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mouvoir, s’avance vers l’autre. Mais l’observation que nous venons de rapporter, prouve évidemment que ces vaisseaux ne sont ni veineux, ni artériels, ni lymphatiques : s’ils sont vésiculaires, ou si ce ne sont que des especes de cordes, c’est ce qui est encore en question. Muys dit les avoir vu vésiculaires à travers le microscope.

Boerhaave ayant remarqué que les nerfs s’insinuent dans tous les muscles le long de leurs veines & de leurs arteres ; & que sans faire même attention à leur enveloppe extérieure, ils se distribuent, outre cela, si parfaitement dans tout le corps du muscle, qu’on ne sauroit assigner aucune partie qui en soit destituée, enfin qu’ils se terminent dans le muscle, au lieu que dans les autres parties du corps leurs extrémités se répandent en forme de membrane : il en a conclu que les fibres musculaires ne sont autre chose que les expansions les plus déliées des nerfs, dépouillées de leur enveloppe, creusées en dedans, de la figure d’un muscle, & pleines d’un esprit, que le nerf, qui a son origine dans le cerveau, leur communique au moyen de l’action continuelle du cœur. Voyez Nerf.

C’est de ces fibres unies ensemble que se forment les petits faisceaux ou paquets, qui ont encore chacun leur membrane particuliere, dans laquelle ils sont renfermés, & qui les sépare les uns des autres ; cette membrane est très-déliée, poreuse en-dedans, & pleine d’une huile qui s’y accumule pendant le repos, & qui se consume dans le mouvement : ce sont les arteres qui la fournissent, & elle sert avec un suc muqueux & doux que séparent les arteres exhalantes qui arrosent le tissu cellulaire, qui les unit toutes les unes avec les autres.

Outre ces nerfs, il entre encore des arteres dans les muscles ; & il y en entre en si grande abondance, & d’une telle contexture, qu’on seroit tenté de penser que tout le corps du muscle en seroit composé ; elles se distribuent principalement entre les petits faisceaux & les membranes qui les séparent les unes des autres, & peut-être aussi dans la surface extérieure de chaque fibrille, dans le plexus réticulaire dès qu’elles elles se terminent en de petits vaisseaux secrétoires huileux, & de petits vaisseaux limphatiques, & peut-être en de petites fibrilles creuses, semblables à des nerfs, fibrilles qui peuvent encore ou bien se terminer dans la cavité des fibres nerveuses musculaires, ou en former d’autres semblables à elles-mêmes. Au-moins est-il évident que chaque branche d’artere qui se trouve dans les muscles, & qui s’unissent à eux, en augmentent le volume ; ce qui fait que les vaisseaux sanguins des muscles sont aussi lymphatiques.

Tous les muscles ou toutes les paires de muscles que nous connoissons, sont donc composés de deux sortes de fibres, de longitudinales, que nous venons de décrire, & qui sont attachées les unes aux autres par le tissu cellulaire.

Nous avons déja observé que le tendon d’un muscle est composé d’un même nombre de fibres que le muscle même, avec cette différence, que les cavités des fibres musculaires diminuant vers les tendons, & y perdant de leur diametre, elles forment dans cet endroit un corps compacte, dur, ferme, sec & étroit, qui n’est que très-peu vasculaire. Il paroît donc partout ce que nous avons dit que la rougeur du muscle lui vient du sang, & que son volume vient de la plenitude des arteres, des veines, des cellules huileuses & des vaisseaux lymphatiques ; & on voit par-là pourquoi dans un âge avancé, dans la maigreur, les consomptions, les atrophies, dans une chaleur continuée & des travaux pénibles, leur rougeur diminue aussi-bien que leur volume, quoique le mouvement s’y conserve dans tous ces

états ou toutes ces circonstances. Il y a plus, le mouvement peut encore avoir lieu lors même que les muscles n’ont point du tout de rougeur, comme il paroit dans les insectes dont on ne sauroit appercevoir la chair.

On peut séparer les uns des autres sans les rompre, les fibres, les petits faisceaux, les arteres & les nerfs, soit dans les corps vivans, soit dans les cadavres. Ils sont toujours dans un certain degré de tension, & doués d’une force contractive, de façon que lorsqu’on les divise, leurs extrémités s’éloignent l’une de l’autre, ce qui les fait devenir plus courtes, diminue leur volume, les contracte en une espece de surface angulaire, & en exprime les sucs qu’ils contiennent. Il paroît donc de-là qu’ils sont toujours dans un état violent, & qu’ils s’opposent toujours à leur alongement, qu’ils font toujours efforts pour se racourcir, plus encore dans les corps vivans que dans les cadavres, & qu’ils ont, par cette raison, besoin d’en avoir d’autres antagonistes.

Si le cerveau est fortement comprimé, ou qu’il ait reçu quelque violente contusion, s’il est en suppuration, obstrué ou déchiré, l’action volontaire des muscles cesse à l’instant aussi-bien que tous les sens & la mémoire, quoique l’action spontanée des muscles du cœur, du poumon, des visceres & des parties vitales subsiste malgré cela. Si ces mêmes altérations arrivent au cervelet, l’action du cœur, & des poumons, & de la vie même cesseront, quoique le mouvement vermiculaire continue encore long-tems dans l’estomac & dans les intestins.

Si on comprime, ou si on lie le nerf d’un muscle, qu’il vienne à se corrompre, ou qu’on le coupe, tout le mouvement de ce muscle, soit vital, soit volontaire cessera à l’instant ; & si on lie, ou si on coupe, &c. un tronc de nerf qui envoie des branches à différens muscles, il leur arrivera à tous la même chose : enfin si on en fait autant à quelque partie que ce soit de la moële allongée, on détruira par-là l’action de tous les muscles dont les nerfs prennent leur origine en cet endroit, & il en arrivera de même si on en fait autant à l’artere, qui porte le sang à un ou à plusieurs muscles.

Lorsqu’un muscle est en action, son tendon ne souffre point d’altération sensible ; mais son ventre s’accourcit, devient dur, pâle, gonflé, les tendons s’approchent plus qu’ils n’étoient l’un de l’autre, & la partie la plus mobile, qui est attachée à l’un des tendons, est tirée vers la moins mobile, qui est attachée à l’autre extrémité. Cette action d’un muscle s’appelle sa contraction ; elle est plus grande & plus forte que cette contraction inhérente dont nous avons parlé au sujet du premier phénomene que nous avons rapporté ; & ainsi elle n’est point naturelle, mais surajoutée. Lorsque le muscle n’est point en action, ses tendons restent toujours les mêmes, mais son ventre devient plus mol, plus rouge, plus lâche ; le muscle est plus long & plus plat, c’est cet état d’un muscle, qu’on appelle sa restitution, quoique ce soit ordinairement l’effet de l’action contraire du muscle antagoniste ; car si cette derniere action n’avoit point lieu, la contraction du premier muscle, qui ne seroit point balancée par l’action de l’antagoniste, continueroit toujours.

Si l’un des antagonistes reste en repos, pendant que l’autre est en action, en ce cas le membre sera mis en mouvement ; s’ils agissent tous deux à la fois, il sera fixé & immobile ; s’ils n’agissent ni l’un ni l’autre, il restera sans mouvement & prêt à se mouvoir à l’occasion de la moindre force qui pourra le solliciter pour cela.

Tous ces changemens se produisent dans le plus petit instant & dans tout le muscle à-la-fois, de fa-