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seve se porte trop abondamment sur l’un des côtés, il faut accourcir ce côté pour donner de la force à l’autre. En général toute la force de l’arbre doit se porter sur deux ou quatre maîtresses branches distributrices de toute la garniture. On peut donner tous les ans à ces fortes branches douze ou quinze pouces de taille, quelquefois deux piés, & jusqu’à deux piés & demi, à la maniere des jardiniers de Montreuil, du reste on doit réduire les autres depuis six jusqu’à huit pouces. On croit communement que le pêcher n’a que douze ou quinze ans de vie ; mais quand il a été bien conduit, ce n’est encore là que le tiers de sa durée & le commencement de ses grandes forces, qui peuvent se soutenir pendant autant de tems, après quoi on peut regarder le reste de sa durée comme un état de retour dont le soutien dépend entierement de l’art & des soins du jardinier. C’est la taille bien entendue qui contribue le plus à la durée du pêcher. Elle consiste, pour les pêchers qui sont dans leur force, à ne pas trop charger l’arbre de branches, & cependant à le tenir bien garni. Après avoir examiné l’état de l’arbre, on commence à retrancher les branches séches, altérées & usées ; puis celles qui sont trop grosses ou trop petites, à l’exception des petits bouquets ou brindilles qui sont propres à donner les plus beaux fruits ; mais on doit conserver tout ce qui est nécessaire à entretenir la garniture de l’arbre. Enfin de toutes les branches qui ont poussé sur celle qui a été taillée l’année précédente, on ne laisse que la plus basse. Après cela on vient à la taille : si l’arbre se trouve fatigué pour avoir trop donné de fruit, on le ménage en accourcissant, si c’est le contraire, on alonge la taille jusqu’à huit pouces. C’est encore sur l’espece du pêcher qu’il faut se regler à cet égard. Quant aux pêchers qui sont sur le déclin, on ne sauroit trop les ménager, les tailler court, & ne conserver que les meilleures branches, mais en travaillant à la conservation de l’arbre & à sa fructification, on doit chercher en même tems à lui donner de la beauté, & à le rendre agréable, en faisant ensorte qu’il soit suffisamment garni de branches jusqu’au pié, qu’il fasse régulierement l’éventail, & qu’il n’occupe que la place qui lui a été destinée.

La beauté du pêcher consiste principalement à ce qu’il soit palissé proprement & avec ordre ; aucune branche n’en doit croiser d’autres, à moins qu’on n’y soit nécessité pour garnir un vuide. On se sert d’osier pour le premier palissage au printems, & du petit jonc de marais pendant l’été.

Mais le grand point pour avoir du fruit, c’est de veiller à la conservation du pêcher ; sans quoi, il arrive souvent que les frimats détruisent toutes les belles espérances qu’avoit donné la fleur. Le meilleur secret que l’on ait trouvé pour garantir ces arbres, est de former tout le long des murs au-dessous du chaperon, une espece d’avant-toit, composé de paillassons d’environ deux piés de largeur, supportés par des potences que l’on attache contre le mur pour un tems, depuis le mois de Février jusqu’au mois de Mai, cette couverture défend le haut des arbres, & l’on supplée dans les tems menaçans d’autres paillassons pour garantir le bas.

Dès la fin d’Avril on doit commencer une autre opération à laquelle il faut encore revenir à la fin de Mai, après que le fruit est noué ; c’est l’ébourgeonnement qui, quoique des plus importans, est souvent négligé. Il consiste à retrancher par la seule action du pouce, les jeunes pousses qui paroissent déplacées, foibles ou surabondantes. On regarde comme déplacées celles qui viennent en-devant, ou qui poussent par derriere. On juge que les nouvelles pousses surabondent, lorsqu’il y en a sur chaque branche plus de deux ou trois que l’on conserve dans les places avantageuses, & on supprime le reste. L’ébour-

geonnement doit être fait par un jardinier intelligent,

parce qu’on y peut faire de grandes fautes, qui ne pourront se réparer que très-difficilement. Néanmoins c’est principalement de cette opération bien entendue que dépendent la vigueur, la durée & la fertilité du pêcher.

Il est encore d’autres soins de culture qu’on pourroit prendre après l’ébourgeonnement, comme de pincer certaines branches nouvelles, & d’en arrêter d’autres. Mais comme les sentimens & la pratique sont très-opposés sur ce point, les uns soutenant que ces seconds soins sont absolument nécessaires, & les autres prétendant qu’il faut laisser agir la nature ; on se dispensera d’entrer ici dans aucun détail à ce sujet.

Il en sera de même de la culture des pêchers relativement au remuement de la terre ; je n’en parlerai que pour en représenter l’inutilité. Quand on cultive les plattes-bandes qui sont au pié de ces arbres, c’est moins pour les favoriser que pour y mettre des légumes. Mais on ne voit pas que les herbes, bonnes ou mauvaises, sont tout ce qu’il y a de plus pernicieux aux arbres. Elles interceptent au-dehors les petites pluies, les rosées, les vapeurs, &c. & elles pompent avidement du dedans les sucs, les sels & l’humidité de la terre ; ensorte qu’on doit regarder les légumes & toutes les herbes, comme le fléau des arbres. Je me suis bien convaincu que rien n’est plus avantageux aux pêchers que de faire regner une allée sablée jusque contre sa palissade & le mur, sans autre soin que d’en ratisser l’herbe exactement. Je vois dans plusieurs endroits des pêchers ainsi traités depuis vingt ans, qui ont fait des progrès étonnans, & qui sont d’une beauté admirable.

La taille que l’on a fait en hiver au pêcher & l’ébourgeonnement au printems, obligeant sa seve à se porter vigoureusement dans les branches qui ont été conservées, exigent de fréquens palissages. Le premier se fait au mois de Juin, sans autre choix, retranchement ni sujettion, lorsque l’ébourgeonnement a été bien fait, que de bien espacer, étendre & tourner les branches, de façon qu’elles garnissent l’arbre agréablement, & que le fruit soit couvert de feuilles autant qu’il se pourra ; un mois ou six semaines après il faudra un second palissage fort facile, & qui ne consistera qu’en un lien de plus à toutes les branches qui se seront alongées, & à rabattre tout ce qui contrariera la beauté de la forme. Il y a quelquefois des arbres vigoureux qui demandent une troisieme revue au mois de Septembre.

Il est des terreins légers qui exigent que l’on arrose les pêchers dans le tems de hâle & de sécheresse. Dans ce cas, il faut faire donner à chaque arbre une charge d’eau tous les quinze jours, faire mettre de la grande paille à leur pié, & même en garnir les tiges des pêchers.

Les fruits demandent aussi des attentions. Après avoir ôté, quand ils sont noués & débourés, tous ceux qui sont venus de trop (car on prétend qu’un pêcher de bonne stature n’en doit porter que soixante), on aura soin, dès qu’on s’appercevra que les pêches commencent à changer & à prendre de la blancheur, de les découvrir peu-à-peu à trois fois, de quatre jours en quatre jours, en ôtant quelques feuilles, afin que recevant la plus forte impression du soleil, elles puissent se colorer, se mûrir & se perfectionner. La parfaite maturité des pêches se reconnoît lorsqu’en les touchant légerement elles restent dans la main.

Les pêches sont souvent endommagées par quantité d’insectes. Dès le printems le bouton à fleur est attaqué par une chenille verte que l’on trouve derriere les branches, & qu’il faut détruire. Lorsque les murs sont mal crépis, les loirs, les mulots, les rats, les souris & les musaraignes s’y réfugient & en-