mais elles sont bordées par plusieurs couches de matiere d’une nature approchante de celle de la corne. Il y a quelques pinnes marines qui s’entrouvrent tout du long du côté concave, & qui ont leur charniere du côté convexe ; cependant malgré cette variété dans toutes les pinnes marines, les bords de la coquille sont toujours plus épais du côté où elles s’entrelacent, que du côté ou est la charniere.

Dans la surface de chacune des pieces de la coquille qui étoit touchée par l’animal, on voit une bande d’une matiere semblable à celle de la charniere, qui fait une espece de fracture, comme si les deux pieces étoient mal appliquées l’une contre l’autre. Il est naturel de croire que cette bande de matiere, différente de celle du reste de la coquille, marque la route qu’a suivie une partie du corps de l’animal, qui laisse échapper un suc pareil à celui qui borde les extrémités des coquilles, pendant que les autres parties ont laissé échapper un suc propre à épaissir & à étendre la coquille.

Les deux couches de matieres différentes qui composent la coquille de ce poisson sont remarquables. Une partie de l’intérieure est de couleur de nacre ; l’autre couche lui sert de croûte, & fait seule toute l’épaisseur de la coquille où la nacre manque. Cette couche-ci est raboteuse, la boue qui s’y est attachée, en obscurcit la couleur ; mais intérieurement elle est polie, & paroît d’un rouge fort pâle. Cette couche est formée d’une infinité de filets appliqués les uns contre les autres, & peu adhérens ensemble dans certains endroits de la coquille. Ils sont très-déliés, quoiqu’on les découvre distinctement à la vûe simple ; mais avec un microscope, on voit de plus qu’ils sont chacun de petits parallélepipedes à base rectangle presque quarrée.

Si on détache un petit morceau de cette croûte qui couvre la nacre, & qu’on le froisse entre les doigts, ses filets se séparent les uns des autres, & excitent par leurs pointes sur la main des demangeaisons incommodes.

La partie de la coquille qui a la couleur de la nacre est composée de feuilles minces, posées parallélement les unes sur les autres, de façon que l’épaisseur de la coquille est formée par celle de ces feuilles. On les sépare facilement les unes des autres, si on les fait calciner pendant un instant.

La structure de cette partie de la coquille ressemble donc à celle des ardoises & des autres pierres feuilletées, & celle de l’autre partie ressemble à la structure de l’amiante, & de quelques talcs ou gyps composés de filets. Cette structure des coquilles de la pinne lui est commune avec diverses coquilles, & en particulier avec la nacre de perle.

Les auteurs qui ont parlé de ce coquillage, disent qu’il est posé dans la mer verticalement, la pointe en-bas, & c’est apparemment sur la foi des pêcheur, qu’ils lui ont donné cette situation, qui n’est pas aisée à vérifier. On peut plus compter sur ce que les pêcheurs assurent, que les pinnes sont toujours attachées aux rochers ou aux pierres des environs, par une houpe de filets ; car pour les tirer du fonds de