Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/617

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à un corps elliptique, communique dans les cavités cellulaires de l’apophyse mastoïde, ainsi qu’avec l’air externe qu’on prend par le nez ou par la bouche. L’étui par où se fait cette communication est la trompe d’Eustachi, en partie osseuse, en partie cartilagineuse.

En conséquence de cette structure il arrive, 1°. que l’air peut entrer par le canal d’Eustachi dans ces lieux, y demeurer, s’y raréfier, en sortir, s’y renouveller, y être comprimé, & par conséquent y être ramené à la température de l’air externe. En effet, la trompe se présente tellement au canal des narines, que l’air est forcé d’y entrer, & les expériences de Cheselden prouvent que l’eau injectée, soit par les narines, soit par la bouche dans le canal d’Eustachi, passe dans les oreilles. Quand on retire son haleine, l’air y entre avec bruit, & frappe le tympan ; c’est ce que j’ai quelquefois éprouvé en nageant entre deux eaux. Duverney a vû la membrane du tympan se rompre pour avoir retenu l’air, les narines & la bouche exprès fermées.

L’air qui est reçu dans le tympan se raréfie par la chaleur, dilate la membrane du tympan vers le canal de l’ouie, & resisteroit aux tremblemens externes, ce qui engourdiroit l’ouie s’il n’étoit souvent renouvellé. De plus, il faut que l’air se renouvelle, à proprement parler, puisqu’il est constant que l’air renfermé perd peu-à-peu son ressort, & même assez vîte. L’air ne propageroit donc point les tremblemens s’il ne se renouvelloit avec tout son ressort ; c’est pourquoi, suivant Duverney, l’orifice de la trompe reçoit plutôt l’air des narines que des poumons.

Valsalva a observé qu’on devient sourd lorsque le passage à la trompe d’Eustachi est bouché. Il rapporte là-dessus deux exemples, l’un d’un gentilhomme qui perdit l’ouie par un polype qu’il avoit dans le nez, & qui s’étendoit jusqu’à la luette ; l’autre d’un paysan qui avoit un ulcere au côté gauche de la luette ; quand on y mettoit une tente trempée dans quelque remede, le patient n’entendoit rien du-tout de l’oreille gauche ; mais il recouvroit l’ouie du même côté dès qu’on tiroit la tente. Tulpius parle aussi d’une surdité & d’un tintement d’oreille causés par une tumeur au palais auprès du même canal. Derham fait mention d’un catharre qui rendoit l’ouie difficile ; mais lorsque la trompe fut débarrassée par certains mouvemens de la déglutition, ou toute autre cause, il se fit un bruit soudain qui annonça le retour de l’ouie ; tous les Médecins savent que l’esquinancie & les ulcères véroliques endommagent souvent ce sens. La nécessité de l’admission de l’air par la trompe est donc confirmée par une foule de maladies.

En conséquence de la structure dont nous avons parlé, il arrive, 2°. que les rayons sonores qui passent par les narines ou la bouche, entrent dans la conque interne de l’oreille, & suppléent ainsi à la lésion du conduit auditif ; car ceux que l’obstruction du canal auditif rend sourds ou durs à entendre, cessent de l’être quand le son est immédiatement appliqué à la trompe d’Eustachi : c’est l’expérience de Cabrole & de Fabrice ab Aquapendente.

Comme tous ces endroits sont revétus d’une membrane vasculaire, démontrée par Duverney & Ruysch, il suit, 3°. que les parties qui y sont contenues, se conservent molles, flexibles, lubréfiées, & se purgent de leurs impuretés. Effectivement le tympan se nettoie par le moyen de l’éternuëment, & les immondices sortent par le canal d’Eustachi. Morgagni, Schellammer, Naboth, ont bien des faits pour constater cette vérité ; entr’autres l’un d’eux a vû de petits globules restés dans l’oreille, sortir par la trompe en retenant son haleine. Valsalva

parle d’un abscès à l’apophyse mastoïde qui se vuida par la trompe d’Eustachi.

Telle est donc l’utilité de cette trompe, de donner passage à l’air interne, d’en communiquer les vibrations à l’organe immédiat de l’ouie, de modérer les sons trop forts, de suppléer à la lésion du conduit auditif, enfin de purger la caisse, & de fournir une issue à la mucosité qui s’y trouvera.

Boerhaave fait ici deux questions :

Le canal d’Eustachi s’ouvre-t-il par l’action de son muscle interne, en même tems que la membrane du tympan tirée par cette même action, retrécit la cavité de la conque interne ? Cela n’est pas vraissemblable ; l’action de ce muscle doit être peu de chose, car il s’attache en grande partie à l’os de la trompe, & le reste paroît incapable de plier le cartilage.

L’orifice interne du canal d’Eustachi se ferme-t-il par l’application de la valvule cartilagineuse de du Laurent & de Willis ? Non, cette valvule imaginaire a été refutée par Morgagni, qui démontre d’ailleurs que les matieres de la déglutition ne peuvent entrer dans l’oreille, parce que la trompe s’ouvre vers la communication du nez avec la bouche.

Du labyrinthe & de ses parties ; le vestibule, le limaçon, les canaux demi-circulaires. La partie la plus enfoncée de l’oreille intérieure est connue sous le nom de labyrinthe, lequel est renfermé dans l’os pierreux, & est composé de trois parties que les Anatomistes appellent le limaçon, le vestibule, & les canaux demi-circulaires. Les anciens ont donné des descriptions fausses & très-embrouillées de ces parties, dont ils n’ont point connu la structure ; mais dans celle de Duverney, de Valsalva, & de Winslow regnent l’ordre, la netteté, & l’exactitude.

Le labyrinthe est tapissé d’un périoste très-fin ; ce sont apparemment des expansions membraneuses de ce périoste mal observées, dont Valsalva a fait ses zones sonores, & celles qu’il a vûes dans les brebis ne sont que l’effet du déchirement des parties. On découvre aussi dans le labyrinthe plusieurs vaisseaux sanguins, soit par le secours des injections, soit par l’inflammation, comme Winslow dit l’avoir observé. Le sieur May, anatomiste de Strasbourg, a fait voir il y a près de trente ans ces vaisseaux à messieurs de l’académie des Sciences.

Remarquons d’abord que l’os pierreux dont les parois de chaque cavité du labyrinthe sont composées, est blanc, très-dur & compacte. Par cette structure la matiere éthérée chargée des impressions des objets sonores, venant à heurter contre lesdites parois, ne perd rien de son mouvement, en sorte qu’elle le communique tout entier aux ramifications de la portion molle des nerfs de l’oreille.

Remarquons ensuite que le labyrinthe & le limaçon ne croissent pas non-plus que les osselets ; ils sont de la même grandeur dans les enfans & dans les adultes, quoique les os extérieurs de l’oreille grossissent & durcissent considérablement. La cause de cet effet, est que les os extérieurs ont un périoste bien nourri, tandis que l’intérieur est dénué de cette nourriture. D’ailleurs les os sont ici d’une dureté qui refuseroit même cette nourriture quand elle y seroit apportée.

Un de ces auteurs qui se font une étude de trouver du miracle par-tout, Niewentit, ne donne d’autres raisons de ce phénomene, que la volonté du créateur, qui, contre les lois ordinaires de la nature, a refusé l’accroissement à ces os de l’oreille, afin que l’organe étant le même dans les enfans & dans les adultes, l’impression des sons fût la même pour les uns & les autres. Il pense que si l’ouïe croissoit comme les autres organes, la voix des enfans, celle des parens, & les autres sons connus des enfans, leur