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pital : il y a aussi quatre privilégiés du roi, & deux du duc d’Orléans ; mais ces privileges sont à vie, & ne donnent point qualité aux enfans : d’ailleurs ces privilegiés ne font point partie du corps de l’Orfévrerie, & n’en sont point membres ; on voit par ces privileges qu’il y a encore des moyens de parvenir à la maîtrise pour ceux qui n’ont pu l’acquérir à tems.

Quelques personnes dont les vûes pour le bien public & pour l’accroissement du commerce sont respectables & dignes des plus grandes éloges, regardent les lois d’apprentissage, du compagnonage & du chef-d’œuvre comme inutiles : ils pensent aussi qu’il est injuste de fixer le nombre des maîtres du corps de l’Orfévrerie, & de refuser place dans ce corps à des hommes d’un talent décidé, parce qu’ils n’ont point fait d’apprentissage, & qu’ils ne sont point fils de marchands : nous pensons comme eux à quelques égards, mais nous ne sommes point d’accord sur tous les points.

1°. La connoissance que nous avons de toutes les parties d’étude nécessaires pour faire un bon artiste, & dont nous avons tracé l’esquisse au mot Orfevre, nous porte à croire que huit années d’apprentissage bien employées ne sont pas trop longues pour acquérir toutes les lumieres nécessaires à cet art, sur-tout quand on reflechit qu’il ne suffit pas d’être bon théoriste, mais qu’il faut y joindre une excellente pratique ; il seroit à souhaiter seulement que tous les maîtres fussent assez habiles pour former de bons éleves : & comment parviendra-t-on à ne remplir le corps que de bons artistes, si on néglige d’éprouver leur capacité ? Quant à moi, j’ai toujours regardé le chef-d’œuvre comme une chose de premiere nécessité, & d’un intérêt essentiel au bien du corps & de l’état, à qui il importe beaucoup que l’Orfévrerie de Paris conserve sa supériorité. On peut me répondre qu’on peut apprendre sans être gêné par des lois : j’en conviens ; mais comme l’équité est la premiere regle, il faut la consulter, & voir qu’un maître qui perd son tems à montrer à un apprentif, devroit être payé trop cherement, si les lois ne lui avoient pas assigné les dernieres années de l’apprentissage, pour se dédommager sur le travail de son éleve des peines & soins qu’il lui a coûté dans ses premieres années ; & que l’ingratitude & la légereté étant très-communes chez les jeunes gens, on les verroit trop souvent, s’ils n’étoient astreints par les lois, quitter leurs maîtres aussi-tôt qu’ils sauroient quelque chose, & chercher à jouir de leurs talens, sans s’embarrasser de payer de reconnoissance ceux à qui ils doivent ce qu’ils sont.

2°. Quant aux regles du compagnonage, on n’y tient pas assez la main pour qu’on puisse se plaindre de la gêne de cette loi ; & si on l’a quelquefois mise en vigueur, très-souvent c’est parce qu’on cherchoit par tous les moyens possibles à écarter un mauvais sujet. Les bons artistes ne se plaindront jamais de cette loi ; leur intérêt personnel les engage à visiter plusieurs atteliers pour étudier tous les goûts : on ne voit ordinairement que les ignorans, les présomptueux & les indépendans chercher à la franchir.

3°. Il paroît ridicule de fixer le nombre des Orfevres à 300, &, selon les personnes que je prens la liberté de combattre, ce commerce devroit être libre & de la plus grande étendue, parce que le nombre des artistes augmentant, la nécessité d’être employés fait baisser le prix des ouvrages, établit une concurrence de bon marché qui ne peut manquer d’étendre le commerce. Leur principe est juste, & leur conséquence nécessaire : mais ce principe qui peut être vrai pour toutes les autres branches de commerce, cesse de l’être pour celle-ci, à ce que je pense. Si on envisage les sources de l’aggrandisse-

ment de l’Orfévrerie de Paris, je crois qu’il est difficile

de révoquer en doute que la sûreté du titre des matieres qu’on emploie, & l’excellence du goût des artistes françois soient la seule cause de leur grand crédit chez l’étranger, d’où il est aisé d’inférer que plus le nombre des Orfevres sera resserré, plus ils seront en état d’être veillés, & moins la réputation du poinçon de Paris sera compromise : que moins ils seront en nombre, plus ils seront en état de se faire bien payer, & par conséquent de consacrer plus de tems à l’étude, seul moyen de perpétuer le bon goût, & de l’empêcher de tomber en discrédit : il est vrai que nous sommes totalement contradictoires sur nos principes ; il n’est question que d’examiner lesquels sont les plus vrais & les plus avoués. Fouillons plus avant, & disons, que l’intérêt de l’état est que la main-d’œuvre se soutienne chere, afin que pour peu de valeur intrinseque l’artiste fasse rentrer beaucoup d’argent dans le royaume. Ce principe constant & jamais nié pourroit-il avoir lieu, si on fait baisser la main d’œuvre sur des objets dont la matiere premiere est toute valeur précieuse & indestructible ?

Un vœu que nous oserions former, & qui seroit digne & de la bonté du prince qui regne sur nous & de la sagesse de son gouvernement ; c’est qu’on réduisît presque à rien, si nous l’osons dire qu’on abolît tout entier les droits qui se prélevent sur les ouvrages de l’Orfevrerie ; l’expérience a prouvé que la chereté de ces droits est ce qui nuit le plus à l’étendue de son commerce : il seroit à souhaiter au moins que toutes les fois que l’étranger vient se fournir chez nous, il n’en payât aucun, & même qu’on lui remît ceux précédemment payés, en justifiant du transport de ces ouvrages hors du royaume.

4°. Ce seroit encore une justice d’ouvrir des portes aux artistes distingués, qui ne peuvent être admis dans le corps, parce qu’ils n’ont point fait d’apprentissage, & ne sont point fils de marchands, &c. il est, ce me semble, un bon moyen d’établir l’émulation & de couronner le talent à cet égard ; c’est d’ordonner que de tems à autre il y auroit un concours où celui dont l’ouvrage seroit jugé supérieur fût reçu gratis, admettant à ce concours apprentif, fils de maître, comme ouvrier sans qualité indistinctement ; & joignant aux gardes de l’Orfévrerie juges nés des chef-œuvres, d’autres artistes, même des mêmbres de l’académie de Peinture & de Sculpture ; ce seroit, il me semble, un bon moyen pour fermer la bouche aux gens à talens sur l’injustice des lois ; car alors leur sort seroit entre leurs mains. Ces sentimens & ces vœux sont le fruit des réflexions d’un citoyen impartial, qui proteste contre tout esprit de parti, de corps ou de compagnie : les seules vûes du bien public sont celles qui l’animent & l’engagent à mettre au jour ce qu’il regarde dans la sincérité de son cœur comme des vérités incontestables.

ORFORD, (Géog.) petite ville à marché d’Angleterre, avec titre de comté, & un havre, dans la province de Suffolk, à 24 lieues N. E. de Londres. Elle envoie deux députés au parlement. Long. 18. 54. lat. 52. 10. (D. J.)

ORFRAIE, s. f. (Hist. nat. Ornithol.) croc-pescherot, ossifrague, aigle de mer, haliœtus, aquila marina, nisus veterum. Wil. oiseau de proie qui est presque aussi gros que l’aigle doré, il a six piés neuf pouces d’envergure, & trois piés quatre pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue ; les pattes étendues n’excedent pas la queue, dont la longueur est d’un pié ; celle du bec est de quatre pouces depuis la pointe jusqu’aux coins de la bouche ; la tête & le cou sont couverts de plumes longues & étroites. Il y a entre les