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plus insister sur le défaut de noblesse, puisque ce moyen tomboit. Pasquier n’a pu cependant s’empêcher de dire que plusieurs trouverent mauvais que l’empereur entreprît ainsi sur les droits du roi, & même qu’il eût pris séance au parlement.

Quelques-uns disent que le chancelier, qui étoit aux piés de Sigismond, s’opposa à ce qu’il vouloit faire, lui observant qu’il n’avoit pas le droit de faire un gentilhomme en France ; & que Sigismond voyant cela, dit à cet homme de le suivre jusqu’au pont de Beauvoisin, où il le déclara gentilhomme : enfin, que le roi confirma cet annoblissement. Tableau de l’empire germanique, page 27.

Tiraqueau a prétendu qu’un prince ne pouvoit conférer la noblesse hors les limites de ses états, par la raison que le prince n’est-là que personne privée ; mais Bartole, sur la loi 1. ff. 3. off. pro consul. coll. 9. Barbarus, in caput novit. coll. 11. & Jean Raynuce, en son Traité de la noblesse, tiennent le contraire, parce que l’annoblissement est un acte de jurisdiction volontaire ; c’est même plutôt une grace qu’un acte de jurisdiction. Et en effet, il y en a un exemple récent pour la chevalerie, dont on peut également argumenter pour la simple noblesse. Le 9 Octobre 1750, dom François Pignatelli, ambassadeur d’Espagne, chargé d’une commission particuliere de S. M. catholique, fit dans l’église de l’abbaye royale de saint Germain-des-Prés, la cérémonie d’armer chevalier de l’ordre de Calatrava le marquis de Maenza, seigneur espagnol, auquel le prieur de l’abbaye donna l’habit du même ordre. Voyez le Mercure de France de Décembre 1750, page 188.

Mais, quoiqu’un prince souverain qui se trouve dans une autre souveraineté que la sienne, puisse y donner des lettres de noblesse, ce n’est toûjours qu’à ses propres sujets ; s’il en accorde à des sujets d’un autre prince, cet annoblissement ne peut avoir d’effet que dans les états de celui qui l’a accordé, & ne peut préjudicier aux droits du prince, dont l’annobli est né sujet, à-moins que ce prince n’accorde lui-même des lettres par lesquelles il consente que l’impétrant jouisse aussi du privilége de noblesse dans ses états ; auquel cas, l’annobli ne tire plus à cet égard son droit de la concession d’un prince étranger, mais de celle de son prince.

Cependant, comme la noblesse est une qualité inhérente à la personne, & qui la suit par-tout, les étrangers qui sont nobles dans leur pays, sont aussi tenus pour nobles en France. Ils y sont en conséquence exempts des francs fiefs, ainsi que l’observe Bacquet. Loiseau prétend même que ces nobles étrangers sont pareillement exempts de tous subsides roturiers, sur-tout, dit-il, lorsque ces nobles sont nés sujets d’états, amis & alliés de la France, & que leur noblesse est établie en la forme. Defranco, Traité des ordres, chap. v.

Mais dans l’usage présent, les étrangers qui sont nobles dans leur pays, n’ont en France qu’une noblesse personnelle, qui ne leur donne pas le droit de jouir de tous les autres priviléges attribués aux nobles, tels que l’exemption des tailles & autres subsides, & sur-tout des priviléges qui touchent les droits du roi, parce qu’un souverain étranger ne peut accorder des droits au préjudice d’un autre souverain ; mais la Roque, ch. xxj. dit que des étrangers ont été maintenus dans leur noblesse en se faisant naturaliser.

Il faut néanmoins excepter ceux qui tiennent leur noblesse d’un prince allié de la France, & dont les sujets y sont réputés regnicoles, tels que les sujets du duc de Lorraine, & ceux du prince de Dombes ; car les sujets de ces princes qui sont nobles dans leur pays, jouissent en France des priviléges de noblesse, de même que les sujets du roi ; ce qui est fondé sur

la qualité de regnicoles, & sur la réciprocité des priviléges qu’il y a entre les deux nations ; les François qui sont nobles jouissant pareillement des priviléges de noblesse dans les états de ces princes. Voyez la Roque, Tr. de la noblesse, chap. lxxvj. (A)

Noblesse féminine, ou utérine, est celle qui se perpétue par les filles, & qui se communique à leurs maris & aux enfans qui naissent d’eux. Voyez ci-après Noblesse utérine.

Noblesse féodale, ou inféodée, est celle dont les preuves se tirent de la possession ancienne de quelque fief, & qui remontent jusqu’aux premiers tems de l’établissement des fiefs où ces sortes d’héritages ne pouvoient être possédés que par des nobles, soit de pere ou de mere, tellement que quand le roi vouloit conférer un fief à un roturier, il le faisoit chevalier, ou du-moins l’annoblissoit en lui donnant l’investiture de ce fief. Dans les commencemens ces annoblissemens à l’effet de posséder des fiefs, ne se faisoient que verbalement en présence de témoins. Dans la suite, quand l’usage de l’écriture devint plus commun, on dressa des chartes de l’annoblissement & investiture. Il ne faut pas confondre ces annoblissemens à l’effet de posséder des fiefs, avec ceux qui se donnoient par lettres simplement, sans aucune investiture de fief. Le premier exemple de ces lettres n’est que de l’an 1095, au lieu que l’annoblissement par l’investiture des fiefs, est aussi ancien que l’établissement des fiefs, c’est-à-dire, qu’il remonte jusqu’au commencement de la troisieme race, & même vers la fin de la seconde.

La facilité que l’on eut de permettre aux roturiers de posséder des fiefs, & l’usage qui s’introduisit de les annoblir à cet effet, opéra dans la suite que tous ceux qui possédoient des fiefs, furent réputés nobles. Le fief communiquoit sa noblesse au roturier qui le possédoit, pourvu qu’il fît sa demeure sur le fief ; tandis qu’au contraire les nobles étoient traités comme roturiers tant qu’ils demeuroient sur une roture.

Cependant la succession d’un roturier qui possédoit un fief sans avoir été annobli, ne se partageoit pas noblement jusqu’à ce que le fief fût tombé en tierce foi, c’est-à-dire, qu’il eût passé de l’ayeul au fils, & de celui-ci aux petits enfans ; alors le fief se partageoit noblement, & les petits-enfans jouissoient de la noblesse héréditaire.

Cet annoblissement par la possession des fiefs, quand ils avoient passé de l’ayeul au fils, du fils au petits-fils, étoit encore en usage en Italie & en France, dans le xv. siecle, ainsi que l’atteste le Poggio.

Pour réprimer cette usurpation de noblesse par la possession des fiefs, nos rois ont fait payer de tems en tems aux roturiers une certaine finance que l’on a appellé droit de francs fiefs, afin d’interrompre la possession de la noblesse que les roturiers prétendoient tirer des fiefs.

Cependant les roturiers qui possédoient des fiefs, continuant toûjours à se qualifier écuyers, l’ordonnance de Blois, art. 258, ordonna que les roturiers & non-nobles achetans fiefs nobles, ne seroient pour ce annoblis, de quelque revenu que fussent les fiefs par eux acquis, & tel est actuellement l’usage. Voyez la Roque, chap. xviij. la préface de M. de Lauriere, sur le premier tome des ordonnances, le mot Fief, & Noblesse immémoriale.

Noblesse de mairie, ou de privilége, est celle qui vient de la fonction de maire, ou autre office municipal, qui a été remplie par celui qui se prétend noble, ou par quelqu’un de ses ancêtres en ligne directe masculine, dans une ville où l’exercice des charges municipales donne la noblesse, comme à Paris, à Lyon, à Poitiers, &c.

Noblesse maternelle, est la noblesse de la