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y devoient présider afin de leur attirer plus de respect ; le mortier des présidens au parlement est un reste de l’habit des chevaliers, parce qu’il est de velours & qu’il y a de l’or.

Le chancelier & le garde des sceaux portent un mortier de toile d’or, bordé & rebrassé d’hermine.

Le premier président du parlement porte le mortier de velours noir, bordé de deux galons d’or. Les autres présidens n’ont qu’un seul galon ; le greffier en chef porte aussi le mortier.

Autrefois le mortier se mettoit sur la tête dessous le chaperon, présentement ceux qui portent le mortier le tiennent à la main, il y a néanmoins quelques cérémonies où ils le mettent encore sur la tête comme aux entrées des rois & des reines, ils le portent aussi en cimier sur leurs armes.

Les barons le portent aussi au-dessus de leur écusson avec des filets de perles. Voyez le Traité des signes des pensées, par Costadan, tom. IV. (A)

Mortier, (Chimie) instrument fort connu & qui est commun à la Chimie & à plusieurs arts ; mais l’unique qualité requise dans cet instrument pour l’usage commun, c’est d’être plus dur que les matieres qu’on veut y piler, afin que ses parois ne soient pas égrugés & usés, & que la pulvérisation n’y soit pas lente, difficile ou impossible ; mais outre cette qualité qu’on peut appeller méchanique, & qui est nécessaire aussi pour les pulvérisations chimiques ; l’on a égard encore dans ces dernieres opérations à la nature chimique de la matiere dont le mortier est composé, & à ses rapports avec les substances qui doivent être traitées dedans, aussi les Chimistes se sont-ils faits des mortiers de beaucoup de différentes matieres pour y traiter sans inconvénient les différens sujets chimiques. Ils ont des mortiers de cuivre, de fer fondu, d’argent, de marbre, de granit, de verre, de bois. Les usages des mortiers de ces différentes matieres sont déterminés par la connoissance que l’artiste doit avoir de l’action des différentes substances chimiques sur chacune de ces matieres ; & quant aux préparations pharmaceutiques ou médicinales qu’on exécute au moyen de ces instrumens, l’espece en est ordinairement déterminée dans les pharmacopées, il y est dit, broyez dans un mortier d’airain, de marbre, &c. en général le grand mortier du laboratoire ou de la boutique doit plutôt être de fer fondu, que de cuivre ou de bronze. Ce dernier métal est attaqué par un très grand nombre de substances, & ses effets dangereux sur les corps humains sont assez connus, voyez Cuivre. Le petit mortier & la main des boutiques, celui dans lequel on prépare les potions, les juleps, les loochs, &c. doit être d’argent plutôt que de cuivre, par les raisons que nous venons d’alléguer pour la proscription de ce dernier métal, & parce que le mortier de fer nuiroit à l’élégance de la plûpart de ces préparations.

Tout ce que nous venons de dire du mortier convient également au pilon, instrument que tout le monde connoît aussi, & dont l’usage est nécessairement lié avec celui du mortier, ou même qui ne fait proprement avec, qu’un même & seul instrument.

Ces considérations conviennent aussi généralement à tout vaisseau, & à la plûpart des instrumens chimiques & pharmaceutiques. Voyez Instrument, Chimie & Vaisseau. (b)

Mortier de veille. (Lang. franç.) On appelle chez le roi de France, mortier de veille, un petit vaisseau d’argent qui a de la ressemblance au mortier à piler ; il est rempli d’eau sur laquelle surnage un morceau de cire jaune grosse comme le poing, pesant une demi-livre ; & ayant un petit lumignon au milieu ; ce morceau de cire se nomme aussi mortier.

On l’allume quand le roi est couché, & il brûle

toute la nuit dans un coin de sa chambre, conjointement avec une bougie qu’on allume en même tems dans un flambeau d’argent, au milieu d’un bassin d’argent qui est à terre. (D. J.)

Mortier, le, est dans l’Artillerie une espece de canon plus court que le canon ordinaire, & de même métal, qui sert à jetter des bombes & quelquefois des grenades. Voyez Bombe.

L’usage des mortiers est fort ancien. M. Blondel les croit du tems des plus vieux canons, & qu’ils ne servoient alors qu’à jetter des pierres & des boulets rouges. Les premieres bombes jettées avec le mortier furent employées au siége de Vaclhtendonek en 1588 ; ce fut Malthus, ingénieur anglois, qui a le premier introduit l’usage des bombes en France dans l’attaque des places, & qui s’en servit d’abord au premier siége de la Motte en 1634. Le roi Louis XIII. avoit fait venir cet ingénieur de Hollande.

Il y a plusieurs sortes de mortiers ; savoir, de 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, & même de 18 pouces de diametre à leur bouche ; ils contiennent dans leurs chambres 2, 3, 4, 5, 6 & 12 livres de poudre.

Explication d’un mortier de douze pouces, contenant six livres de poudre, Pl. VII. de fortification, fig. 4. A sa culasse, B la lumiere avec son bassinet, C les tourillons, D l’astragalle de la lumiere, E le premier renfort, F plate-bande de renfort chargé de son anse, & avec les moulures ; G la volée avec son ornement, H l’astragale du collet, I le collet, K le bourrelet, L l’embouchure ; l’ame, ce qui est ponctué depuis la bouche jusqu’au dessous de la plate-bande, la chambre ponctuée depuis le dessous de la plate-bande jusqu’à la lumiere. Voyez Pl. VII. fig. 5. la bombe de ce mortier, & fig. 6. la coupe de cette bombe avec sa fusée. Voyez Fusée de la bombe.

Il y a des mortiers dont la chambre est cylindrique, c’est-à-dire partout de même longueur, & le fond un peu arrondi. D’autres à chambre concave ou sphérique, parmi lesquelles chambres, il y en a à poire & à cone tronqué. Les chambres concaves & à poire n’ont pas le même inconvénient que dans le canon, parce que son peu de hauteur permet de l’écouvillonner exactement ; ainsi, nul inconvénient n’est à craindre à cet égard. Et comme ces chambres sont plus propres à l’inflammation de la poudre, que les cylindriques, il s’ensuit qu’elles sont les plus avantageuses pour le mortier.

Nous ajoutons ici ce que M. Belidor dit dans son Bombardier françois sur les differentes chambres des mortiers. « L’on a imaginé, dit cet auteur, quatre sortes de chambres pour les mortiers : la premiere est celle que l’on nomme cylindrique, parce qu’en effet elle a la figure d’un cylindre, dont la lumiere qui porte le feu à sa charge, répond au cercle du fond ; il y en a où ce fond se trouve un peu concave, afin qu’une partie de la poudre se trouvant au-dessous de la lumiere, toute la charge puisse s’enflammer plus promptement ; car les chambres cylindriques ont cela de défectueux, que lorsqu’on y met beaucoup de poudre, il n’y a guere que celle qui se trouve au fond qui contribue à chasser la bombe, l’autre ne s’enflammant que quand elle est déja partie ; & l’on a remarqué plusieurs fois que six livres de poudre ne chassoient la bombe guere plus loin, sous le même degré d’élévation que cinq livres, à cause que l’ame du mortier n’ayant que très-peu de longueur, la bombe ne parcourt pas un assez long espace avant que d’en sortir, pour recevoir l’impulsion de la poudre qui s’enflamme sur la fin, ce qui est un des plus grands défauts que puisse avoir une arme à feu ; dont la perfection se réduit à faire ensorte que toute la charge