Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/1

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PARLEMENT, (Hist. anc. & mod. & Jurisprud.) ce terme a eu différentes significations, comme on le verra dans les subdivisions qui sont à la suite de cet article ; mais la plus ordinaire est que l’on entend en France par ce terme une cour souveraine, composée d’ecclésiastiques & de laïcs, établie pour administrer la justice en dernier ressort au nom du roi, en vertu de son autorité, comme s’il y étoit présent.

Il y a douze parlemens dans le royaume, lesquels, suivant l’ordre de leur création, sont Paris, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Rouen, Aix, Rennes, Pau, Metz, Besançon & Douai.

Quand on dit le parlement simplement, on entend ordinairement le parlement de Paris, qui est le parlement par excellence & le plus ancien de tous, les autres ayant été crées à l’instar de celui de Paris ; c’est pourquoi nous parlerons d’abord de celui-ci, après quoi nous parlerons tant des autres parlemens de France que de ceux des autres pays, suivant l’ordre alphabétique.

Parlement de Paris, est une cour établie à Paris sous le titre de parlement, composée de pairs & de conseillers ecclésiastiques & laïques, pour connoître au nom du roi qui en est le chef, soit qu’il y soit présent ou absent, de toutes les matières qui appartiennent à l’administration de la justice en dernier ressort, & notamment des appellations de tous les juges inférieurs qui ressortissent à cette cour.

Ce parlement est aussi appellé la cour du roi, ou la cour de France, la cour des pairs ; c’est le premier parlement & la plus ancienne cour souveraine du royaume.

Les auteurs ne sont pas d’accord sur le tems de l’institution du parlement.

Les uns prétendent qu’il est aussi ancien que la monarchie, & qu’il tire son origine des assemblées de la nation ; quelques-uns en attribuent l’institution à Charles Martel, d’autres à Pepin le Bref, d’autres encore à S. Louis, d’autres enfin à Philippe le Bel.

Il est fort difficile de percer l’obscurité de ces tems si reculés, & de fixer la véritable époque de l’institution du parlement.

Les assemblées de la nation, auxquelles les historiens ont dans la suite donne le nom de parlemens généraux, n’étoient point d’institution royale ; c’étoit une coûtume que les Francs avoient apportée de leur pays, quoique depuis l’affermissement de la monarchie elles n’étoient plus convoquées que par l’ordre du roi, & ne pouvoient l’être autrement.

Sous la première race, elles se tenoient au mois de Mars, d’où elles furent appellées champ de Mars ; chacun s’y rendoit avec ses armes.

La tenue de ces assemblées fut remise au mois de Mai par Pepin, parce que l’usage de la cavalerie s’étant introduit dans les armées ; on crut que pour entrer en campagne, il falloit attendre qu’il y eût du fourrage : de-là ces assemblées furent appellées champ de Mai.

D’abord tous les Francs ou personnes libres étoient admis à ces assemblées ; les ecclésiastiques y eurent aussi entrée dès le tems de Clovis : dans la suite, la nation étant devenue beaucoup plus nombreuse par le mélange des vaincus avec les vainqueurs : chaque canton s’assembloit en particulier, & l’on n’admit plus guere aux assemblées générales que ceux qui te-

noient un rang dans l’état ; & vers la fin de la seconde

race, on réduisit ces assemblées aux seuls barons ou vassaux immédiats de la couronne, & aux grands prélats & autres personnes choisies. On lit dans les annales de Reims que, sous Lothaire en 964, Thibaud le Trichard, comte de Blois, de Chartres & de Tours, fut exclus d’un parlement général, quelque considérables que fussent ces comtés, parce qu’il n’étoit plus vassal du roi, mais de Hugues Capet, qui n’étoit encore alors que duc de France.

Ces assemblées générales formoient le conseil public de nos rois ; on y traitoit de la police publique, de la paix & de la guerre, de la réformation des lois & autres affaires d’état, des procès criminels des grands & autres affaires majeures.

Mais outre ce conseil public, nos rois de la premiere & de la seconde race avoient tous leur cour ou conseil particulier, qui étoit aussi composé de plusieurs grands du royaume, principaux officiers de la couronne & prélats, en quoi ils se conformoient à ce qui se pratiquoit chez les Francs dès avant leur établissement dans les Gaules. On voit en effet par la loi Salique qu’il se faisoit un travail particulier par les grands & les personnes choisies dans les assemblées, même de la nation, soit pendant qu’elles se tenoient, soit dans l’intervalle qu’il y avoit de l’une à l’autre.

Cette assemblée particuliere ne différoit de l’assemblée générale qu’en ce qu’elle étoit moins nombreuse ; c’étoit le conseil ordinaire du prince, & sa justice capitale pour les affaires les plus urgentes, pour celles qui demandoient du secret, ou pour les matieres qu’il falloit préparer avant de les porter à l’assemblée générale.

La différence qu’il y avoit alors entre la cour du roi & le parlement général, ou assemblée de la nation, se trouve marquée en plusieurs occasions, notamment sous Pepin en 754 & 767, où il est dit que ce prince assembla la nation, & qu’il tint son conseil avec les grands.

Mais vers la fin de la seconde race, les parlemens généraux étant réduits, comme on l’a déjà dit, aux seuls barons ou vassaux immédiats de la couronne, aux grands prélats, & autres personnes choisies parmi les clercs & les nobles, qui étoient les mêmes personnes dont étoit composée la cour du roi : ces deux assemblées furent insensiblement confondues ensemble, & ne firent plus qu’une seule & même assemblée, qu’on appelloit la cour du roi ou le conseil, où l’on porta depuis ce tems toutes les affaires qui se portoient auparavant, tant aux assemblées générales de la nation, qu’à la cour du roi.

Cette réunion des deux assemblées en une seule & même, se consomma dans les trois premiers siècles de la troisième race.

Mais, quoique depuis ce tems la cour du roi prît connoissance des matières qui se traitoient auparavant aux assemblées générales de la nation, l’assemblée de la cour du roi n’a jamais été de même nature que l’autre : car, comme on l’a remarqué, l’assemblée de la nation n’étoit point, dans son origine, d’institution royale ; d’ailleurs ceux qui y entroient, du moins sous la première race, & encore pendant long-tems sous la seconde, en avoient le droit par leur qualité de francs ; qualité qu’ils ne tenoient point du roi, au lieu que la cour ou conseil du roi fut formée par nos rois mêmes, & n’a jamais été composée que de ceux qu’ils jugeoient à-propos d’y admettre, ou auxquels ils en avoient attribué le droit,