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la plus certaine. Une vie oisive doit être nécessairement une vie triste. Je demande aux gens riches & désœuvrés si leur état est heureux. L’ennui qui les consume, me prouve bien le contraire.

L’oisiveté est sur-tout fatale au beau sexe. Juvenal le fait sentir exprès dans des vers qui sont fort beaux.

Præstabat castas humilis fortuna latinas
Quondam, nec vitiis contingi parva solebant
Tecta : labor, somnique breves, & vellere thusco,
Vexatæ duræque manus.

Un empereur chinois de la famille de Tang, tenoit pour maxime, que s’il y avoit dans ses états une femme qui ne s’occupât point, un homme qui ne labourât point, quelqu’un souffroit le froid, ou la faim dans l’empire. Sur ce principe, dit le P. du Halde, il fit détruire une infinité de monasteres de bonzes.

Les Egyptiens, les Lacédémoniens, les Lucaniens avoient des lois contre l’oisiveté. Là chacun étoit tenu de déclarer au magistrat de quoi il vivoit, & à quoi il s’occupoit, & ceux qui se trouvoient mentir, ou n’avoir aucune profession, étoient chatiés.

Les Athéniens entrerent encore dans de plus grands détails pour prévenir l’oisiveté. Ne devant pas obliger tous les citoyens à s’occuper de choses semblables, à cause de l’inégalité de leurs biens, ils leur firent embrasser des professions conformes à l’état & aux facultés de chacun. Pour cet effet, ils ordonnerent aux plus pauvres de la république de se tourner du côté de l’agriculture & du négoce ; car n’ignorant pas que l’oisiveté est la mere de la pauvreté, & que la pauvreté est la mere des crimes, ils crurent prévenir ces désordres en ôtant la source du mal. Pour les riches, ils leur prescrivirent de s’attacher à l’art de monter à cheval, aux exercices, à la chasse & à la philosophie, étant persuadés que par-là ils porteroient les uns à tâcher d’exceller dans quelqu’une de ces choses, & qu’ils détourneroient les autres d’un grand nombre de déréglemens.

Il seroit à souhaiter qu’il y eût également parmi nous des loix contre l’oisiveté, & qu’il ne fût permis à personne, de quelque rang qu’il fût, de vivre sans avoir quelqu’occupation honnête d’esprit ou de corps.

En effet, tout ce que la morale peut dire contre l’oisiveté sera toujours foible, tant qu’on n’en fera pas une affaire capitale. L’imagination humaine, on ne sauroit trop le répéter, a besoin d’être nourrie ; lorsqu’on ne lui présente pas des objets véritables, elle s’en forme d’une fantaisie dirigée par le plaisir, ou l’utilité momentanée. Examinez les scélérats que la justice est obligée de condamner à la mort, ce ne sont pas ordinairement des artisans ou des laboureurs : les travailleurs pensent au travail qui les nourrit ; ce sont des gens oisifs que la débauche ou le jeu, enfans de l’oisiveté, ont porté à tous crimes. C’est à cette premiere oisiveté que l’on doit attribuer la plûpart des troubles, & en partie la chute de la république de Rome. Publius Nasica fit construire, sans qu’il en fût besoin, les choses nécessaires à une armée navale pour exercer les Romains : on craignoit déja l’oisiveté plus que les ennemis.

Concluons que cette maladie est également funeste aux hommes & aux empires ; & que multiplier dans un état les genres d’occupations, c’est s’assurer du bonheur, des richesses & de la tranquillité des sujets. (D. J.)

Oisiveté, (Médec.) c’est la source de bien de maladies, car outre qu’elle épaissit les humeurs, &

relâche les solides, elle énerve le corps & accélere la vieillesse. C’est elle qui produit dans les voluptueux & les gens mous & efféminés toutes les maladies qui dépendent de l’acrimonie ; comme la goutte, la pierre, le scorbut, la mélancholie, la manie, & enfin le désespoir du tems perdu. L’éducation molle & oisive de la jeunesse, dans notre siecle, nous dispose dès l’âge le plus tendre à toutes les maladies qui proviennent de l’oisiveté ; telles que la mollesse, la laxité, la foiblesse dans les fibres, l’acrimonie, l’alkalescence des humeurs, les maladies chroniques si communes & si variées de nos jours, & si peu connues des anciens, ne sont dûes qu’à cette même éducation, qui de mâle & vigoureuse qu’elle étoit parmi les Romains & les Grecs, est devenue languissante & efféminée parmi nous : aussi voyons-nous peu de gens qui jouissent d’une santé robuste. Le travail est le remede à tous les maux qu’entraîne avec elle l’oisiveté. De-là vient que le célebre Loke ordonne d’exercer beaucoup la jeunesse, & de l’accoutumer dès l’âge le plus tendre au travail ; cette méthode seroit plus utile, & il arriveroit que les gens de lettres s’adonneroient aux différens exercices du corps, ce qui les rendroit plus sains & plus robustes. L’amour du travail des mains & sa continuité donne aux gens de la campagne cette vigueur qui ne se trouve point dans les villes, & qui résiste à toutes les maladies dont nous avons parlé. Les médecins devroient donc insister sur la nécessité de changer l’éducation journaliere ; ils contribueroient en cela à la conservation de la santé.

OISON, (Hist. nat. Ornit.) nom que l’on a donné aux jeunes oies. Voyez Oie.

OIUM, (Géog. anc.) il y avoit dans l’Attique deux lieux ainsi appellés ; l’un se nommoit Oium ou Oeum deceleium, c’est-à-dire proche de Déceléa & de la tribu Hippotoontide ; l’autre surnommé Oeum ceramicum, étoit un quartier d’Athènes, proche du Céramique, de la tribu Séontide. Ce quartier portoit le nom d’Oeum, comme qui diroit un désert, parce qu’on n’y voyoit pas l’affluence du peuple qui étoit au Céramique, quoique ces deux quartiers se touchassent. (D. J.)

O K

OKAMNI, (Hist. nat. Botan.) c’est un arbrisseau du Japon, dont les rameaux sont droits, minces & en grand nombre. Ses feuilles sont d’un pouce & demi de long, ovales, épaisses, dures, foiblement dentelées, & quelquefois recourbées. Les fleurs qui naissent des aisselles des feuilles deux-à-deux ou trois-à-trois, sont petites, à quatre pétales, & d’un blanc incarnat ; les baies sont rondes, purpurines, pulpeuses, contenant des semences rousses & brillantes.

OKELAS, s. m. (terme de Relat.) on appelle okelas en Egypte & dans les contrées orientales, de petits bâtimens autour d’une cour, destinés aux marchands de certains pays, pour y placer leurs effets. Il y a au Caire un okelas consacré aux marchands de Nubie pour y mettre leurs marchandises & leurs esclaves noirs ; il y en a un autre pour les esclaves blancs de la Géorgie. Voyez Pocock, description d’Egypte, tome I. p. 37. (D. J.)

OKKISIK, (Hist. mod. superstition.) c’est le nom sous lequel les Hurons sauvages de l’Amérique septentrionale désignent des génies ou des esprits, soit bienfaisans, soit malfaisans, qui sont attachés à chaque homme. On trouvera les idées que les sauvages en ont à l’article Manitous.

OKNIAS, ou OKINAS, (Hist. mod.) on désigne sous ce nom les grands seigneurs ou principaux officiers de la cour du roi de Kamboje, dans les Indes orientales. Ce sont eux qui forment le conseil du monarque, & qui jugent les causes des sujets dont