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par Henri Etienne, sous le nom de Poesis philosophica. Il faut lire aussi au sujet d’Orphée la Dissertation d’André-Christien Eschenbach, intitulée Epignesis de poesi, ac philosophiâ orphicâ, & imprimée à Nuremberg en 1702, in-4°.

Le célebre Cudworth dans son ouvrage anglois du système intellectuel, a de son côté traité assez au long & fort bien tout ce qui regarde Orphée ; voyez enfin le Recueil de l’acad. des Inscript. tom. X. & XVI. in-4°.

Je n’ignore pas que quelques littérateurs ont révoqué en doute, si Orphée a jamais existé. Pour moi je n’imagine pas comment Pindare, Euripide, Aristophane, Platon, tous écrivains d’une autorité respectable, auxquels je puis ajouter Isocrate, Pausanias, & plusieurs autres s’accordent à citer un poëte, un auteur de religion, un fondateur de secte ; & que ce poëte, cet auteur de religion, ce fondateur de secte, soit un personnage imaginaire. Hérodote après Homere & Hésiode, nous parle d’Orphée comme d’un personnage très-réel. Diodore nous apprend qu’il voyagea en Egypte, qu’il en apporta dans la Grece tout ce qui l’y rendit si fameux dans la suite, la théologie, la poësie, la musique ; & que sur le plan des mysteres égyptiens d’Isis & d’Osiris, il institua à Athenes les orgies de Bacchus & de Cérès, connues sous le nom de dyonysiaques & d’éléusiennes. Pythagore fait mention des ouvrages d’Orphée. Epigenes que Pline cite avec éloge, Epigenes entre autres les avoit lus ; tous les anciens enfin attestent d’une voix unanime qu’Orphée a existé.

Aristote seroit peut-être le seul qui en eût fait un personnage imaginaire, s’il falloit prendre au sens littéral ce passage de Cicéron : Orpheum poetam docet Aristoteles nunquam fuisse. Mais outre que l’autorité d’Aristote ne peut rien ici contre une foule de témoins dont la plûpart lui sont antérieurs ; le même Aristote, dans un de ses ouvrages qui s’est perdu, reconnoissoit qu’il avoit existé un Orphée. Ainsi, lorsqu’il l’a nié quelque part (car Cicéron ne cite point l’ouvrage), il faut l’entendre, non dans un sens absolu, mais en ce sens qu’il n’y eut jamais d’Orphée, tel que les Poëtes l’ont représenté, traînant après lui les arbres & les rochers, & pénétrant jusqu’aux enfers, à la faveur de ses chants harmonieux. Le chevalier de Jaucourt.

ORPHELIN, s. m. (Gramm. & Antiq. greq.) enfant mineur qui a perdu son pere & sa mere. On prenoit un soin particulier des orphelins dans plusieurs villes de Grece, mais sur-tout à Athènes, tant que cet état fut bien gouverné. Les enfans dont les peres avoient été tués à la guerre étoient élevés aux dépens du public, jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus à l’adolescence, alors on les produisoit sur le théâtre pendant les fêtes de Bacchus ; & après leur avoir donné une armure complette, on les renvoyoit dans leurs maisons. Eschine nous a conservé la belle formule dont le héraut se servoit pour les congédier : paroissant avec eux sur la scene, il disoit à haute voix : « Que ces jeunes orphelins, à qui une mort prématurée avoit ravi au milieu des hasards leurs peres illustrés par des exploits guerriers, ont retrouvé dans le peuple un pere qui a pris soin d’eux jusqu’à la fin de leur enfance ; que maintenant il les renvoie armés de pié en cap, pour vaquer sous d’heureux auspices à leurs affaires, & les convie de mériter chacun à l’envi les premieres places de la république ». On n’a point imité dans nos gouvernemens modernes de si nobles institutions politiques. (D. J.)

ORPHEOTÉLISTE, s. m. (Antiq. greq.) les Grecs nommoient orphéotelistes, ὀρφεοτελεσται, ceux qui étoient initiés aux mysteres d’Orphée. On leur promettoit le bonheur après la mort, & cependant

on ne requéroit d’eux presqu’autre chose que le serment du secret. Potter, Archæol. græc. tome I. page 497. (D. J.)

ORPHIES, terme de Pêche, espece de poisson ; voici la maniere d’en faire la pêche à la ligne & à pié.

On plante deux ou trois hautes perches de 15 à 18 piés, le plus à la basse eau qu’il est possible, éloignées les unes des autres à volonté, selon la longueur de la tissure qu’on veut former. Il faut que ces perches soient unies & sans aucun nœud.

On prend une ligne un peu forte, de la nature des appelets, que l’on nomme petites cordes. On y met de distance en distance des piles ou empiles éloignées les unes des autres environ de demi-brasse, avec un ain à orphies, semblable à ceux dont se servent les pêcheurs bas Normands, qui font la pêche des mêmes poissons passagers, à la ligne flottante avec appât de vers marins. On peut aussi employer des piles roulantes ; on les frappe sur un petit morceau de bois, tel qu’on le voit ici Encyclopedie-11-p662-orphies.PNG percé par le milieu, large d’un pouce au plus, arrondi par un bout, & de l’autre venant en pointe émoussée où la pille est amarrée. La grosse ligne passe au-travers du trou, ce qui rend les pilles volages, libres & plus à la portée des orphies qui sont toujours à fleur d’eau ; d’espace en espace on frappe sur la grosse ligne, quelques fortes flottes de liege pour la soutenir élevée : à chaque bout de cette ligne, il y a un organeau fait de bois tors, bien uni, ou à sa place un morceau de bois troué, & pareillement bien uni & beaucoup plus ouvert que de la grosseur de la perche sur laquelle cet organeau sera passé, de maniere qu’elle y soit libre. Quand la marée commence à monter, on frappera les deux bouts de la ligne sur les organeaux des perches ; la ligne se levera avec le flot, & les piles qui seront garnies chacune d’un petit corseron de liege, flotteront à fleur d’eau, comme les lignes flottantes. Les orphies qui n’approchent de la côte que de pleine mer, se prendront de même que celles qui se pêchent avec bateau. Les pêcheurs viennent à la basse eau relever leurs lignes, & détacher le poisson qui a mordu aux hameçons.

Les ophilieres de pié peuvent se tendre de la même maniere, avec cet avantage qu’elles ne se déchireront pas. La manœuvre de cette pêche est représentée dans nos Planches de Pêche.

ORPHILIERES ou HARANGUIERES, terme de Pêche, filets ainsi nommés, parce qu’ils servent également à la pêche des orphies & des harengs.

La maille de l’orphiliere est composée d’un fil très fin & non retors. Elle n’a que douze lignes au plus en quarré. Le rêt est flotté, plombe & pêche a la dérive, comme les manets à maquereaux, dont on prend aussi quelques-uns à l’orphiliere, mais petits, & de ceux que les Normands appellent sansonnets, & les Picards roblots.

On pêche encore les orphies, que les Bretons nomment éguillettes, au feu & pendant la nuit, avec le dard ou la fouanne.

Pour cette pêche, qui dure depuis le mois de Mars jusqu’au mois de Juin, plus ou moins, suivant l’établissement & l’exposition des côtes que le poisson vient ranger, les pêcheurs se mettent la nuit quatre dans un bateau ; il y en a un placé à l’avant, avec un brandon de paille, dont l’éclat attire les orphies ; les trois autres avec leurs dards ou fouannes faites en rateaux, avec une douille de fer & un manche, les frappent. La fouanne qui sert à cette pêche, a au-moins 20 tiges ou branches corbelées de 6 pouces de haut & fort pressées. La tête du rateau n’a au plus que 13 à 14 pouces de long, & le manche est de la longueur de 8 à-12 piés. Quand les pêcheurs