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en public : ne domos pantomimorum senator introïret, ne egredientes in publicum equites romani cingerent. Tacit. Annal. l. I. Ce decret prouve assez que les professions chéries dans les Pays de luxe sont bien-tôt honorées, & que le préjugé ne tient pas contre le plaisir.

L’extrème passion que le peuple & les personnes du plus haut rang avoient pour ce spectacle, donna lieu de tramer des cabales pour faire applaudir les uns plûtôt que les autres, & ces cabales devinrent des factions. Il arriva que les pantomimes prirent des livrées différentes, à l’imitation de ceux qui conduisoient les chariots dans les courses du cirque. Les uns s’appellerent les bleus, & les autres les verts, &c. Le peuple se partagea donc aussi de son côté, & toutes les factions du cirque, dont il est parlé si souvent dans l’histoire romaine, épouserent des troupes de pantomimes.

Ces factions dégénéroient quelquefois en partis aussi échauffés les uns contre les autres, que les Guelfes & les Gibelins peuvent l’avoir été sous les empereurs d’Allemagne. Il falloit avoir recours à un expédient triste pour le gouvernement, qui ne cherchoit que les moyens d’amuser le peuple, en lui fournissant du pain, & en lui donnant des spectacles ; mais cet expédient devenu nécessaire, étoit de faire sortir de Rome tous les pantomimes.

Cependant les écoles de Pylade & de Bathylle subsisterent toujours, conduites par leurs éleves, dont la succession ne fut point interrompue. Rome étoit pleine de professeurs qui enseignoient cet art à une foule de disciples, & qui trouvoient des théâtres dans toutes les maisons. Non-seulement les femmes les recherchoient pour leurs jeux, mais encore par des motifs d’une passion effrénée : illis fæminæ, simulque viri, animas & corpora substituunt, dit Tertullien. La plûpart des passages des Poëtes sont tels sur ce sujet, qu’on n’ose même les citer en latin. Galien ayant été appellé pour voir une femme de condition attaquée d’une maladie extraordinaire, il découvrit par les altérations qui survinrent dans la malade, quand on parla d’un certain pantomime devant elle, que son mal venoit uniquement de la passion qu’elle avoit conçue pour lui.

Il est vrai que les pantomimes furent chassés de Rome sous Tibere, sous Néron, & sous quelques-autres empereurs, mais leur exil ne duroit pas longtems : la politique qui les avoit chassés, les rappelloit bien-tôt pour plaire au peuple, ou pour faire diversion à des factions plus à craindre pour l’empire. Domitien, par exemple, les ayant chassés, Néron les fit revenir, & Trajan les chassa encore. Il arrivoit même que le peuple, fatigué de ses propres désordres, demandoit l’expulsion des pantomimes ; mais il demandoit bien-tôt leur rappel avec plus d’ardeur.

Ce qui acheve de prouver à quel point leur nombre s’augmenta, & combien les Romains les croyoient nécessaires, est ce qu’on lit dans Ammien Marcellin, l’an cxc. Rome étant menacée de la famine, on prit la précaution d’en faire sortir tous les étrangers, ceux-mêmes qui professoient les arts libéraux ; mais on laissa tranquilles les gens de théâtre, & il resta dans la ville trois mille danseuses, & autant d’hommes qui jouoient dans les chœurs, sans compter les comédiens : les Historiens assurent que ce nombre prodigieux augmenta encore dans la suite.

Il est aisé de juger que l’ardeur des Romains pour les jeux des pantomimes dut leur faire négliger la bonne comédie. En effet, on vit depuis le vrai genre dramatique décheoir insensiblement, & bien-tôt il fut presque absolument oublié. Cette nation guerriere qui s’étoit vouée au dieu Mars, & qui avoit méprisé les arts & les sciences, perdit avec la liberté toute son ancienne vertu. Les Romains ayant long-tems méconnu ce qu’il y avoit de plus naturel & de plus

agréable dans les occupations de l’ame, n’en acquirent que de plus grandes dispositions à passer à des excès opposés. Aussi ne doit-on pas s’étonner, si sentant trop tard la nécessité des beaux-arts, les erreurs de leur esprit s’opposerent souvent à la distinction exacte qu’ils auroient dû faire des expressions les plus essentielles, les plus vraies, & les plus heureuses, d’avec celles qui ne pourroient avoir le même avantage. Cette ignorance de la délicatesse du sentiment, fit sans doute la réputation des pantomimes.

On négligea les expressions de l’organe de la voix, pour ne s’appliquer qu’à celles que pouvoient rendre les mouvemens & les gestes du corps. Ces expressions qui ne pouvoient admettre toutes les nuances de celles des sons, & avec lesquelles on n’eût jamais inventé les sciences spéculatives, firent sous les empereurs une partie de l’éducation de la jeunesse romaine. Les maîtres de cet art frivole recevoient, comme je l’ai dit, des attentions très-marquées du peuple, des chevaliers, des sénateurs & des dames romaines. Les personnes les plus respectables leur rendoient des visites de devoir, & les accompagnoient par-tout. Si cette bonne fortune eut des intervalles de disgraces, ils s’en relevoient avec plus d’éclat. L’empereur Antonin s’étant apperçu que les pantomimes étoient cause qu’on négligeoit le commerce, l’éloquence, & la philosophie, voulut réduire leurs jeux à des jours marqués ; mais le peuple murmura, & il fallut lui rendre en entier ces amusemens, malgré toute l’indécence qui marchoit à leur suite. Pline le jeune loue son siecle d’avoir abandonné ce goût efféminé qui avoit tant amolli le courage du peuple romain ; mais Pline s’abusa dans ses louanges. Rome étoit trop riche, trop puissante, & trop plongée dans la mollesse, pour redevenir vertueuse ; l’art des pantomimes, qui s’étoit introduit si brillamment sous Auguste, & qui fut une des causes de la corruption des mœurs, ne finit qu’avec la destruction de l’empire.

Je me suis bien gardé de tout dire sur cette matiere, je n’en ai pris que la fleur ; mais ceux qui seront curieux de plus grands détails, peuvent lire Plutarque, Lucien, les Mémoires de littérature, l’abbé du Bos, & le traité plein d’érudition de Caliacchi, de ludis scenicis, imprimé à Padoue en 1714, in-4. Le chevalier de Jaucourt.

PANTOQUIERES, s. f. pl. (Marine.) cordes de moyenne grosseur, qui font entrelacement entre les haubans de tribord & de basbord, pour les tenir plus fermes & assurer le mât dans une tempête, surtout lorsque les rides ont molli : elles traversent les haubans d’un bord à l’autre.

PANTOUFLE, s. f.(Ouvrage de Cordonnier.) espece de soulier sans quartier, qui n’a ni garniture ni autre enrichissement ; car lorsqu’il y en a, ou qu’au-lieu d’empeigne de cuir ou de peau il y a du velours, du galon, & que le dessus est d’étoffe, on ne l’appelle plus pantoufle, mais mule (D. J.)

Pantoufle, en Chirurgie, instrument ou bandage, de l’invention de M. Petit, pour contenir le tendon d’Achille lorsqu’il est cassé. Voyez rupture du tendon d’Achille, au mot Rupture.

Cette pantoufle est de maroquin, fig. premiere, Pl. XXXII le quartier en est coupé à l’exception d’une bande de deux pouces de largeur au milieu de la partie postérieure. A ce bout de quartier est cousue une courroie de cuir de roussi d’environ quinze lignes de largeur, & de longueur convenable pour s’attacher à la jarretiere.

La jarretiere, fig. 2. est d’une seule piece, mais elle forme deux circulaires de quatre travers de doigt chacun. L’un est pour entourer la partie inférieure de la cuisse ; & l’autre la partie supérieure de la jambe. Chaque circulaire porte extérieurement à une de ses extrémités deux boucles, & est terminé