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soit enflammée dans le moment que le corps qu’elle chasse est sur le point de partir.

» Un autre défaut des chambres cylindriques, c’est qu’elles sont rarement bien coulées, l’axe étant presque toujours oblique à celui du mortier, au lieu qu’il devroit être le même, ce qui fait que l’action de la poudre n’embrassant point le culot de la bombe, pour la chasser directement, imprime sa force au-dessus ou au-dessous, à droite ou à gauche, & écarte beaucoup la bombe de l’objet où on vouloit la jetter. Il arrive un inconvénient beaucoup plus pernicieux encore, c’est que la bombe avant que de sortir du mortier le choque quelquefois avec tant de violence, qu’elle se casse en morceaux.

» Plusieurs bombardiers assurent, que le plus grand nombre des mortiers cilindriques, dont on s’est servi dans la derniere guerre, étoient si sujets à casser les bombes, qu’ils avoient été obligés de les caler avec des éclisses afin qu’elles sortissent du mortier sans le toucher.

» Il y a long-tems qu’on s’est apperçu que les mortiers cylindriques ne chassoient pas les bombes à des distances proportionnées à la quantité de poudre dont on les chargeoit. C’est pourquoi on a inventé les chambres sphériques, où la poudre étant plus ramassée autour de la lumiere, le feu pût se porter plus promptement à toutes les parties de la poudre, pour s’enflammer à la ronde dans un instant, & non pas successivement comme dans les chambres cylindriques. Le diametre du cercle qui forme l’entrée de la chambre étant plus petit que celui de la chambre même, il arrive que la poudre qui s’est enflammée la premiere ne rencontrant point d’abord une issue libre pour s’échapper, choque les parois de la chambre, s’agite avec une extrême violence, se réflechit sur elle-même, & allume celle qui ne l’étoit pas. De sorte que devenue un fluide à ressort, elle réunit tous ses efforts contre la bombe qu’elle chasse avec toute la force dont elle est capable. Les chambres sphériques seroient sans doute préférables à toutes les autres pour les armes à feu en général, si elles n’avoient le sort de toutes les machines, qui est de ne pouvoir être perfectionnées au point de les rendre exemptes de défauts. Le diametre de l’entrée de cette chambre étant plus petit que celui de la chambre même, fait, comme on l’a déjà dit, que la poudre s’enflamme presque dans le même instant. Mais cet avantage est sujet à un inconvénient qui est que la difficulté que la poudre trouve d’abord à s’échapper, fait qu’elle tourmente extrèmement l’affut, la plate-forme & le mortier qu’il est presque impossible de maintenir sous l’angle où on l’avoit pointé. Ainsi la bombe portant sous une direction différente que celle qu’on lui avoit donnée, s’écarte beaucoup du but. (Nous avons vu que cet in-

convénient joint à celui de ne pouvoir écouvillonner exactement le canon, les a fait abandonner entierement

dans le canon).

» Quand on ne veut pas tirer loin, & qu’on ne met dans la chambre qu’une petite quantité de poudre, il y reste un grand vuide qui diminue beaucoup la charge, parce qu’elle n’est pas serrée, & l’on ne peut remplir ce vuide de terre par la difficulté de l’étendre également. C’est pourquoi on se sert peu de ces mortiers pour l’attaque des places, les reservant quand on est obligé de faire un bombardement de fort loin ; alors ils sont excellens. On a cherché à conserver ce que ces chambres ont de bon, en corrigeant ce qu’elles ont de défectueux. C’est ce qu’on a fait dans les chambres à poire. Le fond de ces chambres est à-peu-près une demi-sphere, dont le diametre du grand cercle détermine celui de la chambre De là les parois vont rencontrer l’entrée en adoucissant. Le diametre en est un peu plus petit que celui du fond. L’avantage de cette chambre est que deux livres de poudre y font plus d’effet que trois dans le mortier cylindrique, toutes choses étant égales d’ailleurs. Ces mortiers ne sont pas sujets à casser leurs bombes, & l’on y met aussi peu de poudre que l’on veut, sans que cela leur ôte rien de la propriété qui leur est essentielle, qui est que la poudre se trouvant plus ramassée, s’enflamme à la ronde pour réunir tous ses efforts. Alors la flamme pouvant-glisser, pour ainsi dire, contre les parois qui se trouvent depuis le milieu de la chambre jusqu’à l’entrée, sans être emprisonnée comme dans la chambre sphérique, elle s’échappe plus aisément, & ne tourmente point tant l’affut, & les machines dont on est obligé de se servir pour pointer.

» Enfin l’on s’est servi dans ces derniers tems de mortiers à cone tronqué. Comme cette chambre est extrèmement évasée, la poudre s’y enflamme assez facilement ; mais aussi elle a la liberté de se dilater, sans rencontrer d’autre obstacle que la bombe, ce qui fait que la même quantité ne chasse pas tout-à-fait si loin que dans les mortiers à poire ; mais elle les chasse au-delà des cylindriques. La figure de ce mortier est plus commode que toutes les autres pour l’appuyer solidement contre les coins de mire, lorsqu’on veut le pointer sous quelque angle que ce soit, à cause que le métal y est uni. M. Bélidor ajoûte que dans les différentes épreuves qu’il a faites, il n’a jamais tiré si juste qu’avec ce dernier mortier ».

Le mortier se place sur un affut, pour la facilité de son service. Voyez la description de celui qui lui est plus ordinaire, à la suite de celui du canon.

Pour faire connoître les principales dimensions du mortier, l’on joint ici la table suivante tirée de l’ordonnance du 7 Octobre 1732.