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très-menues qui y sont attachées. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Voilà cette plante si singuliere, par sa propriété merveilleuse & incompréhensible, de calmer nos passions, d’adoucir nos maux, nos douleurs, & d’endormir nos déplaisirs dans une douce ivresse.

Tournefort compte quarante-quatre especes de pavot ; nous en décrirons seulement trois, le blanc, le noir, & le rouge ou le sauvage.

Le pavot blanc, en anglois the white poppy, est nommé par les Botanistes papaver hortense, semine albo, sativum, Dioscoridis, album Plinii C. B. p. 170. Ray, Hist. I. 853. Tournef. I. R. H. 237. Boerh. Ind. alt. 279.

Il porte un grand nombre de feuilles longues, larges, d’un verd blanchâtre, & fort découpées par les bords ; sa tige est ronde & unie ; elle s’éleve à la hauteur de cinq ou six piés ; elle est environnée de feuilles plus courtes & plus larges que celles des autres pavots : elle se divise vers son sommet en trois ou quatre branches, qui portent chacune à leur extrémité une tête ronde, inclinée d’abord, mais qui se redresse à mesure que la fleur s’ouvre.

La fleur est composée de quatre feuilles blanches, larges, renfermées dans une couple de cosses vertes & membraneuses, qui tombent aussi-tôt que la fleur est éclose. Après que cette fleur est tombée, ce qui se fait en peu de tems, les vaisseaux seminaux prennent une grosseur considérable ; ils ont souvent autant de diametre qu’une grosse orange ; ils sont ronds, & portent à leur partie supérieure une couronne dentelée. Ces vaisseaux seminaux sont divisés en plusieurs capsules membraneuses, aux côtés desquelles est attachée une petite semence.

Toute la plante est pleine d’un lait amer, dont l’odeur est fort désagréable & malfaisante. On seme ce pavot dans les champs & dans les jardins. Il fleurit en Juin, & on en recueille les têtes sur la fin de Juillet. C’est de ces têtes qu’on tire l’opium, dont le meilleur nous vient de Turquie, où il y a une grande quantité de ces pavots semés dans les champs de la Natolie.

On fait de ces têtes de pavot, seches, infusées & bouillies dans de l’eau, le sirop de meconium & le diacod. Ses graines sont rafraîchissantes & bienfaisantes dans la strangurie & les fievres aiguës.

Le pavot noir, cultivé des jardins, est le papaver hortense semine nigro, sylvestre Dioscoridis, nigium Plinii. C. B. p. 170. Ray, Hist. I. 853. Tourn. I. R. H. 237. Boerh. Ind. alt. 279.

Ce pavot n’est pas si haut que le blanc, mais il lui ressemble à tous les autres égards. La grande différence est dans la fleur qui est dans celui-ci purpurine avec le fond noir, & dans les têtes qu’il a plus petites que le blanc, & qui contiennent une semence noire.

Les racines de l’un & de l’autre sont empreintes d’un lait amer, branchues, & périssent lorsque la semence est mûre. On cultive le pavot noir dans les jardins, à cause de l’agréable variété de sa fleur qui est grande, tantôt simple, tantôt double, frangée ou non-frangée. On fait entrer ses feuilles dans les onguens pour la brûlure & dans le populeum. Il fleurit en Juin, & se seme de lui-même dans les jardins.

Le pavot rouge des champs, autrement dit pavot sauvage ou coquelicot, est le papaver erraticum, majus, ῥοιὰς Dioscoridis, Theophrasti, Plinii, C. B. p. 170. Tourn. I. R. H. 238. Boerh. Ind. alt. 279.

Sa racine est simple, grosse comme le petit doigt, blanche, garnie de quelques fibres, amere au goût. Les feuilles sont rudes, velues, vertes-brunes, découpées çà & là comme celles de la chicorée, velues & dentelées en leurs bords. Les tiges sont hautes

d’une coudée, rameuses, hérissées de poils clairsemés, mais un peu roides.

Ses fleurs naissent aux sommets des tiges larges, d’un rouge foncé, à quatre pétales, avec des taches noires au fond de chaque pétale, & si foiblement attachées qu’elles tombent au moindre vent.

Elles sont suivies de petites têtes grosses comme des noisettes, oblongues & couvertes d’une couronne dentelée ; ces têtes sont divisées en plusieurs cellules qui renferment des semences menues, noirâtres ou d’un rouge obscur. Ses tiges & ses feuilles sont pleines d’un suc jaunâtre amer, d’une odeur forte, mais moindre que celle des deux premieres especes.

Cette plante croît par-tout dans les champs, le long des chemins, & principalement parmi les blés qu’elle releve par la vivacité de la couleur de ses fleurs. Elle fleurit en Juin & Juillet. Sa graine semée dans les jardins donne une infinité de variétés.

Pavot, (Mat. méd.) on se sert en Médecine de trois especes de pavots ; le pavot blanc ou à fleur & semences blanches, le pavot noir ou à semences noires, & le pavot rouge ou coquelicot.

Pavot blanc. La seule partie de cette plante qu’on emploie en Médecine est son fruit, ou cette espece de coque de la figure & à-peu-près de la grosseur d’un œuf, qui contient les semences de cette plante, & qui est connue dans l’art sous nom de tête de pavot.

C’est précisément des têtes de pavot blanc, cultivé dans la Natolie & dans quelques contrées voisines, en Perse, &c. qu’on retire l’opium. Voyez Opium.

Les têtes de pavot de notre pays fournissent par la décoction une substance qui ne differe de ce fameux extrait que par le degré d’activité, & qui n’a besoin pour produire les mêmes effets que d’être employée en une dose beaucoup plus considérable. La variété des climats produit cette différence très-considérable, mais sans détruire entierement la qualité spécifique ou absolue.

L’extrait du pavot que l’on cultive dans les régions tempérées de l’Europe est un narcotique léger, mais sûr : & l’on n’emploie la substance extractive des pavots que pour cette qualité.

C’est communément sous la forme de sirop simple que l’on donne cette matiere. On la donne aussi assez souvent sous celle de décoction.

Sirop de pavot. Prenez des têtes de pavot seches, coupées par morceaux, & dont on a ôté les semences, une livre ; eau commune, suffisante quantité pour pouvoir faire bouillir pendant un quart-d’heure, & avoir environ une livre de liqueur de reste. Après cette courte & légere coction, passez & exprimez fortement à la presse, ajoutez deux livres de sucre, clarifiez au blanc-d’œuf, & cuisez à consistence de sirop.

Cette maniere de préparer le sirop de pavot est fort éloignée de celle qui est décrite dans toutes les pharmacopées, où il est ordonné d’employer une quantité immense d’eau qu’il faut consumer, soit par une très-longue décoction des têtes, soit par une très longue cuite, après qu’on a ajouté le sucre. Dans la pharmacopée de Paris, par exemple, on demande pour une livre de têtes de pavots, seize livres d’eau & quatre livres de sucre : il faut par conséquent dissiper à-peu-près quatorze livres d’eau dans l’une & dans l’autre coction. Dans la méthode que nous venons de proposer, & qui est d’après les vûes de M. Rouelle, il faut à peine quatre livres d’eau, dont une partie se dissipe pendant la décoction des têtes, & une plus grande partie est imbibée dans leur substance, d’où on la retire ensuite par une forte expression chargée presque à saturation, ou du-moins très chargée de matiere extractive. M. Rouelle prétend que la longue décoction des têtes de pavot & la lon-