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lui que le corps parcourroit d’un mouvement uniforme avec la moitié de cette vîtesse. 6°. Que la force qui fait tomber ces corps vers la terre, est la seule cause de leur poids, car puisqu’elle agit à chaque instant, elle doit agir sur les corps, soit qu’ils soient en repos, soit qu’ils soient en mouvement ; & c’est par les efforts que ces corps font sans cesse pour obéir à cette force, qu’ils pesent sur les obstacles qui les retiennent. Cependant, comme la résistance de l’air se mêle toujours ici-bas à l’action de la gravité dans la chûte des corps, il étoit impossible de connoître avec précision, par les expériences que Galilée avoit faites dans l’air, en quelle proportion cette force qui anime tous les corps à tomber vers la terre, agit sur ces corps. Il fallut donc imaginer de nouvelles expériences.

On en fit une dans la machine du vuide, qui confirma ce que Galilée avoit plutôt deviné que prouvé. De l’or, des flocon, de laine, des plumes, du plomb, tous les corps enfin abandonnés à eux-mêmes tomberent en même tems de la même hauteur au fond d’un long récipient purgé d’air. Cette expérience paroissoit décisive ; mais cependant comme le mouvement des corps qui tomboient dans cette machine étoit très-rapide, & que les yeux ne pouvoient pas s’appercevoir des petites differences du tems de leur chûte, supposé qu’il y en eût, on pouvoit encore douter si les corps sensibles possedent la faculté de peser à raison de leur masse, ou bien si le poids des différens corps fait quelqu’autre raison que celle de leur masse. Voici comment M. Newton leva cette difficulté.

Il suspendit des boules de bois creuses & égales à des fils d’égale longueur, & mit dans ces boules des quantités égales en poids, d’or, de bois, de verre, de sel, &c. en faisant ensuite osciller librement ces pendules, il examina si le nombre de leurs oscillations seroit égal en tems égal ; car la pesanteur cause seule l’oscillation des pendules, & dans ces oscillations les plus petites différences deviennent sensibles. M. Newton trouva par cette expérience que tous les différens pendules faisoient leurs oscillations en tems égal. Or le poids de ces corps étant égal, ce fut une démonstration que la quantité de matiere propre des corps est directement proportionnelle à leur poids, (en faisant abstraction de la résistance de l’air, qui étoit la même dans toutes les expériences), & que par conséquent la pesanteur agit sur tous les corps sensibles à raison de leur masse.

De ces expériences il s’ensuit 1° que la force qui fait tomber les corps vers la terre est proportionnelle aux masses, ensorte qu’elle agit comme 100 sur un corps qui a 100 de masse, & comme 1 sur un corps qui ne contient que 1 de matiere propre. 2° Que cette force agit également sur tous les corps, quelle que soit leur contexture, leur forme, leur volume, &c. 3° Que tous les corps tomberoient également vite ici-bas vers la terre, sans la résistance que l’air leur oppose, laquelle est plus sensible sur les corps qui ont plus de volume & moins de masse ; & que par conséquent la résistance de l’air est la seule cause pour laquelle certains corps tombent plus vite que les autres, comme l’avoit assûré Galilée.

Que quelque changement qui arrive à un corps par rapport à la forme, son poids dans le vuide reste toujours le même, si la masse n’est point changée. A cette occasion, il est important de remarquer qu’il faut distinguer avec soin la pesanteur des corps de leur poids. La pesanteur, c’est-à-dire cette force qui anime les corps à descendre vers la terre, agit de même sur tous les corps quelle que soit leur masse ; mais il n’en est pas ainsi de leur poids : car le poids d’un corps est le produit de la pesanteur par la masse

de ce corps. Ainsi quoique la pesanteur fasse tomber également vîte dans la machine du vuide, les corps de masse inégale, leur poids n’est cependant pas égal. Le différent poids des corps d’un volume égal dans le vuide sert à connoître la quantité relative de matiere propre & de pores qu’ils contiennent ; & c’est ce qu’on appelle la pesanteur spécifique des corps. Voyez Spécifique.

C’est donc la résistance de l’air qui retarde la chûte de tous les corps ; son effet presque insensible sur les pendules à cause de leur poids & des petites hauteurs dont ils tombent, devient très-considérable sur des mobiles qui tombent de très-haut, & il est d’autant plus sensible que les corps qui tombent ont plus de volume & moins de masse.

M. Desaguliers a fait là-dessus des expériences que leur justesse & les témoins devant qui elles ont été faites ont rendu très-fameuses. Il fit tomber de la lanterne qui est au haut de la coupole de S. Paul de Londres, qui a 272 piés de hauteur, en présence de MM. Newton, Halley, Derham, & de plusieurs autres savans du premier ordre, des mobiles de toutes especes, depuis des spheres de plomb de deux pouces de diametre jusqu’à des spheres formées avec des vessies de cochons très-desséchées & enflées d’air d’environ cinq pouces de diametre. Le plomb mit 4 secondes à parcourir les 272 piés, & les spheres faites avec des vessies 18 secondes. Il résulta du calcul fait, selon la théorie de Galilée, que l’air avoit retardé la chûte des spheres de plomb de 17 piés environ en 4 secondes. Transact. philos. n° 362. Voyez aussi les expériences de M. Mariotte dans son Traité de la percussion, page 116.

Comme l’air résiste au mouvement des corps, il en résulte que les corps qui le traversent en tombant ne doivent pas accélérer sans cesse leur mouvement : car l’air, comme tous les fluides, résistant d’autant plus qu’il est fendu avec plus de vîtesse, sa résistance doit à la fin compenser l’accélération de la gravité quand les corps tombent de haut. Les corps descendent donc dans l’air d’un mouvement uniforme après avoir acquis un certain degré de vitesse, que l’on appelle leur vîtesse complette, & cette vîtesse est d’autant plus grande à hauteur égale, que les corps ont plus de masse sous un même volume. Le tems, après lequel le mouvement accéleré d’un mobile se change en un mouvement uniforme en tombant dans l’air, est différent selon la surface & le poids du mobile, & selon la hauteur dont il tombe ; ainsi ce tems ne sauroit être déterminé en général.

On a calculé qu’une goutte d’eau qui seroit la 10.000.000.000. partie d’un pouce cube d’eau, tomberoit dans l’air parfaitement calme de 4 pouces par secondes d’un mouvement uniforme, & que par conséquent elle y feroit 235 toises par heure. On voit par cet exemple que les corps légers qui tombent du haut de notre atmosphere sur la terre, n’y tombent pas d’un mouvement accéleré, comme ils tomberoient dans le vuide par la force de la pesanteur, mais que l’accélération qu’elle leur imprime est bientôt compensée par la résistance de l’air ; sans cela la plus petite pluie feroit de grands ravages, & loin de fertiliser la terre, elle détruiroit les fleurs & les fruits.

Les corps abandonnés à eux-mêmes tombent vers la terre, suivant une ligne perpendiculaire à l’horison ; il est constant, par l’expérience, que la ligne de direction des graves est perpendiculaire à la surface de l’eau. Or la terre étant démontrée à-peu-prés sphérique par toutes les observations géographiques & astronomiques, le point de l’horison vers lequel les graves sont dirigés dans leur chûte, peut toujours être considéré comme l’extrémité d’un des rayons de cette sphere. Ainsi si la ligne, selon laquelle les