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tres ajoutent que ce que les magiciens & les prêtres des temples des mânes évoquoient n’étoit proprement ni le corps ni l’ame des défunts, mais quelque chose qui tenoit le milieu entre le corps & l’ame, que les Grecs appelloient εἴδωλον, les Latins simulacrum, imago, umbra tenuis. Ainsi quand Patrocle prie Achille de le faire enterrer, c’est afin que les images légeres des morts, εἴδωλα καμόντων, ne l’empêchent pas de passer le fleuve fatal. Ce n’étoient ni l’ame ni le corps qui descendoient dans les champs Elysées, mais ces idoles. Ulysse voit l’ombre d’Hercule dans les champs Elysées, pendant que ce héros est lui-même dans l’olympe avec les dieux immortels. Delrio, lib. IV. pag. 540 & 542. Mém. de l’acad. des Belles-Lettres, tom. VII. pag. 30.

Delrio remarque encore qu’on entend de la nécromancie ce passage du Psalmiste, pseaume cv. v. 28. comederunt sacrificia mortuorum. Un auteur moderne en tire l’origine de cette espece de divination. Nous transcrirons ce qu’il en dit de principal, en renvoyant pour le reste le lecteur à l’histoire du ciel, tome premier, pag. 492, 494, &c.

« Dans les anciennes cérémonies des funérailles, dit M. Pluche, on s’assembloit sur un lieu élevé & remarquable. On y faisoit une petite fosse pour consumer par le feu les entrailles des victimes. On faisoit couler le sang dans la même fosse. Une partie des chairs étoit présentée aux ministres des sacrifices. On faisoit cuire & on mangeoit le reste des chairs immolées en s’asseyant autour du foyer. Dans le paganisme, tout ce cérémonial s’augmenta, & fut surchargé d’une infinité de cérémonies dans toutes les fêtes de religion ; mais pour les assemblées mortuaires rien n’y changea. Les familles, en enterrant leurs morts, étoient accoutumées à une rubrique commune qui se perpétua. On continua dans le sacrifice des funérailles à faire une fosse, à y verser du vin, de l’huile, ou du miel, ou du lait, ou d’autres liqueurs d’usage, à y faire couler ensuite le sang des victimes, & à les manger ensemble en s’asseyant autour de la fosse, & en s’entretenant des vertus de celui qu’on regrettoit.

» La facilité étrange avec laquelle on divinisoit les moindres parties de l’univers, donne lieu de concevoir comment on prit l’habitude d’adresser des prieres, des vœux, & un culte religieux à des morts qu’on avoit aimés, dont on célébroit les louanges, & qu’on croyoit jouir des lumieres les plus pures après s’être dépouillés avec le corps des foiblesses de l’humanité. Tous les peuples, en sacrifiant soit aux dieux qu’ils s’étoient faits, soit aux morts dont la mémoire leur étoit chere, croyoient faire alliance avec eux, s’entretenir avec eux, manger avec eux familierement. Mais cette familiarité les occupoit sur-tout dans les assemblées mortuaires, où ils étoient encore pleins du souvenir des personnes qu’ils avoient tendrement aimées, & qu’ils croyoient toûjours sensibles aux intérêts de leur famille & de leur patrie.

» La persuasion où l’on étoit que par les sacrifices on consultoit les dieux, on les interrogeoit sur l’avenir, entraîna celle que dans les sacrifices des funérailles on consultoit aussi les morts. Les cérémonies de ces sacrifices mortuaires, quoiqu’elles ne fussent que la simple pratique des assemblées des premiers tems, se trouvant en tout point différentes de celles qu’on observoit dans les autres fêtes, parurent être autant de façons particulieres de converser avec les morts, & d’obtenir d’eux les connoissances qu’on desiroit. Qui pouvoit douter, par exemple, que ce ne fût pour converser familierement avec ses anciens amis, qu’on s’asseyoit autour de la fosse, où l’on avoit

jetté l’huile, la farine, & le sang de la victime immolée en leur honneur ? Pouvoit-on douter que cette fosse, si différente des autels élevés vers le ciel, ne fût une cérémonie convenable & particulierement affectée aux morts ? Après le repas pris en commun & auquel on supposoit que les ames participoient, venoit l’interrogation ou l’évocation particuliere de l’ame pour qui étoit le sacrifice, & qui devoit s’expliquer : mais comment s’expliquoit-elle ?

» Les prêtres, continue le même auteur, parvinrent aisément à entendre les morts & à être leurs interpretes. Ils en firent un art dont l’article le plus nécessaire, comme le plus conforme à l’état des morts, étoient le silence & les ténebres. Ils se retiroient dans des antres profonds, ils jeûnoient & se couchoient sur des peaux des bêtes immolées, de cette maniere & de plusieurs autres, ils s’imaginoient apprendre de la bouche même des morts les choses cachées ou futures ; & ces folles pratiques répandirent par-tout cette folle persuasion qui s’entretient encore parmi le peuple, qu’on peut converser avec les morts, & qu’ils viennent souvent nous donner des avis : & de-là la nécromancie, mot tiré du grec, & formé de νεκρὸς, un mort, & de μαντεία, divination.

» C’est ainsi, conclut le même auteur, que l’opinion des hommes sur les morts & sur les réponses qu’on en peut recevoir, ne sont qu’une interprétation littérale & grossiere qu’on a donnée à des signes très-simples, & à des cérémonies encore plus simples qui tendoient à s’acquitter des derniers devoirs envers les morts ». Hist. du ciel, tome premier, pag. 492, 494, 495, 496, 498, 500 & 502. (G)

NÉCROPOLIS, (Géog. anc.) c’est-à-dire, la ville des cadavres. Ce nom, selon Strabon, liv. XVII. fut donné à une espece de fauxbourg de la ville d’Alexandrie en Egypte. Il y avoit dans cet endroit quantité de tombeaux & de maisons, où l’on trouvoit les choses propres pour embaumer les corps morts.

NÉCROPYLA sinus, (Géog. anc.) golfe qui borde à l’occident la Chersonnèse taurique, dans la côte septentrionale du Pont-Euxin ; le Boristhène, le Bogu, & le Damastris s’y jettent.

NECROSE, s. f. en Médecine, mortification complette de quelque partie. C’est la même chose que sidération & sphacele. Voyez Gangrene & Sphacele.

Ce mot est tout grec, νεϰρῶσις, qui signifie mortification, parce que la partie sphacelée est corrompue & privée de vie. (Y)

NÉCROTHALASSA, (Géog. anc.) golfe ou port que la mer fait sur la côte de l’île de Corfou, du côté de l’ouest, dans la vallée des Saints. Ce port étoit autrefois fort profond, & capable de contenir 200 galeres ; mais à-présent il est rempli de sable, & par conséquent inutile. Son nom grec Nécrotalassa, qui veut dire mer-morte, lui convient parfaitement, car il ne sert plus que d’étang où l’on tient quantité de poisson.

NECTAR, s. m. (Mythol.) c’est la boisson des dieux, quoiqu’en dise Sapho, qui la prend pour le manger de la cour céleste ; mais Homere mieux instruit sur ce sujet que la muse de Lesbos, fait toujours du nectar le breuvage des déités. Il donne d’ordinaire l’épithete de rouge à celui que Ganymede versoit au maître du tonnerre. Hébé en servoit aux autres divinités. Festus l’appelle murrhina potio ; il falloit bien que ce fût un breuvage délicieux, car ce mot a été ensuite employé métaphoriquement par les Poëtes de toutes les nations, pour désigner les plus excellentes liqueurs. Quand on faisoit à Rome l’apothéose