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que Télesphore étoit une divinité des Pergaméniens, qui avoit été ainsi nommée par le commandement de l’oracle, & que quelques-uns traduisoient ce mot par celui de devin ou de ventriloque.

Voici comme en parle Selden. « On traduit ordinairement le mot ob, par celui de pithon ou de magicien ; mais Ob étoit un esprit ou un demon, qui donnoit ses réponses comme si les paroles étoient sorties des parties que l’honnêteté ne permet pas de nommer, ou quelquefois de la tête, & quelquefois des aisselles ; mais d’une voix si basse, qu’il sembloit qu’elle vînt de quelque cavité profonde, comme si un mort avoit parlé dans le tombeau ; en sorte que celui qui le consultoit, ne l’entendoit souvent point du tout, ou plutôt entendoit tout ce qu’il vouloit ». Selden ajoute peu après ce qui suit. « Voyez l’histoire de Samuel, dont la figure fut montrée à Saül par une femme, des parties honteuses de laquelle Ob parloit, ou étoit censé parler. L’Ecriture, dans le premier livre de Samuel, ch. xxxviij. appelle cette femme pithonisse ou ventriloque, comme traduisent les septante, une femme qui avoit Ob. De-là vient que Saül lui parle ainsi : Prophétise-moi, je te prie, par Ob, ce que les septante ont traduit, prophétise-moi par le ventriloque. Ob étoit donc un esprit qui parloit du ventre. Nos traducteurs ont rendu le mot des septante, ἐνγαστρίμυθος, par esprit familier ».

Buxtorf interprete le mot hébreu ob, par celui de pithon, ou d’esprit qui rend des réponses par quelque puissance diabolique, & qui travaille à éloigner les hommes de Dieu. Levit. xix. 31. & xx. 27. Il remarque que ob, signifie encore en hébreu, bouteille, Job, xxxij. 19. Ce qui a fait dire à Aben Etra, qu’on l’avoit transporté par métaphore à un esprit qui enfloit le ventre de celui qui en étoit possédé, comme une bouteille, & rendoit ses oracles par cette partie, d’où le possédé étoit appellé ἐνγαστρίμυθος.

On a vu de nos jours des gens qui savoient ménager leur voix, de façon qu’elle sembloit sortir de quelque endroit hors d’eux, soit éloigné de leur corps, soit voisin, & cela d’un ton tel que celui de l’Ob, décrit par Selden. Il y avoit aux environs de Londres un garçon âgé de 25 ans, qu’on appelloit en anglois The speaking-smith (ce qui revient à vocifaber, qu’on ne peut rendre en françois), qui possédoit ce talent dans une grande perfection. Il ne lui eût pas été difficile de se faire passer pour sorcier parmi la populace ; mais il se contentoit d’effrayer des portiers, des charretiers, & d’autres gens de cette espece, qui ne connoissoient point son art.

J’ai entendu parler d’une femme qui parcouroit l’Angleterre en mendiant, & qui savoit si bien menager sa voix qu’elle paroissoit s’entretenir avec plusieurs personnes à la fois ; elle disoit, pour émouvoir la compassion, que les interlocuteurs étoient son mari & ses enfans, qu’elle avoit perdus il y avoit plusieurs années, & qui pendant leur vie, avoient mangé tout son bien. (D. J.)

OBACATIARAS les, (Géog.) peuples de l’Amérique méridionale dans le Brésil. Ils habitent les îles de la riviere de S. François. De Laët les donne pour anthropophages, & vraissemblablement sans en avoir de preuves.

OBAI ou ROBAI, (Hist. nat. Botan.) c’est une sorte de jasmin du Japon qui a des fleurs doubles. Son écorce est brune ; son bois foible & rempli de moëlle ; ses feuilles alternativement opposées & terminées par une pointe un peu recourbée ; ses fleurs, qui paroissent au mois de Février avant ses feuilles, & qui sortent d’un calice écailleux, sont d’un jaune pâle, & composées de deux sortes de pétales, dont les extérieurs sont d’ordinaire au nombre de huit, longs d’un demi pouce en oval ; & les intérieurs, plus petits,

de grandeur inégale, au nombre de huit & plus, marqueté de points couleur de sang ; l’odeur de la fleur tire sur celle de la violette, mais devient dégoutante à la longue, & le goût est très-désagréable. Cet arbrisseau, qu’on croit apporté de la Chine, est d’une beauté qui le fait cultiver soigneusement dans les jardins.

OBARENIENS, les, (Géog. anc.) en grec, ὠϐαρηνοι ; peuples qui habitoient une partie considérable de l’Arménie, aux environs du fleuve Cyrus.

OBBA, s. m. (Hist. anc.) vase fort creux dont on se servoit aux repas funebres.

Obba, (Géog.) ville d’Afrique dans la Mauritanie Césariense. Au cinquieme concile général assista Valérien évêque d’Obba en Afrique. La conférence de Carthage fournit aussi Félicissime évêque d’Obba, Obbensis.

OBDORA ou l’OBDORIE, (Géog.) autrefois Lucomorie ; contrée de la Tartarie moscovite, au couchant du Jenisréa & à l’orient de l’Oby, qui la sépare de la Coudora. Ce pays est coupé par le cercle po aire en deux parties à-peu près égales, sous le soixantieme degré de latitude : il fait partie de la Sibérie. Pierre-le-Grand y avoit commencé quelques habitations qui n’ont pas été continuées. (D. J.)

OBEANCIER, s. m. (Jurisprud.) est un titre usité dans l’église collégiale de S. Jul de Lyon ; le grand obéancier est la premiere dignité. Le premier chanoine après les dignitaires, a aussi le titre d’obéancier. Ce terme paroît être venu par corruption d’obédiencier ; il y a apparence que ces obéanciers ont été ainsi nommés, parce que dans l’origine ils étoient envoyés par l’archevêque de Lyon pour desservir cette église. Voyez Obédiencier.

OBEDIENCE, s. f. (Jurisprud.) ce terme dans son origine étoit toûjours synonyme d’obéissance ; dans la suite on lui a attribué différentes significations en matiere ecclésiastique.

En général obédience signifie soumission à un supérieur ecclésiastique ; quelquefois ce terme se prend pour l’autorité même du supérieur ; quelquefois enfin on entend par obédience, la permission que le supérieur donne d’aller quelque part, ou de faire quelque chose.

Pendant le grand schisme d’Avignon on se servoit du terme d’obédience pour désigner le territoire dans lequel chacun des deux papes étoit reconnu comme légitimement élu. Presque toutes les villes de Toscane & de Lombardie, toute l’Allemagne, la Bohème, la Hongrie, la Pologne, la Prusse, le Danemark, la Suede, la Norvege, l’Angleterre étoient de l’obédience de Clément VII. qui s’étoit retiré à Avignon ; la France, la Lorraine, l’Ecosse, la Savoie & le royaume de Naples, se rangerent sous l’obédience d’Urbain : l’Espagne prit d’abord le même parti, ensuite elle se mit sous l’obédience de Clément VII.

C’est en ce même sens que l’on appelle ambassadeurs d’obédience, ceux que des princes envoient au pape, pour lui rendre hommage de quelques fiefs qui relevent de lui : c’est ainsi que le roi d’Espagne envoie un ambassadeur d’obédience au pape, auquel il présente la haquenée que ce prince doit au pape à cause du royaume de Naples.

Les provinces dans lesquelles le concordat n’a pas lieu, & qui sont soumises à toutes les regles de chancelerie, que l’on observoit avant le concordat, telles que la Bretagne, la Provence, la Lorraine, sont appellées communément pays d’obédience, ce qui est une expression très-impropre, vû que ces pays ne sont point soumis au pape plus particulierement que les autres ; toute la différence est que la regle de mensibus & alternativa y a lieu, c’est-à-dire que le pape y confere les bénéfices pendant huit mois de l’année, les autres collateurs n’ont que quatre mois, à