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flammer ; injonction, enjoindre ; intonation, entoner. 2o. In est souvent une particule privative, qui marque l’absence de l’idée individuelle énoncée par le mot simple : inanimé, inconstant, indocile, inégal, infortuné, ingrat, inhumain, inhumanité, inique, injustice, innombrable, inoui, inquiet, inséparable, intolérance, involontaire, inutile. Quel que puisse être le sens de cette particule, on en change la finale n en m devant les mots simples qui commençent par une des labiales b, p, ou m ; imbiber, imbu, imbécille, impétueux, imposer, impénitence ; immersion, imminent, immodeste : n se change en l devant l, & en r devant r ; illuminer, illicite ; irruption, irradiation, irréverent.

ou més est la même particule dont l’euphonie supprime souvent la finale s : elle est privative, mais dans un sens moral, & marque quelque chose de mauvais, le mal n’étant que l’absence ou la privation du bien. M. l’abbé Regnier (pag. 562. in-12, ou pag. 589. in-4o.) a donné la liste de tous les mots composés de cette particule usitée de son tems, & il écrit mes par-tout, soit que l’on prononce ou que l’on ne prononce pas s : en voici une autre un peu différente ; je n’ai écrit s que dans les mots où cette lettre se prononce, & c’est lorsque le mot simple commence par une voyelle ; j’ai retranché quelques mots qui ne sont plus usités, & j’en ai ajoûté quelques-uns qui sont d’usage : mécomptes, mécompter ; méconnoissable, méconnoissance, méconnoître ; mécontent, comme mal content, (voyez les Remar. nouv. de Bouhours, tome I. pag. 271.) mécontentement, mécontenter ; mécréant ; médire, médisance, médisant ; méfaire, méfait ; mégarde ; méprendre, méprise ; mépris, méprisable, méprisant, mépriser ; mésaise comme malaise ; mésalliance, mésallié ; mésestimer ; mésintelligence ; mésoffrir ; messéance, messéant comme malseant ; mesuser ; mévendre, mevente. Les Italiens emploient mis dans le sens de notre més ; & les Allemands ont miss qui paroît être la racine de notre particule. Voyez le Gloss. germ. de Wachter, proleg. sect. V.

Par ou per est une particule ampliative qui marque l’idée accessoire de plénitude ou de perfection ; parfait, entierement fait ; parvenir, venir jusqu’au bout ; persécuter comme persequi, suivre avec acharnement ; peroraison, ce qui donne la plénitude entiere à l’oraison, &c. La particule latine per avoit la même énergie ; c’est pourquoi devant les adjectifs & les adverbes elle leur donnoit le sens ampliatif ou superlatif : periniquus, très-injuste ; perabsurde, d’une maniere fort absurde, &c.

Nous avons encore plusieurs autres particules qui viennent ou de nos prépositions, ou des prépositions latines, ou de quelques particules latines : elles en conservent le sens dans nos mots composés, & n’ont pas grand besoin d’être expliquées ici : en voici quelques exemples : entreprendre, interrompre, introduire, pourvoir, prévoir, produire, rassembler, rebâtir, réassigner, réconcilier, rétrograder, subvenir, subdélégué, soumettre, sourire, survenir, traduire, transposer.

Je remarquerai seulement sur la particule re ou , que souvent un même mot simple reçoit des significations très-différentes, selon qu’il est précédé de re avec l’e muet, ou de avec l’é fermé : repondre, c’est pondre une seconde fois, répondre, c’est répliquer à un discours ; reformer, c’est former de nouveau, réformer, c’est donner une meilleure forme ; repartir, c’est répliquer, ou partir pour retourner, répartir, c’est distribuer en plusieurs parts.

On peut lire avec fruit sur quelques particules prépositives, les Remarques nouvelles du pere Bouhours, tom. I. pag. 257, 298 & 556.

Le nombre de nos particules postpositives n’est pas grand : nous n’en avons que trois ci, là & da. Ci indique des objets plus prochains, des objets plus

éloignés : de-là la différence de sens que reçoivent les mots, selon qu’on les termine par l’une ou par l’autre de ces particules ; ceci, cela ; voici, voilà ; celui-ci, celui-là ; cet homme-ci, cet homme là.

Da est ampliatif dans l’affirmation ouida ; & c’est le seul cas où l’usage permette aujourd’hui de l’employer. Cette particule étoit autrefois plus usitée comme affirmative : il avoit une épée da, c’est un habile homme da. Plus anciennement elle s’ecrivoit dea ; & Garnier dans sa tragédie de Bradamante, commence ainsi un vers :

Dea, mon frere, hé pourquoi ne me l’aviez-vous dit ?


Il y avoit donc une suite de diphtongue : sur quoi je ferai une observation que l’on peut ajouter à celles de Ménage. C’est que dans le patois de Verdun, il y a une affirmation qui est vie dia, & quelquefois on dit pa la vie dia ; ce que je crois qui signifie par la vie de Dieu, en sorte que vie dia c’est vie de Dieu, ou vive Dieu. Or dia & dea ne different que comme i & e qui sont des sons très-approchans & souvent confondus : ainsi rien n’empêche de croire que da n’est affirmatif qu’autant qu’il prend Dieu même à témoin. (B. E. R. M.)

Particules est aussi un terme de Théologie, dont on se sert dans l’Eglise latine pour exprimer les miettes ou petits morceaux de pain consacré, qu’on appelle μερίδες dans l’Eglise greque.

Dans l’Eglise greque, il y a une cérémonie particuliere, nommée τῶν μερίδων, des particules, dans laquelle on offre certains morceaux de pain non consacré en l’honneur de la Vierge, de S. Jean-Baptiste, & de plusieurs autres saints. On donne aussi à ces particules le nom d’oblation, προσφορά.

Gabriel, archevêque de Philadelphie, a donné un petit traité, περὶ τῶν μερίδων, dans lequel il s’efforce de faire voir l’ancienneté de cette cérémonie, parce qu’il en est fait mention dans les liturgies de S. Chrysostome & de S. Basile.

Il y a eu sur cette matiere une dispute considérable entre les Théologiens réformés & les catholiques. Aubertin & Blondel expliquent un passage de la théorie de S. Germain, patriarche de Constantinople, où il parle de la cerémonie des particules comme d’une chose en usage de son tems. En faveur des Catholiques, MM. de Port royal contestent l’explication ; mais M. Simon, dans ses notes sur Gabriel de Philadelphie, tâche de faire voir que ce passage est une interpolation, parce qu’il ne se trouve point dans les anciens exemplaires de S. Germain ; & par conséquent que la dispute n’a point de fondement.

Particule, s. f. (Physique.) partie très-petite d’un corps ; c’est de l’assemblage & de l’union de plusieurs de ces parties que sont composés les corps naturels.

Particule dans la nouvelle Philosophie est employé par quelques auteurs dans le même sens qu’atome dans l’ancienne Philosophie d’Epicure, & que corpuscule dans la Philosophie moderne. Voyez Atome & Corpuscule.

Néanmoins d’autres auteurs les distinguent, & disent que particule est l’assemblage & l’union de deux ou plusieurs corpuscules ou atomes primitifs & physiquement indivisibles ; & que corpuscule ou petit corps est l’assemblage ou la masse de plusieurs particules.

Au reste, cette distinction n’est pas fort nécessaire, & dans la plûpart des ouvrages de Physique particule est employé comme synonyme à corpuscule.

Les particules sont donc comme les élémens des corps ; c’est leur arrangement différent & leur contexture, avec la différence de cohésion, qui constitue les différentes sortes de corps, durs, mous, secs,