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composent pas notre nature ou notre être, mais dont l’économie animale éprouve de grands effets, de grands changemens, de grandes altérations.

C’est, dans le livre de oculis, attribué à cet auteur, que l’on trouve qu’il y a sept choses naturelles, six non-naturelles & trois contre-nature. Les premieres sont les élémens, les tempéramens, les parties, les humeurs, les esprits, les facultés & les actions ; ce sont celles qui concourent à former le physique de notre être : les secondes sont l’air que nous respirons, la matiere des alimens & de la boisson, le mouvement & le repos, le sommeil & la veille, ce que nous retenons dans notre corps & ce qui en sort, & enfin les affections de l’ame : ces choses qui sont celles dont il s’agit dans cet article, sont toutes celles dont on ne peut pas éviter l’usage ou les influences, & qui servent essentiellement à la conservation de la santé, lorsqu’elles sont bien disposées & que l’on en fait un bon usage ; mais qui font un effet contraire lorsqu’elles sont mal disposées par elles-mêmes, ou qu’on n’en use pas bien, elles donnent alors naissance aux troisiemes des choses mentionnées qui sont dites contre-nature, & constituent les maladies, leurs causes & leurs symptômes.

Ces différentes choses font la matiere de la plus grande partie de la science de la Médecine : la Physiologie traite des choses naturelles ; la Pathologie, des choses contre-nature & des mauvais effets que produisent les qualités vicieuses ou l’abus des choses non-naturelles ; & les regles qui établissent leurs bonnes qualités, leur bon usage, font la principale matiere de l’Hygiene. Voyez l’hist. de la Méd. de Leclerc, part. III. liv. III. chap. iij. Voyez aussi les articles Physiologie, Pathologie & Hygiene.

Selon M. de Sauvage (Pathol. méthod. sect. 8.), Galien réduit à quatre les six choses non-naturelles ; savoir, 1° ce qui peut être reçu dans le corps, comme le manger & le boire, l’air, les médicamens, les poisons, &c. 2° ce qui peut être retenu dans le corps d’une maniere nuisible, comme les excrémens, les mauvais levains des premieres voies, qu’on appelle saburre, les concrétions pierreuses, les matieres flatueuses, les vers, &c. 3° ce qui peut être appliqué à la surface du corps, comme l’air, les vêtemens, les bains, les morsures des animaux, les solutions de continuité faites par des corps étrangers, &c. 4° enfin les différentes actions du corps & de l’ame, ou ce qui en dérange l’exercice, le rend forcé, ou ce qui le suspend, le fait cesser entierement, comme le mouvement, le repos, le sommeil, la veille & les passions.

Les choses non naturelles, selon cette derniere division, sont désignées dans les institutions de Boerhaave §. 744. par les quatre mots latins qui suivent, savoir ingesta, retenta, applicata, gesta.

Pitcairn resserre encore davantage la matiere, & présente ces choses sous une idée plus simple en les réduisant à l’action des autres corps sur le nôtre, & à celle de notre propre corps ou de ses facultés sur lui-même ; ainsi deux sortes d’actions qui affectent l’homme, l’une dont le principe lui est étranger, l’autre dont le principe se trouve dans l’économie animale.

Les corps étrangers qui sont susceptibles d’action sur l’homme, ou lui sont nécessaires, & tels même qu’il ne peut s’en passer, ou ils ne lui sont pas nécessaires, ni utiles, ensorte qu’il est même avantageux pour lui de n’en éprouver aucun effet ; les premiers sont l’air, les alimens, les vêtemens ; les autres sont les miasmes, les poisons, qui peuvent pénétrer, être portés dans les corps, les choses qui peuvent le frapper, le blesser, &c.

Les corps étrangers ne peuvent exercer quel-

qu’action sur notre corps que par un principe méchanique,

comme par leur masse, leur mouvement ou leur figure, ou par un principe physique, comme la force de cohésion, d’adhésion ou l’attraction, la dissolution, la fermentation, la putréfaction, c’est-à-dire que ces différentes forces operent sur les parties élémentaires, insensibles, qui entrent dans la composition de nos solides ou de nos fluides.

Les actions de l’homme sur lui-même sont de deux especes ; ou elles sont l’effet de la liberté lorsqu’elles sont déterminées par l’entendement & la volonté ; ou elles sont l’effet de la nature, c’est à-dire authomatiques, lorsqu’elles sont produites comme machinalement par l’instinct & la cupidité. Voyez Volonté, Liberté, Nature, Instinct, Cupidité.

La volonté & la cupidité sont toujours portées au bien, ou à ce qui paroît être un bien : la premiere tend toujours au bien intellectuel ; la seconde au bien sensible, par conséquent à la conservation de la santé.

Cependant lorsque la volonté ne distingue pas facilement un bien réel d’avec un bien apparent, il lui arrive souvent de se tromper & de donner la préférence au dernier, d’où s’ensuit souvent que les actions qu’elle produit nuisent à la santé, comme lorsqu’une jeune fille, pour se guérir des pâles-couleurs & se rendre la peau blanche, se détermine à manger du plâtre, des citions.

L’instinct qui semble diriger si sûrement les animaux en les portant à ce qui leur est utile, & les éloignant de ce qui peut leur être contraire, n’est pas un guide aussi infaillible pour l’homme, comme lorsqu’il est porté à boire dans le cas de l’hydropisie ascitique.

Ainsi ces considérations établissent la nécessité d’une science qui prescrive à l’entendement des regles, pour distinguer ce qui est utile ou ce qui est nuisible à l’économie animale, & qui, en secondant la nature, en soutienne ou en dirige les opérations relativement à ce qui convient à chaque individu, selon la circonstance où il se trouve à l’égard de la santé ou de la maladie : c’est par-là que se démontrent l’utilité & les avantages pour le genre humain d’un art qui, en prescrivant la maniere d’user des choses non-naturelles, fournit les préceptes & les moyens pour conserver la santé, pour prévenir ce qui peut l’altérer, pour la rétablir lorsqu’elle a éprouvé quelque altération, & pour prolonger la vie autant qu’il est possible en écartant, en corrigeant les causes qui peuvent l’abréger, la détruire avant son terme naturel ; ensorte qu’elle ne finisse que conformément aux lois de la nature par les effets de la vieillesse la plus reculée, qui amene inévitablement la cessation du mouvement qui constitue la vie ; par conséquent la mort qui n’est autre chose que cette cessation, & qui est, dans ce cas seul, véritablement naturelle. Voyez Médecine, Vie, Santé, Vieillesse, Mort.

Pour survivre à l’égard des choses non-naturelles, la division, l’ordre le plus connu, on va rapporter ici aussi sommairement qu’il se pourra, eu égard à l’abondance de la matiere, tout ce qui détermine les regles par rapport au bon & au mauvais effet, au bon & au mauvais usage de ces choses, selon qu’on les considere ordinairement dans les écoles, d’après l’expérience, l’observation & la raison.

Ainsi en comptant les choses non-naturelles au nombre de six, comme il a été dit ci devant, il se présente d’abord à traiter de l’air & de ses qualités par rapport à ses influences sur l’économie animale.

I. De l’air. L’usage de ce fluide que nous ne pouvons éviter de respirer dès que nous sommes nés,