Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/707

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

posé un couvercle composé de plusieurs pieces d’assemblages, qui a le même usage que le panneau d’un soufflet, & chaque couvercle est formé avec un tel artifice qu’en s’écartant l’un de l’autre, ils se voutent en-dehors pour augmenter la capacité de la bouche, tandis qu’une de leurs pieces qui joue sur une espece de genou, tient fermées les ouvertures des ouies, & ne les ouvre que pour donner passage à l’eau que l’animal a respiré, ce qui se fait dans le tems que le couvercle s’abat & se resserre : il y a deux muscles qui servent à soulever le couvercle, & trois qui servent à l’abattre & à le resserrer. On vient de dire que l’assemblage qui compose la charpente des couvercles, les rend capables de se vouter en dehors ; il ne reste plus que deux circonstances à ajouter : la premiere est que la partie de ce couvercle, qui aide à former le dessous de la gorge, est plié en éventail sur de petites lames d’os, pour servir, en se déployant, à la dilatation de la gorge dans l’inspiration de l’eau : la seconde, que chaque couvercle est revétu par-dehors & par-dedans d’une peau qui lui est fort adhérente. Ces deux peaux s’unissant ensemble, se prolongent au-delà de la circonférence du couvercle d’environ deux à trois lignes, & vont toujours en diminuant d’épaisseur. Ce prolongement est beaucoup plus ample vers la gorge que vers le haut de la tête. Il est extremément souple pour s’appliquer plus exactement à l’ouverture sur laquelle il porte, & pour la tenir fermée au premier moment de la dilatation de la bouche pour la respiration.

L’artere qui sort du cœur se dilate de telle maniere, qu’elle en couvre toute la base. Ensuite se rétrécissant peu-à-peu, elle forme une espece de cone ; à l’endroit où elle est ainsi dilatée, elle est garnie en-dedans de plusieurs colomnes charnues qu’on peut considérer comme autant de muscles qui font de cet endroit de l’aorte un second cœur, ou du moins comme un second ventricule, lequel joignant sa compression à celle du cœur, double la force nécessaire à la distribution du sang pour la circulation. Cette artere montant par l’intervalle que les ouies laissent entr’elles, jettent vis-à-vis de chaque paire de côtes de chaque côté une grosse branche qui est couchée dans la gouttiere creusée sur la surface extérieure de chaque côte, & qui s’étend le long de cette gouttiere d’une extrémité à l’autre du feuillet : voilà tout le cours de l’aorte dans ce genre d’animaux ; l’aorte, qui dans les autres animaux porte le sang du centre à la circonférence de tout le corps, ne parcourt de chemin dans ceux-ci que depuis le cœur jusqu’à l’extrémité des ouies, où elle finit. Cette branche fournit autant de rameaux qu’il y a de lames sur l’un & sur l’autre bord de la côte ; la grosse branche se termine à l’extrémité de la côte, & les rameaux finissent à l’extrémité des lames, auxquelles chacun d’eux se distribue. Pour peu que l’on soit instruit de la circulation & des vaisseaux qui y servent, on sera en peine de savoir par quels autres vaisseaux on a trouvé un expédient pour animer & nourrir tout le corps, depuis le bout d’en bas des ouies jusqu’à l’extrémité de la queue : cet expédient paroîtra clairement, dès qu’on aura conduit le sang jusqu’à l’extrémité des ouies. Chaque rameau d’arteres monte le long du bord intérieur de chaque lames des deux feuillets posée sur chaque côte ; c’est-à-dire, le long des deux tranchans des lames qui se regardent. Ces deux rameaux s’abouchent au milieu de leur longueur ; & continuant leur route, parviennent à la pointe de chaque lame. Là chaque rameau de l’extrémité de l’artere trouve l’embouchure d’une veine ; & ces deux embouchures, appliquées l’une à l’autre immédiatement, ne faisant qu’un même canal, malgré la différente consistance

des deux vaisseaux, la veine s’abat sur le tranchant extérieur de chaque lame, & parvenue au bas de la lame, elle verse son sang dans un gros vaisseau véneux, couché près de la branche d’artere dans toute l’étendue de la gouttiere de la côte ; mais ce n’est pas seulement par cet abouchement immédiat des deux extrémités de l’artere & de la veine, que l’artere se décharge dans la veine ; c’est encore par toute sa route : c’est ainsi donc que le rameau d’arteres dressé sur le tranchant de chaque lame, jette dans toute sa route sur le plat de chaque lame de part & d’autre une multitude infinie de vaisseaux, qui, partant deux à deux de ces rameaux, l’un d’un côté & l’autre de l’autre, chacun de son côté va droit à la veine, qui descend sur le tranchant opposé de la lame, & s’y abouche par un contact immédiat. Dans ce genre d’animaux le sang passe donc des arteres de leur poumon dans leurs veines d’un bout à l’autre. Les arteres y sont de vraies arteres, & par leur corps, & par leur fonction de porter le sang. Les veines y sont de vraies veines, & par leur fonction de recevoir le sang des arteres, & par la délicatesse extrème de leur consistance. Il n’y a jusque-là rien qui ne soit dans l’économie ordinaire. Mais ce qu’il y a de singulier, c’est l’abouchement immédiat des arteres avec les veines, qui se trouve à la vérité dans les poumons d’autres animaux, sur-tout dans ceux des grenouilles & des tortues ; mais qui n’est pas si manifeste que dans les ouies des poissons. Voyez la régularité de la distribution qui rend cet abouchement plus visible dans ce genre d’animaux ; car toutes les branches d’arteres montant le long des lames dressées sur les côtes, sont aussi droites & aussi également distantes l’une de l’autre que les lames, & en général la direction & les intervalles des vaisseaux tant montant que descendant, est aussi réguliere que s’ils avoient été dressés à la régle & espacés au compas ; on les suit à l’œil & au microscope. Cette distribution est fort singuliere, ce qui suit l’est encore davantage. On est en peine, avons-nous dit, de la distribution du sang, pour la nourriture & la vie des autres parties du corps de ces animaux. Nous avons conduit le sang du cœur par les arteres du poumon dans les veines du poumon ; le cœur ne jettant point d’autres arteres que celles du poumon, que deviendront les autres parties, le cerveau, les organes des sens, & tout le reste du corps ? Ce qui suit le fera voir. Ces troncs de veines pleins de sang artériel, sortant de chaque côté par leurs extrémités qui regardent la base du crâne, prennent la consistance & l’épaisseur d’artere, & viennent se réunir deux à deux de chaque. Celle de la premiere côte fournit avant sa réunion des branches qui distribuent le sang aux organes des sens, au cerveau & aux parties voisines, & fait par ce moyen les fonctions qui appartiennent à l’aorte ascendante dans les animaux à quatre piés ; ensuite elle se rejoint à celle de la seconde côte, & ces deux ensemble ne sont plus qu’un tronc, lequel coulant le long de la base du crâne, reçoit encore de chaque côté une autre branche formée par la réunion des veines de la troisieme & quatrieme paires de côte, & tout ensemble ne font plus qu’un tronc. Après cela ce tronc, dont toutes les racines étoient veines dans le poumon, devenant artere par sa tunique & par son office, continue son cours le long des vertébres en distribuant le sang artériel à toutes les autres parties, fait la fonction d’aorte descendante, & le sang artériel est distribué également par ce moyen à toutes les parties, pour les nourrir & les animer, & il rencontre par-tout des racines de veines, qui reprennent le résidu, & le portent par plusieurs troncs formés de l’union de toutes ces racines, au réservoir commun, qui doit