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& est reçu par degrés dans les boyaux, où il sert assez long-tems à le nourrir au lieu de lait.

Le soin que les oiseaux prennent de couver & ensuite d’élever leurs petits, est une chose admirable. Après avoir choisi un lieu secret & tranquille, ils font leur nid chacun selon leur espece, y déposent & y couvent leurs œufs avec tant d’assiduité, qu’ils se donnent à peine le tems de manger eux-mêmes. Telle est leur ardeur à cet égard, qu’ils continuent de couver encore après qu’on leur a ôté leurs œufs.

Quoique les oiseaux n’aient pas une connoissance exacte du nombre de ces œufs, ils ne laissent pas de distinguer un grand nombre d’avec un petit, & de connoître qu’ils approchent d’un certain nombre, puisqu’alors ils cessent de pondre & commencent à couver, quoiqu’ils puissent encore pondre davantage. Qu’on ne touche point, par exemple, aux œufs des poules, on trouvera qu’elles cesseront de pondre & se mettront à couver aussi-tôt qu’elles en auront quatorze ou quinze : au contraire qu’on leur ôte tous les jours leurs œufs, elles continueront de pondre jusqu’à ce qu’elles en aient produit quatre ou cinq fois autant. Peut-être que les oiseaux qui vivent long-tems ont une quantité suffisante d’œufs dès le commencement, pour leur servir pendant plusieurs années, & pour fournir à un certain nombre de couvées, tandis que les insectes produisent tous leurs œufs à-la-fois. Il n’est pas nécessaire d’en dire davantage ; je m’imagine qu’on a traité tous les mysteres de l’incubation sous ce mot même. (D. J.)

Oiseaux, gésier des, (Anat. comparée.) poche musculeuse, forte & compacte. La structure de cette poche ne laisse aucun lieu de douter qu’elle ne soit destinée à exercer une très-forte action sur les corps qui y sont renfermés : on est bientôt confirmé dans cette opinion, lorsqu’on observe les rugosités & les plis qui sont dans son intérieur, & on en demeure entierement convaincu, si on examine le gésier d’une espece de pigeon sauvage assez commun aux Indes, & sur-tout dans l’île de Nicobar. M. Lemarié, chirurgien major de la compagnie des Indes à Pondichery, a observé dans le gésier de cet animal deux meules, non de pierre, comme les habitans du pays le prétendent, mais d’une corne très-dure & cassante. L’usage de ces meules intérieures n’étoit pas équivoque, & elles ne pouvoient servir qu’a broyer plus puissamment les grains que l’animal avoit avalés.

Ce que les pigeons de l’Inde operent par le moyen de leurs meules, la plûpart de nos oiseaux le font avec une quantité de grains de sable qu’ils avalent, & dont on leur trouve le gésier rempli : il semble au premier coup-d’œil que l’intérieur du gésier devroit avoir pour le moins autant à craindre de l’action de ces petites pierres, que les matieres qui peuvent y être contenues ; cette difficulté a même paru si considérable à Vallisnieri, qu’il aime mieux supposer dans le gésier des oiseaux un dissolvant capable de dissoudre le verre, que de croire qu’il y ait été réduit en poudre impalpable par l’action seule de ce viscere.

Il est certain que les oiseaux avalent de petites pierres rudes & inégales, qu’ils rejettent ensuite aprés qu’elles sont devenues polies par le broyement. Mais pour éclaircir cette question, Redi a fait le premier plusieurs expériences curieuses avec des boules creuses de verre & de métal. Enfin M. de Réaumur a répété & diversifié les mêmes expériences avec plus d’exactitude encore, comme on peut le voir dans l’hist. de l’acad. des Sciences, année 1752. Cependant c’est assez pour nous de remarquer qu’il semble résulter des expériences de l’académicien de Paris, que la digestion se fait par trituration dans les oiseaux qui ont un gésier, & qu’elle est opérée par un dissolvant dans ceux qui ont, comme la buse,

un estomac membraneux. Une seconde conséquence est qu’il est très-vraissemblable que les oiseaux dont l’estomac est en partie membraneux & en partie musculeux, & ceux dans lesquels il est d’une consistance moyenne, mettent en usage l’une & l’autre maniere de digérer ; c’est ce qui pourra être vérifié par les expériences. Il est encore naturel d’inférer des expériences de M. de Réaumur, que les animaux qui ont comme les oiseaux de proie un estomac membraneux, digerent aussi comme eux à l’aide d’un dissolvant. (D. J.)

Oiseaux de passage, (Ornithologie.) On appelle ainsi tous les oiseaux qui à certaines saisons reglées de l’année se retirent de certains pays, & dans d’autres saisons fixes y retournent encore, en traversant de vastes contrées.

Qui peut raconter combien de transmigrations diverses se font annuellement sur notre hémisphere par différentes especes d’oiseaux ? Combien de nations volantes vont & viennent sans cesse ? combien de nuages aîlés s’élevent au-dessus des nuages de l’air au printems, en été, en automne, & même dans la saison des frimats ?

« Aux lieux où le Rhin perd sa source majestueuse, dans les plaines Belgiques arrachées à l’abîme furieux par une industrie étonnante & par la main invincible de la liberté, les cigognes s’attroupent pendant plusieurs jours ; elles consultent ensemble, & semblent hésiter à entreprendre leur pénible voyage à-travers le firmament liquide ; elles se déterminent enfin à partir, & se choisissent leurs conducteurs. Leurs bandes étant formées & leurs aîles vigoureuses nettoyées, la troupe s’essaie, vole en cercle, & retourne sur elle-même ; elle s’éleve enfin en un vol figuré, & cette haute caravane se déployant dans la vague de l’air, se mêle avec les nuages.

» Quand l’automne répand dans nos climats ses derniers rayons qui annoncent les approches de l’hiver, les hirondelles planent dans l’air, volent en rasant les eaux, s’assemblent & se rejoignent, non pas pour aller se cacher dans des creux éboulés sous les eaux, ni pour se pendre par pelotons dans des cavernes à l’abri de la gelée, mais pour se transporter dans des climats plus chauds avec des autres oiseaux de passage, où elles gazouilleront gaiment, jusqu’à ce que le printems les invitant à revenir, nous ramenent cette multitude à aîle legere.

» Dans ces plages, où l’Océan septentrional bouillonne en de vastes tourbillons autour des îles éloignées, tristes & solitaires de Thulé, ainsi qu’aux lieux où les flots atlantiques se brisent contre les orageuses Orcades, l’air est obscurci par l’arrivée d’une multitude de nouveaux hôtes qui viennent y aborder : la rive retentit du bruit sauvage que produit l’ensemble de leurs cris. Là des habitans simples & innocens soignent sur la verdure touffuë leurs jeunes troupeaux, entourés & gardés par les mers. L’oiseau qui s’y rend, vêtu d’un habit d’hermine & chaussé de brodequins noirs, n’y craint rien pour sa couvée : son unique soin est de chercher à la faire subsister ; il n’hésite point à s’attacher aux plus âpres rochers de la Calydonie, pour être en état de découvrir sa pâture ; d’autres fois il épie le poisson qui s’approche du rivage, & l’attrape avec autant d’adresse que de célérité. Enfin il ramasse tantôt les flocons de laine blanche, & tantôt les duvets de plumes éparses sur le bord de la mer, trésor & luxe de son nid » !

Mais reprenons le ton simple, qui est absolument nécessaire aux discussions de Physique, car c’en est une bien curieuse que de rechercher les causes qui obligent tant d’oiseaux à passer régulierement en cer-