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gal a lieu ; il ne peut y en avoir pour les fiefs de dignité, tels que chatellenie, baronnie & autres plus élevés, que les coutumes déclarent impartables, d’autant que la sous-inféodation des portions cadettes qui arrive nécessairement après la fin du parage, dégraderoit ces sortes de fiefs de dignité.

Quelques-uns croient pourtant que le parage pourroit avoir lieu dans des fiefs titrés lorsqu’ils ne sont pas mouvans du roi, à cause de la couronne, mais seulement à cause de quelque seigneurie appartenante au roi.

Pour ce qui est du parage conventionnel, comme il n’y a point de sous-inféodation à craindre, on peut l’établir même pour des fiefs de dignité, pourvu que ce soit dans une coutume qui admette ce genre de parage.

Quant à la durée coutumiere du parage, les coutumes ne sont pas uniformes.

En Normandie il dure jusqu’au sixieme degré inclusivement.

En Anjou & Maine, il dure tant que le lignage soit assez éloigné pour que les possesseurs des différentes portions du fief puissent se marier ensemble ; ce qui s’entend lorsqu’ils sont au-delà du quatrieme degré, comme du quatrieme au cinquieme. Il en est de même dans la coutume de Lodunois.

Dans la coutume de Bretagne, le parage finit comme le lignage au neuvieme degré.

Dans les coutumes de Poitou, d’Angoumois, de S. Jean d’Angely & usance de Saintes, le parage dure tant que le lignage se peut compter, ce qui est conforme à l’ancien droit rapporté dans les établissemens de S. Louis.

Le parage a plusieurs effets dont les principaux sont :

1°. Que tant que le parage dure, les puînés tiennent leurs portions aussi noblement que leur chemier ou aîné.

2°. Pendant le parage les puînés ne doivent point de foi & hommage à leur aîné ou ses représentans, si ce n’est en Bretagne, où la coutume veut que le juveigneur ou puîné fasse la foi à l’aîné, excepté la sœur de l’aîné, laquelle n’en doit point pendant sa vie ; mais ses représentans en doivent.

3°. L’aîné n’a aucune jurisdiction sur ses puinés, si ce n’est dans quelques cas exprimés par les coutumes.

On dit communément que les puînés ont chacun dans leurs portions telle & semblable justice que leur aîné ; il ne faut pas croire pour cela, comme quelques auteurs l’ont prétendu, que la haute justice qui étoit attachée au fief se divise en autant de portions qu’il y a de puînés, ni que cela forme autant de justices séparées. Il n’y a toujours qu’une seule & même justice qui doit être exercée au nom de tous les copropriétaires, & dont les profits & les charges se partagent entre eux à proportion de la part que chacun a dans le fief ; c’est en ce sens seulement qu’on peut dire que les puînés ont droit de justice comme leur aîné, ce qui ne signifie pas qu’ils puissent avoir un juge & un tribunal à part ; cette multiplication de justices seroit directement contraire à l’ordonnance de Roussillon, qui veut que les seigneurs auxquels appartient une justice par indivis, n’ayent qu’un seul & même juge.

Les puînés n’ont d’autre justice particuliere dans leur portion, que la justice fonciere pour le payement de leurs cens & rentes, laquelle dans les coutumes de parage, est de droit attachée à tout fief.

Le parage fini, les puînés n’ont plus aucune part à la haute justice ; il ne leur reste plus que la basse justice dans leur portion ; & de ce moment l’aîné a tout droit de haute justice sur eux, puisqu’ils deviennent ses vassaux.

Indépendamment du terme légal que les coutumes mettent au parage, il peut encore finir par le fait de l’homme, soit par le fait de l’aîné, ou par celui des puînés ; savoir, par vente, don, cession, legs, & généralement par toute aliénation hors ligne, soit de la portion aînée, ou des portions cadettes.

Il y a pourtant des coutumes, comme Anjou & Maine, Tours, où le parage ne finit pas quand c’est l’aîné qui aliene sa portion, mais seulement lorsque ce sont les puînés qui alienent.

En Normandie, la vente de la portion aînée ne fait point cesser le parage ; ce n’est que quand la portion d’un puîné est aliénée à un étranger non parager, ni descendant de parager.

Cette même coutume donne trois moyens pour faire rentrer en parage la portion puînée qui a été aliénée à un étranger.

Le premier est quand la portion vendue est retirée par un parager ou descendant d’un parager étant encore dans le sixieme degré.

Le deuxieme & le troisieme sont quand le vendeur rentre dans son héritage, soit en faisant annuller la vente, soit en vertu d’une clause apposée au contrat.

Dans les autres coutumes où le parage finit à un certain degré, on peut le faire revivre par les mêmes moyens, pourvu, dans le cas du retrait, que le retrayant soit encore dans le degré du parage.

La coutume de Tours veut de plus que le retrayant soit l’héritier présomptif du vendeur.

En Poitou, la vente de la portion chemiere fait finir le parage, quand même elle seroit faite à un parent, & à un paraguer. Pour conserver le parage, il faut que la chose vienne à titre successif, ou autre titre équipollent, tel que le don en directe.

Dans les coutumes qui n’ont pas prévu ce cas, il paroît équitable de suivre la disposition des coutumes d’Anjou & Maine, où le sort des puinés ne dépend point du fait de l’aîné.

L’aliénation de la part d’un des puînés fait bien finir le parage à son égard ; mais elle n’empêche pas que les autres puînés ne demeurent en parage jusqu’au terme marqué par les coutumes.

L’acquéreur à l’égard duquel le parage est fini, doit faire la foi à l’aîné, & lui payer les droits. La coutume de Poitou veut qu’il appelle le seigneur dominant de la totalité du fief pour lui voir faire la foi ; s’il ne le fait pas, le parage n’en est pas moins fini ; mais le seigneur dominant, en cas de mutation de la part du chemier, leveroit les droits en entier, comme si le parage subsistoit encore.

Suivant l’art. 140 de la coutume de Poitou, quand le puîné vend sa portion, l’aîné la peut avoir pour le prix, ou en avoir les ventes & honneurs.

Quand le chemier meurt laissant plusieurs enfans fils ou filles, l’aîné, ou aînée, s’il n’y a que filles, succede au droit de chemerage.

Il y a quelques grandes maisons d’Allemagne qui ont emprunté des François l’usage de parage, & qui le pratiquent depuis plusieurs siecles. L’empereur Rupert de Baviere donna à son fils aîné le cercle électoral par préciput, & voulut qu’il partageât encore également le reste des terres avec ses trois autres freres. Jean-George I. du nom, imita cet exemple, & voulut que ses quatre fils partageassent de la même maniere.

Dans le même pays il y des seigneurs qui, par le parage, ont seulement le domaine de la terre, sans en avoir la souveraineté ; d’autres en ont la souveraineté aussi-bien que le domaine, comme dans la maison de Saxe ; mais ils n’ont pas pour cela droit de suffrage dans les cercles & dans les dietes générales de l’empire. D’autres ont ce droit avec tous les