Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y a une autre mauvaise tournure des piés fort différente de la précédente pour la cause ; c’est celle qui vient de la paresse à tourner les piés en-dehors, ou de l’affectation à les tourner trop en-dehors. Les personnes qui ont persisté long-tems dans cette habitude, ont presque autant de peine à s’en corriger, que si la difformité venoit de naissance, ou d’accident ; c’est aux parens à y veiller ; mais si leurs soins & leurs avis sont infructueux, il faut qu’ils fassent faire de ces marche-piés de bois en usage chez les religieux pour leurs jeunes pensionnaires. Il y a dans ces marche-piés deux enfoncemens séparés pour y mettre les piés, & où ces deux enfoncemens sont creusés & figurés de maniere que chaque pié y étant engagé est nécessairement tourné en-dehors. L’enfant se servira donc de ce marche-pié, toutes les fois qu’il sera assis. Il est vrai que cette méthode a un inconvénient, c’est que lorsque l’enfant voudra marcher les piés en-dehors, il chancelera & sera en danger de tomber, mais alors il faudra le soutenir pour l’accoutumer peu-à-peu à marcher comme les autres, & l’on y réussira en sacrifiant tous les jours une demi-heure à cet exercice.

Un autre moyen de corriger un enfant, qui par mauvaise habitude tourne les piés en-dedans, c’est de lui faire tourner les genoux en-dehors, car alors les piés se tourneront nécessairement de même. On peut avoir les piés en-dehors sans y avoir les genoux, ce qui est une mauvaise contenance, & qui empêche d’être bien sur ses piés ; mais on ne sauroit avoir les genoux en-dehors, que les piés n’y soient, & on est alors toujours bien planté.

La méthode de faire porter à des enfans de petits sabots pour leur faire tourner les piés en-dehors, n’a que l’inconvénient de mettre l’enfant en danger de tomber fréquemment ; mais cet usage est bon à la campagne, & dans un terrein où l’enfant ne risque pas de se faire du mal en tombant.

Au reste, la plûpart des enfans n’ont les piés en-dedans que par la faute des nourrices qui les emmaillottent mal, & qui leur fixent ordinairement les piés pointe contre pointe, au lieu de les leur fixer talon contre talon ; c’est ce qu’elles pourroient néanmoins faire très-aisément par le moyen d’un petit coussinet engagé entre les deux piés de l’enfant & figuré en forme de cœur, dont la pointe seroit mise entre les deux talons de l’enfant, & la base entre les deux extrémités de ses piés ; ce moyen est excellent pour empêcher les enfans de devenir cagneux, & les parens devroient bien y prendre garde.

Si les piés penchent plus d’un côté que de l’autre, il faut donner à l’enfant des souliers, qui vers l’endroit où les piés penchent, soient plus hauts de semelle & de talon ; ce correctif fera incliner les piés du côté opposé. Il convient de prendre garde, que les souliers des enfans ne tournent, sur-tout en-dehors, car s’ils ne tournoient qu’en-dedans, il n’y auroit pas grand mal, parce que cette inégalité pourvû qu’elle ne soit pas considérable aide à porter en-dehors la pointe du pié ; mais lorsque les souliers tournent en-dehors, il font tourner la pointe du pié en-dedans.

Quant aux personnes qui affectent trop de porter les piés en-dehors, ils n’ont besoin que d’avis, & non de remedes.

Il y a des personnes qui ont malheureusement de naissance des piés faits comme des piés de cheval ; on les nomme en grec hippopodes, & en françois piés équiens ; on cache cette difformité par des souliers, construits en-dehors comme les souliers ordinaires, mais garnis en-dedans d’un morceau de liége qui remplit l’endroit du soulier que le pié trop court laisse vuide. Cette difformité passe pour incurable ; cependant on peut tâcher d’y remédier en partie, en

tirant fréquemment, mais doucement, les orteils de l’enfant, & en enveloppant chaque pié séparément avec une bande qui presse un peu les côtés du pié, pour obliger insensiblement le pié à mesure qu’il croît, à s’alonger par la pointe ; si cette tentative n’a point de succès, il n’y a rien à espérer. (D. J.)

Piés, bain de, (Médec.) pediluvium ; on pourroit dire pediluve, mais je n’ose hasarder ce terme.

La composition du bain des piés, est la même que celle des bains ordinaires ; c’est de l’eau pure à laquelle on peut ajouter du son de froment ou des fleurs de camomille ; ce remede est très-utile dans plusieurs cas. Comme son application relâche, ramollit les fibres nerveuses, tendineuses & musculeuses des piés, leurs vaisseaux se dilatent, le sang y aborde & s’y jette avec plus de liberté, au soulagement du malade. De plus, comme ces parties nerveuses & tendineuses ont une communication étroite avec les autres parties nerveuses du corps, & sur-tout avec les visceres du bas-ventre ; on ne peut douter qu’en humectant les piés avec une liqueur tiéde, ce bain ne fasse cesser leurs contractions spasmodiques. La vertu qu’ils ont de calmer la violence des spasmes les rend utiles dans toutes les maladies convulsives & douloureuses, comme la cardialgie, la colique, les douleurs d’hypocondres, &c. il facilite encore les excrétions salutaires, comme la transpiration insensible, l’évacuation de l’urine, & celle des excrémens.

Il faut éviter que l’eau dans laquelle on met les piés ne soit trop chaude, parce que la pulsation des arteres augmente alors trop considérablement, & la sueur sort en trop grande abondance. Il ne faut point faire usage de ce remede, lorsque le flux menstruel est imminent ou qu’il a commencé, parce que détournant le sang de l’uterus, il arrêteroit cette évacuation ou la rendroit trop considérable ; mais il contribue merveilleusement à la procurer quand on l’emploie quelques jours avant le période, sur-tout si l’on fait en même tems usage d’emmenagogues tempérés.

Il faut s’abstenir avec soin des bains de piés astringens, alumineux, sulphureux, pour tarir la sueur incommode de ces parties, dissiper les enflures œdémateuses, ou dessecher les ulceres, parce que ce remede repousseroit avec danger la matiere virulente vers les parties internes, nobles & délicates.

Enfin, il est bon d’avertir que quand le bain des piés devient un remede nécessaire, comme dans les maux de tête opiniâtres, la migraine qui naît de plétore, l’ophthalmie, la difficulté de respirer causée par l’abondance du sang, les toux seches, & le crachement de sang, &c. ce remede produit d’autant plus de bien, qu’on le fait précéder de la saignée de la même partie, qu’on en use vers le tems du sommeil, qu’on ne laisse pas refroidir ensuite les piés, & qu’on les transporte tout chauds dans le lit pour aider la transpiration par-tout le corps. Il y a un très-bon morceau sur les bains de piés dans les essais de Médecine d’Edimbourg, j’y renvoie le lecteur. (D. J.)

Piés, puanteur des, (Médec.) Il y a des personnes dont les pores de la sueur se trouvant naturellement très-gros aux piés, reçoivent une grande quantité de liqueur, laquelle sort en gouttes par la chaleur & l’exercice. Cette sueur tendant à s’alkaliser par le séjour, répand une odeur fort puante ; cependant on ne doit point remédier à cet écoulement sudorifique tout d’un coup par de violens astringens. Il est vrai, par exemple, que l’écaille de cuivre, ou à sa place, la limaille de laiton pulvérisée avec le souffre & la racine d’iris de Florence, mise dans les souliers, suppriment l’odeur puante des piés, mais ce n’est pas toujours sans danger ; car si on arrête imprudemment cette sueur fétide, il survient quelquefois des maux plus funestes ; & le meilleur est de se laver les