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tent, à ne rien négliger pour empêcher ces horreurs. On peut obliger les villes à se racheter du pillage, & si l’on distribue exactement & fidelement au soldat l’argent qui peut en revenir, il n’a point lieu de se plaindre d’aucune injustice à cette occasion, au contraire tous en profitent alors également, au lieu que dans le pillage le soldat de mérite est souvent le plus mal partagé ; ce n’est pas seulement parce que le hasard en décide, mais c’est, dit M. le marquis de Sancta-Crux, qu’un soldat qui a de l’honneur reste à son drapeau jusqu’à ce qu’il n’y ait rien à craindre de la garnison ni des habitans, tandis que celui dont l’avidité prévaut sur toute autre chose, commence à piller en entrant dans la ville, sans attendre qu’il lui soit permis de se débander.

Outre le pillage des villes, qui arrive très-rarement, il y en a un autre qui produit le relâchement de la discipline, c’est la dévastation que fait le soldat dans le pays où le théâtre de la guerre est établi : ce pillage accoutume le soldat à secouer le joug de l’obéissance & de la discipline ; l’envie de conserver son butin peut amortir sa valeur, & l’engager même à se retirer : d’ailleurs, en ruinant le pays on le met hors d’état de payer les contributions, & on expose l’armée à la disette ou à la famine. On se prive ainsi par cette licence, non-seulement des ressources que le pays fournit pour s’y soutenir, mais l’on se fait encore autant d’ennemis qu’il contient d’habitans : le pillage de tout ce qu’ils possedent les mettant au desespoir, les engage à profiter de tous les moyens de nuire à ceux qui les oppriment aussi cruellement.

Le pays où l’on fait la guerre, quelquefois l’exactitude de la discipline qu’on fait observer aux troupes, se ressent toujours beaucoup des calamités qui en sont inséparables : c’est pourquoi l’équité devroit engager à ne faire que le mal qui devient absolument inévitable, à ne point ruiner les choses dont la perte n’affoiblit point l’ennemi, & qui ne servent qu’à indisposer les peuples : telles sont les églises, les maisons, châteaux, &c. les animaux & les instrumens qui servent à la culture des terres, devroient être conservés avec soin. Diodore de Sicile nous apprend que parmi les Indiens, les laboureurs étoient regardés comme sacrés ; qu’ils travailloient paisiblement & sans avoir rien à craindre à la vûe même des armées, & qu’on ne savoit ce que c’étoit que brûler ou couper les arbres en campagne.

La fermeté est très-nécessaire dans un général pour réprimer l’ardeur du pillage parmi les troupes ; les exemples de sévérité sont souvent à propos pour cet effet ; mais il faut les faire de bonne heure, afin que le trop grand nombre de coupables n’oblige point à leur pardonner.

Lorsque des troupes sont une fois accoutumées au pillage, au défaut de l’ennemi elles pillent leur propre pays, & même leurs magasins ; c’est ce qu’on a vû dans plusieurs occasions, entre autres dans la guerre de Hollande de 1672 ; mais M. de Louvois fit retenir sur le payement de toute l’armée, ce qui étoit nécessaire pour dédommager les entrepreneurs, & il ordonna d’en user de même toutes les fois que pareille chose arriveroit. (Q)

Pillage, (Marine.) le pillage est la dépouille des coffres & des hardes de l’ennemi pris, & l’argent qu’il a sur lui jusqu’à trente livres : le reste qui est le gros de la prise s’appelle butin.

Le capitaine ou les capitaines qui auront abordé un vaisseau ennemi, & qui l’auront pris, retiendront par préférence tous les vivres & les menues armes, & les matelots auront le pillage : mais pour le corps de la prise, le prix en sera distribué selon les divers réglemens qui sont faits pour diverses occasions.

PILLARD, s. m. (Art militaire.) soldat qui pille. Voyez l’article Pillage.

PILLAU, (Géogr. mod.) village de Prusse, dans le Samland, à l’embouchure du Pregel. Je ne parle de ce village qu’à cause qu’il est remarquable par son port qui est grand, & par sa douane qui porte un bon revenu au roi de Prusse. Il y a un fort avec garnison pour arrêter tout ce qui passe. Gustave Adolphe, roi de Suede, le força en 1626. On amasse aux environs de l’ambre jaune ou succin, & on y pêche des esturgeons. (D. J.)

PILLER, v. act. Voyez Pillage. Outre l’acception par laquelle il désigne le vol fait publiquement avec violence, il en a encore quelques autres, comme en littérature, s’emparer des écrits de ceux qui ont écrit avant nous sans les citer ; & au jeu, emporter une carte avec une autre carte qui lui est supérieure, &c.

PILOIR, terme de Mégissier, c’est un bâton d’environ cinq ou six piés de longueur, & garni quelquefois d’une espece de petite masse dont on se sert pour enfoncer les peaux dans les pleins lorsqu’elles remontent au-dessus de l’eau de chaux ou d’alun. Voyez les fig. Pl. du Mégissier.

PILON, s. m. (Gram.) instrument de bois, de pierre, ou de fer, dont on se sert pour piler, écraser, ou réduire en parties plus ou moins menues, toutes sortes de substances ou corps : on donne le même nom aux parties de quelques machines où elles ont la même fonction.

Pilon ou petite ecore, (Marine.) c’est une côte qui a peu de hauteur, mais qui est escarpée ou taillée en précipice.

Pilon, s. m. terme de Libraire, envoyer des livres au pilon, veut dire en langage de libraire, les déchirer par morceaux, ensorte qu’ils ne puissent plus servir qu’aux Cartonniers, pour être pillonnés, & réduits en cette espece de bouillie dont on fait le carton. (D. J.)

Pilons, (Monnoyage.) à la Monnoie, ils sont ou de bois dur, ou de fer, ou de fonte, conséquemment à leurs différens usages. Assez communément on se sert de pilons de fonte pour broyer dans des mortiers de bronze, les terres, creusets, &c. dans lesquels il pourroit être resté du métal ; pulvérisé, on les envoie pour être passés aux tourniquets.

Pilon à sucre, (Sucrerie.) on appelle ainsi dans les sucreries des especes de grosses masses d’un bois dur & pesant, emmanchés aussi de bois. La masse doit avoir huit pouces de hauteur sur cinq de diametre, & le manche six piés de long. Ils servent à piler le sucre terré au sortir de l’étuve, & à le réduire en cassonade avant de le mettre dans les barriques. Le P. Labat.

PILONNER la laine, (Lainage.) c’est la remuer fortement avec une pelle de bois dans une chaudiere remplie d’un bain plus que tiede, composé de trois quarts d’eau claire & d’un quart d’urine, pour la dégraisser au sortir de la balle avant que d’être battus sur la claie. (D. J.)

PILORE, s. m. voyez Pylore.

PILORI, s. m. (Jurisprud.) est un petit bâtiment en forme de tour avec une charpente à jour, dans laquelle est une espece de carcan qui tourne sur son centre. Ce carcan est formé de deux pieces de bois posées l’une sur l’autre, entre lesquelles il y a des trous pour passer la tête & les mains de ceux que l’on met au pilori, c’est-à-dire que l’on expose ainsi pour servir de risée au peuple & pour les noter d’infamie : c’est la peine ordinaire des banqueroutiers frauduleux ; on leur fait faire amende honorable au pié du pilori ; on les promene dans les carrefours, ensuite on les expose au pilori pendant trois jours de marché pendant deux heures chaque jour, & on leur fait faire quatre tours de pilori, c’est-à-dire qu’on fait