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encroise par portée à cet endroit, ce qui se fait en prenant à la fois les seize brins, & les passant dessus puis dessous les chevilles de l’encroix d’en-bas, & revenant sur ses pas de maniere qu’il passe ces seize brins dessus puis dessous les mêmes chevilles ; il remonte en tournant la manivelle en sens contraire, c’est-à-dire, qu’il tourne à présent de gauche à droite ; il remonte jusqu’en haut où étant arrivé, il encroise de nouveau par deux brins comme la premiere fois, & voilà ce qu’on appelle portée ; on voit que par cette opération il y a trente-deux brins sur l’ourdissoir, c’est ce qui constitue une portée, & que pour faire une piece de vingt portées, il faut vingt descentes & vingt remontées, ce qui formera les six cens quarante brins requis, en multipliant trente-deux par vingt. Si l’on vouloit qu’il y eût une demi-portée avec un nombre de portées complettes, on comprend assez que pour lors, il ne faudroit qu’arrêter au bas de la derniere descente : pour savoir si on a le nombre de portées que l’on souhaite, on les peut compter sur l’encroix d’en bas, en amenant la totalité auprès des boutons des chevilles de l’encroix, & les repoussant une à une dans le fond, ce qui se fait aisément, puisque chaque demi-portée se distingue de sa voisine, parce qu’ayant été encroisée en totalité, c’est-à-dire, les seize brins à la fois, & tournée dessus une cheville puis sous l’autre, ensuite sur cette derniere & sous la premiere, comme il a été déja dit dans cet article, ce sont les doigts index des deux mains qui font cette opération en les amenant un peu à soi ; ils attirent un peu en-devant toutes les portées, on lâche l’un ou l’autre de ces deux doigts, mais non pas tous deux à la fois ; il se détache par ce moyen une demi-portée qui est reçue sur le doigt mitoyen de la main vacante qui s’introduit entr’elle & toutes les autres, puis donnant le même mouvement avec l’index de cette même main, l’autre demi-portée est de même reçue sur le mitoyen de l’autre main. Voilà donc ces deux doigts introduits entre une portée entiere & la totalité des autres, cette portée est poussée au fond des chevilles par le dos de ces deux doigts, & ainsi des autres jusqu’au bout. Lorsqu’on veut ourdir de plusieurs couleurs à côté les unes des autres pour faire du ruban rayé, il n’y a pour cela qu’à changer les seize rochets de la premiere & y en substituer un autre nombre de différente couleur, & cela pour autant de portées que l’on voudra, puis reprendre encore les premiers ou même d’autres encore de différentes couleurs, prenant garde d’observer l’égalité des couleurs dans les distances des rayeures, c’est à-dire qu’il y ait pareille quantité d’une couleur à un bord qu’à l’autre, le contraire étant dérangeroit la symmétrie, à-moins qu’on ne voulût faire du ruban appellé boiteux, voyez Boiteux. Pour les ouvrages nuancés, c’est-à-dire dont la couleur va en diminuant par gradation, il ne s’agit que de mettre à la banque les deux rochets de la couleur la plus foncée de celle que l’on traite, par exemple, la couleur de rose ; les deux rochets seront presque de couleur de cerise ou au moins de couleur de rose foncée ; les deux autres rochets seront de couleur de rose tant soit peu plus clair, les deux suivans encore un peu plus clair que les derniers & toujours de même, jusqu’à deux rochets qui se trouveront être de couleur de chair, étant encroisés deux à deux, comme il a été dit plus haut ; ces différentes nuances se trouveront distinguées chacune à leur place dans le fil de l’encroix. Après que la piece quelle qu’elle soit a été ainsi ourdie ; il est question de se préparer pour l’ôter de dessus l’ourdissoir, voici comme il faut s’y prendre pour y parvenir ; il faut commencer par passer le bout d’un fil (pendant que l’on tient l’au-

tre dans la main), à travers le premier vuide que

laissent entr’elles les soies sur les chevilles de l’encroix, puis ramenant ce bout de fil par-devant, après qu’il a passé par le second vuide des mêmes chevilles ; ce bout est noué avec celui qui étoit resté dans la main, ce nœud doit être exactement fait pour n’être point sujet à se dénouer ou à se casser, ce qui perdroit totalement tout ce qui vient d’être fait, puisque le tout se confondroit pêle-mêle, & deviendroit impossible à débrouiller ; ce fil conserve les soies dans le même arrangement où elles étoient sur les chevilles de l’encroix, il doit être un peu long ; cette longueur lui est nécessaire pour pouvoir débrouiller chaque brin qui est à présent composé de deux (puisqu’il a été ainsi encroisé) pour le pouvoir passer dans les lisses & ensuite dans le peigne chacun à sa place & dans l’ordre de l’ourdissage. Ce qui vient d’être fait à l’encroix d’en-haut doit être fait aussi à l’encroix d’en-bas, où l’on a encroisé par demi-portée, ce qui distinguera encore chaque portée pour pouvoir être mise chacune à part dans les dents de l’escalette, lorsqu’il s’agira de ployer la piece en large pour la mettre sur le métier, voyez Ployoir ; ce bout de fil est d’une telle conséquence, qu’il y a quantité d’ourdisseurs qui encroisent par deux, en-bas comme en-haut, afin que si par malheur un des deux fils d’encroix venoit à se rompre, on pût avoir recours à l’autre en retournant la piece, étant sûrs de recouvrer cet encroix à l’autre bout, précaution louable & qui devroit être généralement suivie ; étant assuré par ce moyen de la solidité de ces encroix, il faut ôter cette piece de dessus l’ourdissoir ; si les deux encroix sont encroisés par deux, il n’importera par lequel bout commencer ; mais si l’un étoit par portée, il faudroit commencer par l’autre, c’est-à-dire par celui qui est encroisé par deux, afin que le bout encroisé par portées se trouvât sur le billot où le tout va être mis, & qui se trouvera par ce moyen dessus lorsqu’il faudra plier la piece en large ; ce bout quel qu’il soit par lequel on veut commencer, est dépassé de dessus les chevilles de l’encroix, & passé au moyen de plusieurs tours qu’on lui fait faire à l’entour du billot, dont on tient les deux bouts dans les deux paumes des mains, en le faisant tourner entre elles par le moyen des pouces qui posent sur les bords ; il tourne de dedans en-dehors, en enroulant avec lui la piece contenue sur l’ourdissoir ; mais cet ourdissoir libre déroulera trop vîte & fera relever trop lâche, il y a plusieurs moyens pour obvier à cet inconvénient ; premierement, lorsque l’ourdissoir a un plancher ; après avoir dépassé la corde de dessus la grande poulie d’en-bas, on attache au moyen d’un petit clou qui est sur le bord de cette poulie, une boîte remplie de ferrailles ou de pierres, laquelle boîte s’appelle charrette ; cette charge qui est à plat sur le plancher dont on parle, & qu’il faut que l’ourdissoir fasse tourner avec lui le fait aller doucement, & il ne cede que conséquemment au tirage du billot ; si ce plancher n’y étoit pas, ainsi qu’à beaucoup d’ourdissoirs où il manque, il faut en ce cas approcher le pié gauche & le poser de façon qu’il puisse recevoir sur le bout l’extrémité de chaque aîle du moulin, on est maître par-là de diriger le mouvement de ce moulin, ou même de l’arrêter tout-à-fait lorsqu’il est nécessaire. J’ai parlé plus haut du banc à ourdir, il y a beaucoup d’ourdissoirs où cette partie manque, pour éviter, disent ceux qui n’en veulent pas, l’embarras qu’il cause n’y ayant jamais trop de place pour tout ce métier, pour lors il faut y suppléer en faisant tourner ce moulin par l’impulsion de la main gauche contre l’aîle du moulin où elle le rencontre ; il suffit d’une chaise pour être assis auprès de l’ourdissoir, il