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de M. de Maupertuis où il en est question, a été aussi imprimée à Erlang en 1751 sous ce titre.

Pour faire une bonne physiologie, il faudroit d’abord l’histoire exacte & bien détaillée de toutes les fonctions du corps humain, de la maniere apparente extérieure dont elles s’exécutent, c’est-à-dire des phénomenes qui en sont le produit, & enfin des changemens qu’operent sur l’ordre successif de ces fonctions les causes naturelles de la durée de la vie. Voyez Œconomie animale & Physiologie. On ne peut obtenir cela que par une observation assidue, désintéressée & judicieuse de l’homme ; ce plan a été suivi par l’illustre auteur du specimen medicinæ conspectus, de l’idée de l’homme physique & moral &c. qui n’a donné dans ces ouvrages un système très-naturel & très-ingénieux d’économie animale qu’après s’être long tems-étudié & observé lui même & les autres, nous l’exposerons à l’article Œconomie animale. Ce fameux médecin pense que pour tirer un plus grand parti de l’observation, il faut déja avoir une espece de théorie, un point de vûe général qui serve de point de ralliement pour tous les faits que l’observation vient d’offrir ; mais il est à craindre que cette théorie antérieure dont l’esprit est préoccupé, ne lui déguise les objets qui se présentent ; elle ne peut être indifférente ou même utile qu’entre les mains d’un homme de génie, qui ne sait pas se prévenir, qui voit du même œil les objets contraires à son système que ceux qui lui sont favorables, & qui est assez grand pour savoir sacrifier quand il le faut les idées les plus spécieuses à la simple vérité.

Nous rapportons aux observations physiologiques la séméiotique de la santé, ou la science des signes qui caractérisent cet état si désirable, & qui peuvent faire promettre qu’il sera constant & durable ; pour déterminer exactement la valeur, la signification & la certitude de ces signes, il faut avoir fait un grand nombre d’observations : la séméiotique n’en est qu’un extrait digéré & rapproché.

Les observations hygiétiques trouvent aussi naturellement leur place ici, parce qu’elles nous apprennent ce que peut, pour maintenir la santé, l’usage réglé des six choses non naturelles. Cette connoissance, fruit d’une observation suivie, est proprement la Médecine, & ce n’est qu’en l’exerçant qu’on peut l’obtenir. Hippocrate la recommande beaucoup ; il faut principalement, dit ce divin vieillard, s’appliquer à connoître l’homme dans ses rapports avec ce qu’il boit & ce qu’il mange, & les effets qui en résultent dans chaque individu : omni studio annitatur ut percipiat quid sit homo, collatione factà ad ea quæ eduntur & bibuntur, & quid à singulis cuique eventurum sit, lib. de veter. medicin. Ce n’est qu’après avoir rassemblé beaucoup d’observations qu’on a pu établir les différentes regles d’hygiéne, dont la principale, la plus sûre & la plus avantageuse est pour les personnes qui ont un tempérament assez robuste de n’en point observer. Voyez Diete, Hygiene, Régime. On trouvera des observations & des regles d’hygiene dans les ouvrages d’Hippocrate, de Galien & de Celse, dans l’école de Salerne : on peut consulter aussi deux traités du docteur Arbuthnot, l’un intitulé : an essay concerning the nature of aliments and the choice of them, according to the different constitutions of human bodies in which, &c. London. 1731 ; & l’autre a pour titre : practical rules of diet in the various constitutions and diseases of human bodies. London. 1732, &c.

Observations pathologiques ou pratiques. Ce sont les observations qui se font au lit des malades, & qui ont, ou doivent avoir pour objet, les causes de la maladie, les symptomes qui la caractérisent, la marche qu’elle fait, les bons ou mauvais effets qui re-

sultent de l’administration des remedes, & ses différentes terminaisons ; c’est cette espece d’observation, cultivée dans les tems les plus reculés, si bien & si utilement suivie par le grand Hippocrate, qui a été le fondement de la médecine chimique. Nous ne repéterons pas ce que nous avons dit plus haut sur les avantages de cette observation, & sur les qualités nécessaires à un bon observateur, voyez ce mot. Il ne nous reste plus qu’à donner un exposé des détails que doit embrasser une observation ; nous l’extrairons encore des ouvrages d’Hippocrate, que nous ne pouvons nous lasser de citer, & de proposer pour modele sur-tout dans cette partie : ce n’est point une prévention ridicule pour les anciens, un mépris outré des modernes, ou un enthousiasme aveugle pour cet auteur qui nous conduit, c’est la simple vérité, c’est l’attrait puissant qui en est inséparable, & que sentent très-bien ceux qui ont lu & relu ses écrits. On peut se former un plan très-instructif d’observations, en lisant celles qu’il rapporte dans ses épidémies, & sur-tout dans le premier & le troisieme livres qui ne sont point altérés, & que personne ne lui conteste. Mais il a soin d’avertir lui-même, avant d’entrer dans le récit circonstancié de ses observations, de la maniere dont il faut s’y prendre pour parvenir à la connoissance des maladies, & des points sur lesquels doit rouler l’observation : voici comme il s’exprime. « Nous connoissons les maladies par leur nature commune, particuliere & individuelle ; par la maladie présente ; par le malade ; par les choses qui lui sont offertes, & même par celui qui offre (ce qui n’est pas toujours indifférent), par la constitution partiale ou totale des corps célestes, τῶν οὐρανίων (& non pas simplement de l’air, comme l’a traduit le D. Freind), & du pays qu’il habite ; par la coutume, le genre de vie, par les études ; par l’âge de chacun ; par les discours que tient le malade, ses mœurs, son silence, ses méditations, ses pensées, son sommeil, ses veilles, ses songes ; par les inquiétudes, les démangeaisons, les larmes, les redoublemens, les déjections, les urines, les crachats, les vomissemens. Il faut aussi voir, continue cet illustre observateur, quelles sont les excrétions, & par quoi elles sont déterminées, καὶ ὅσαι ἐξ οἵων ; quelles sont les vicissitudes des maladies, en quoi elles dégénerent ; quels sont les abscès ou métastases nuisibles, quels sont les favorables ; la sueur, les frissons, le refroidissement, la toux, l’éternuement, le hoquet, l’haleine, les renvois, les vents chassés sans bruit, ou avec bruit : les hémorragies, les hémorrhoïdes, doivent encore être mûrement examinées ; il est enfin nécessaire de s’instruire de ce qui arrive de toutes ces choses, & de ce qui en est l’effet ». Morbor. vulgar. l. I. sect. iij. n°. 20. Telle est la table des objets que l’observateur doit recueillir auprès d’un malade. Il nous seroit facile de démontrer combien chaque article est important ; mais ce détail nous meneroit trop loin : il n’est d’ailleurs point de médecins, qui ayant vu des malades & des maladies, n’en sentent toute l’utilité. Les observations qui regardent les corps célestes, l’air, le pays, qui ont paru absolument indifférentes à plusieurs, ne laissent pas d’avoir beaucoup d’utilité, l’influence des astres n’étant plus regardée comme chimérique lorsqu’elle est restrainte dans des justes bornes, suffit pour constater les avantages des observations de la constitution des corps célestes, voyez Influence des astres, & plus bas, Observations météorologiques. On pourroit ajouter à l’exposition d’Hippocrate, les observations qui se font sur le pouls, & qu’on a de nos jours beaucoup cultivées, rendues plus justes & plus propres à éclairer la marche des maladies, que tous les autres signes, voyez Pouls. Parmi les observations