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carde. Plumier, nova plant. amer. gen. Voyez Plante.

La beauté de cet arbre, qui est toujours verd, l’odeur aromatique de ses feuilles, leur ressemblance à une langue, & celle de son noyau à un cœur, sont la source des mysteres que les Egyptiens y avoient attachés ; ils l’avoient consacré à Isis, & mettoient son fruit sur la tête de leurs idoles, quelquefois entier, & d’autres fois ouvert, pour faire paroître l’amande : cette figure de poire doit toujours le faire discerner du lotus par les antiquaires curieux de déchiffrer les monumens antiques.

Tous les anciens parlent de cet arbre : Théophraste, Strabon, Plutarque, Dioscoride, Pline & Galien. Ils disent qu’il a été planté à Memphis par Persée, qui lui a donné son nom ; que ses feuilles sont amples, fermes, d’une odeur agréable ; que ses fleurs naissent en grappe ; que son fruit est oblong ; & qu’il contient une espece d’amande du goût de la châtaigne. On ne retrouve plus aujourd’hui cet arbre en Egypte.

Le persea des modernes approche beaucoup de celui d’Egypte ; on l’appelle en françois poirier de la nouvelle-Espagne ; c’est le prunifera arbor, fructu maximo, pyriformi viridi, pericarpio esculento butyraceo, nucleum unicum maximum, ossiculo nullo tectum, cingente. Catal. Jamaic. 185.

Il s’étend fort au large, & conserve toujours sa verdure ; ses feuilles sont semblables à celles du laurier à larges feuilles. Ses fleurs sont à six pétales, & naissent en grappes. Son fruit a d’abord la figure d’une prune, & s’alonge en poire en murissant ; il est noir, d’un goût agréable, & contient une amande douce, faite en cœur. Cet arbre croît dans la Jamaïque. (D. J.)

PERSÉCUTER, v. act. PERSÉCUTEUR, s. m. & PERSÉCUTION, s. f. (Droit naturel, Politique & Morale.) la persécution est la tyrannie que le souverain exerce ou permet que l’on exerce en son nom contre ceux de ses sujets qui suivent des opinions différentes des siennes en matiere de réligion.

L’histoire ne nous fournit que trop d’exemples de souverains aveuglés par un zèle dangereux, ou guidés par une politique barbare, ou séduits par des conseils odieux, qui sont devenus les persécuteurs & les bourreaux de leurs sujets, lorsque ces derniers avoient adopté des systèmes religieux qui ne s’accordoient point avec les leurs. Sous Rome payenne les empereurs persécuterent la religion chrétienne avec une violence & une cruauté qui font frémir. Les disciples du Dieu de la paix leur paroissoient des novateurs dangereux qui méritoient les traitemens les plus barbares. La providence se servit de ces persécutions pour étendre la foi chez tous les peuples de la terre, & le sang des martyrs devint un germe fécond qui multiplia les disciples de J. C. sanguis martyrum semen christianorum.

A peine l’Eglise eut-elle commencé à respirer sous les empereurs chrétiens, que ses enfans se diviserent sur ses dogmes, & l’arianisme protégé par plusieurs souverains, excita contre les défenseurs de la foi ancienne des persécutions qui ne le cédoient guere à celles du paganisme. Depuis ce tems de siecle en siecle l’erreur appuyée du pouvoir a souvent persécuté la vérité, & par une fatalité déplorable, les partisans de la vérité, oubliant la modération que prescrit l’évangile & la raison, se sont souvent abandonnés aux mêmes excès qu’ils avoient justement reprochés à leurs oppresseurs. Delà ces persécutions, ces supplices, ces proscriptions, qui ont inondé le monde chrétien de flots de sang, & qui souillent l’histoire de l’Eglise par les traits de la cruauté la plus rafinée. Les passions des persécuteurs étoient allumées par un faux zèle, & autorisées par la cause qu’ils vou-

loient soutenir, & ils se sont cru tout permis pour

venger l’Etre suprème. On a pensé que le Dieu des miséricordes approuvoit de pareils excès, que l’on étoit dispensé des lois immuables de l’amour du prochain & de l’humanité pour des hommes que l’on cessoit de regarder comme ses semblables, dès-lors qu’ils n’avoient point la même façon de penser. Le meurtre, la violence & la rapine ont passé pour des actions agréables à la Divinité, & par une audace inouie, on s’est arrogé le droit de venger celui qui s’est formellement reservé la vengeance. Il n’y a que l’ivresse du fanatisme & des passions, ou l’imposture la plus intéressée qui ait pu enseigner aux hommes qu’ils pouvoient, qu’ils devoient même détruire ceux qui ont des opinions différentes des leurs, qu’ils étoient dispensés envers eux des lois de la bonne foi & de la probité. Où en seroit le monde si les peuples adoptoient ces sentimens destructeurs ? L’univers entier, dont les habitans different dans leur culte & leurs opinions, deviendroit un théâtre de carnages, de perfidies & d’horreurs. Les mêmes droits qui armeroient les mains des Chrétiens, allumeroient la fureur insensée du musulman, de l’idolâtre, & toute la terre seroit couverte de victimes que chacun croiroit immoler à son Dieu.

Si la persécution est contraire à la douceur évangélique & aux lois de l’humanité, elle n’est pas moins opposée à la raison & à la saine politique. Il n’y a que les ennemis les plus cruels du bonheur d’un état qui aient pu suggérer à des souverains que ceux de leurs sujets qui ne pensoient point comme eux étoient devenus des victimes dévouées à la mort & indignes de partager les avantages de la société. L’inutilité des violences suffit pour desabuser de ces maximes odieuses. Lorsque les hommes, soit par les préjugés de l’éducation, soit par l’étude & la réflexion, ont embrassé des opinions auxquelles ils croient leur bonheur éternel attaché, les tourmens les plus affreux ne font que les rendre plus opiniâtres ; l’ame invincible au milieu des supplices s’applaudit de jouir de la liberté qu’on veut lui ravir ; elle brave les vains efforts du tyran & de ses bourreaux. Les peuples sont toujours frappés d’une constance qui leur paroît merveilleuse & surnaturelle ; ils sont tentés de regarder comme des martyrs de la vérité les infortunés pour qui la pitié les intéresse ; la réligion du persécuteur leur devient odieuse ; la persécution fait des hypocrites & jamais des prosélytes. Philipe II. ce tyran dont la politique sombre crut devoir sacrifier à son zèle inflexible cinquante-trois mille de ses sujets pour avoir quitté la religion de leurs peres, & embrassé les nouveauté de la réforme, épuisa les forces de la plus puissante monarchie de l’Europe. Le seul fruit qu’il recueillit fut de perdre pour jamais les provinces du Pays-bas excédées de ses rigueurs. La fatale journée de la S. Barthélemi, où l’on joignit la perfidie à la barbarie la plus cruelle, a-t-elle éteint l’hérésie qu’on vouloit opprimer ? Par cet événement affreux la France fut privée d’une foule de citoyens utiles ; l’hérésie aigrie par la cruauté & par la trahison reprit des nouvelles forces, & les fondemens de la monarchie furent ébranlés par des convulsions longues & funestes.

L’Angleterre, sous Henri VIII. voit traîner au supplice ceux qui refusent de reconnoître la suprémacie de ce monarque capricieux ; sous sa fille Marie, les sujets sont punis pour avoir obéi à son pere.

Loin des souverains, ces conseillers intéressés qui veulent en faire les bourreaux de leurs sujets. Ils leur doivent des sentimens de pere, quelles que soient les opinions qu’ils suivent lorsqu’elles ne troublent point l’ordre de la société. Elles ne le troubleront point lorsqu’on n’emploiera pas contr’elles les tourmens & la violence. Les princes doivent imiter la divinité,