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donné la description à l’article Fibre. Voyez & Muscle.

La structure des fibres les plus petites & qui peuvent être regardées comme les élémens des muscles, examinée à-travers le microscope, a toujours paru, tant dans l’homme que dans les animaux, semblable à la structure des grandes fibres ; on a simplement découvert que ces fibres étoient très-petites, & qu’elles étoient toutes réunies par un tissu cellulaire. Voyez Tissu cellulaire.

Elles ne sont donc point composées de vésicules ni d’une suite enchaînée de losanges, comme quelques-uns l’ont prétendu : ces fibres sont elles creuses ? sont-elles continues aux arteres ? Les fibres rouges du muscle sont-elles continues avec celles des tendons, parce qu’après avoir été bien lavées elles deviennent aussi blanches & aussi solides qu’elles ? Ces fibres sont si petites, que cela ne paroît pas probable.

Pour expliquer la contraction des muscles, les physiciens les plus éclairés ont eu recours à un suc qui coule dans les nerfs, & à des vésicules qui, selon eux, sont dans les fibres musculaires.

Il y en a plusieurs qui ont attribué au sang la contraction des muscles.

Baglivi regarde les grandes & les petites fibres comme autant de cordes dont chaque point glisse sur les globules du sang qui y circule de même que sur autant de poulies, & qui décrivent des demi-courbes, d’où il résulte une grande force dans les extrémités des tendons. Il démontre cette hypothèse en faisant faire au sang des petits cylindres qui s’entortillent autour de la fibre. Il ne donne aux esprits animaux d’autre fonction que celle de varier le diametre des globules du sang, & de les rendre globulaires sphéroïdes alongés ou applatis, selon le plus ou le moins de tension qu’il doit y avoir.

Il en est qui, avec le savant docteur Willis, font des tendons des muscles autant de reservoirs des esprits animaux, au moyen desquels les esprits, selon eux, sont élevés au gré de la volonté : c’est de cette sorte qu’ils sont portés dans le corps du muscle, où rencontrant les particules actives du sang, ils y fermentent, y produisent un gonflement, & contractent ainsi le muscle.

D’autres, du nombre desquels sont Descartes & ses sectateurs, ne reconnoissent d’autres reservoirs des esprits animaux que le cerveau, & les font partir de là comme autant d’éclairs au gré de la volonté, pour parvenir à-travers les nerfs aux endroits du corps où il s’agit d’exécuter ce que l’homme se propose ; & ils préferent ce système, parce qu’ils ne sauroient s’imaginer que les tendons puissent former un reservoir convenable pour les esprits animaux, eu égard à leur tissu extrèmement serré, ni que les esprits animaux y pussent rester dans l’inaction.

M. Duverney & ses sectateurs ont imaginé que ce gonflement pouvoit être produit sans fermentation par les esprits animaux & par le suc qui provient des arteres, lesquels coulent l’un & l’autre dans les tendons & les fibres charnues, qu’ils étendent à peu-près comme l’humidité fait gonfler les cordes.

M. Chirac & d’autres soutiennent que chaque fibre musculaire a d’espace en espace, lorsque le muscle est dans l’inaction, outre sa veine, son artere & son nerf, plusieurs autres petites cavités de figure oblongue ; que le sang qui circule dans ce muscle dépose continuellement dans ses pores un recrément sulphureux qui abonde en sels alkalis, & que lorsque ces sels rencontrent l’esprit qui coule par ces nerfs dans ces mêmes pores, leurs particules nitro-aériennes fermentent avec les particules salines du récrement sulphureux ; & que par une espece d’explosion elles étendent assez les pores pour changer

leur figure ovale & longue en une ronde, & que c’est ainsi que le muscle se contracte.

Borelli a imaginé que les fibres des muscles sont composés d’une chaîne de rhombes ou de losanges dont les aires s’élargissent ou se rétrécissent à mesure que le suc nerveux y entre ainsi que la lymphe & le sang, & qu’elles en sont exprimées au gré de la volonté.

Le docteur Croon prétend que chaque fibre charnue est composée de petites vessies ou globules qui communiquent les unes aux autres, & dans lesquelles le suc nourricier entre avec une ou deux autres liqueurs ; que la chaleur naturelle cause de plus alors une effervescence entre ces liqueurs, & que c’est par-là que le muscle se tend.

Le docteur Cheyne prend ces petites fibriles des muscles pour autant de canaux élastiques fort déliés, serrés tout-au-tour par de petites cordes paralleles transverses qui divisent les fibriles creuses en autant de petites vésicules élastiques, lesquelles sont orbiculaires & formées par un segment concave de sphere, & dans chacune desquelles il entre une artere, une veine & un nerf ; les deux premieres pour porter & rapporter le sang, le nerf pour y porter le suc nerveux, lequel venant à se mêler avec le sang dans les vésicules, picote & brise les globules du sang au moyen des particules acides & pointues dont il est formé, & cela au point de faire sortir dans ces petites vésicules l’air élastique qui étoit contenu dans les globules, ce qui gonfle les cellules élastiques des fibres, & accourcit par conséquent de cellule en cellule leurs diametres longitudinaux, & doit contracter en même tems la longueur de toute la fibre, & mouvoir par conséquent l’organe auquel l’extrémité du tendon est attachée.

Le docteur Keil que cette théorie n’a pas satisfait, en a imaginé une autre où il suppose aussi la même structure, & où il prend les mêmes fluides, savoir le sang & le suc nerveux pour les agens & instrumens de la contraction ; mais au-lieu de ces particules piquantes du suc nerveux qui percent dans l’autre système les particules de sang, & qui mettent ainsi en liberté l’air élastique qui y étoit comme emprisonné, il aime mieux en tirer l’explication de la force de l’attraction. Voyez Attraction.

Dans tout le reste M. Keil démontre fort bien la maniere dont les vésicules se gonflent, mais sans rendre justice à M. Bernoulli qu’il a copié.

Le docteur Boerrhaave trouvant dans le suc nerveux ou les esprits animaux toutes les qualités que nous avons prouvé être nécessaires pour l’action des muscles, & ne le trouvant dans aucun autre fluide du corps humain, croit qu’il est inutile d’avoir recours au mélange de plusieurs liqueurs pour expliquer un effet à la production duquel une seule suffit, & ainsi il n’hésite point d’attribuer en entier l’action des muscles aux seuls esprits animaux.

M. Astruc a travaillé assez heureusement à prouver qu’il n’y a que le suc nerveux qui soit employé au mouvement musculaire, & que le sang n’y a aucune part ; c’est ce qu’il a fait par l’expérience suivante, qu’il a réitérée plusieurs fois avec le même succès ; il a ouvert l’abdomen d’un chien vivant, & éloignant les intestins, il a lié avec un fil l’aorte dans l’endroit où elle donne naissance aux iliaques & l’artere hypogastrique, il a ensuite cousu les muscles hipogastriques, & la sensation & le mouvement ont été aussi vifs & aussi prompts qu’auparavant dans les parties postérieures du chien, de façon que lorsqu’on le laissoit libre il se tenoit sur ses quatre pattes, & marchoit avec la même facilité qu’auparavant, sans chanceler davantage ; or il