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ces maisons se séparerent & resterent indépendantes les unes des autres.

Dans le x. siecle, saint Odon, abbé de Clugny, unit à cette abbaye plusieurs monasteres, qu’il mit sous la conduite de l’abbé de Clugny.

Plusieurs réformes des siecles suivans ont donné lieu à des congrégations qui sont comme autant d’ordres séparés, composés de plusieurs monasteres répandus en diverses provinces & royaumes, gouvernés par un même général ou abbé. Entre ces monasteres, il y en a ordinairement un qui est comme le chef-lieu des autres, & qu’on appelle la maison chef d’ordre.

Les ordres mendians, dont les premiers ont été établis dans le xiij. siecle, sont aussi composés chacun de plusieurs monasteres.

Nous avons parlé de l’établissement des monasteres au mot Couvent.

Quant au temporel des monasteres, l’évêque en avoit autrefois l’administration ; il y établissoit des économes pour en avoir la direction & leur fournir les nécessités de la vie. Les abbés & les moines ne pouvoient rien aliéner ni engager sans que l’évêque eût approuvé & signé le contrat : c’est ce que prouvent les conciles d’Agde & d’Epone ; les troisieme & quatrieme conciles d’Orléans ; le second concile de Nicée ; les capitulaires & la regle de S. Isidore de Séville.

Mais la discipline ecclésiastique ayant changé peu-à-peu à cet égard, les évêques ont été entierement privés de cette administration. Saint Grégoire le grand est le premier qui en fasse mention en faveur d’une abbêsse de Marseille ; il étendit ensuite cette exemption à tous les monasteres dans le concile de Latran, & elle est devenue d’un usage général.

Dans la suite on a reconnu la nécessité de charger l’évêque du soin d’empêcher le dépérissement du bien des monasteres ; c’est ce que Boniface VIII. fit à l’égard des monasteres de filles, & ce que Grégoire XV. a décidé encore plus expressément, & conformément à l’article 37 du réglement des réguliers. Cette décision a été confirmée par la congrégation des cardinaux, & par différens conciles & synodes.

En France, l’évêque est supérieur immédiat de tous les monasteres de l’un & de l’autre sexe qui ne sont pas soumis à une congrégation & sujets à des visiteurs, quand même ces monasteres se prétendroient soumis immédiatement au saint siege. L’évêque peut donc les visiter, y faire des statuts, & juger les appellations interjettées des jugemens de l’abbé ou autre supérieur : c’est la disposition du concile de Trente & de l’ordonnance de Blois, article 27.

Les monasteres qui sont en congrégation, ne sont pas pour cela exempts de la jurisdiction épiscopale, à moins qu’ils n’aient d’ailleurs des titres & une preuve de possession constante d’exemption : l’évêque peut donc visiter les monasteres, y faire des réglemens, soit pour le service divin ou pour la discipline monastique, soit pour le temporel des monasteres. Il peut enjoindre au supérieur de faire le procès à ceux qui ont commis quelque délit dans le cloître ; mais il ne peut connoître ni par lui-même ni par son official, des jugemens rendus par les supérieurs de la communauté, l’appel devant être porté devant le supérieur régulier, à moins que celui-ci, ayant été averti par l’évêque, ne négligeât de remplir son ministere. Edit de 1695, article 18.

L’évêque n’a pas droit de visite dans les monasteres qui sont chefs & généraux d’ordre de l’un & de l’autre sexe, ni dans ceux où résident les supérieurs réguliers qui ont une jurisdiction légitime sur d’autres monasteres du même ordre, ni enfin sur ceux qui étant exempts de la jurisdiction épiscopale, se trou-

vent en congrégation ; il peut seulement avertir le

supérieur régulier de pourvoir dans six mois ou même plus promptement si le cas le requiert, au désordre ou scandale ; & si le supérieur n’y satisfait pas dans le tems marqué, l’évêque peut lui même y pourvoir, suivant la regle du monastere. Edits de 1695, art. 18. & du 29 Mars 1696.

La visite de l’archevêque ou évêque dans les monasteres qui ne-sont pas exempts de la jurisdiction épiscopale, quoique soumis à une congrégation, n’empêche pas celle des supérieurs réguliers, lesquels doivent faire observer la discipline monastique.

Quand le général d’ordre est étranger, il ne peut visiter en France les monasteres de son ordre sans une permission particuliere du roi. Voyez ce qui a été dit au mot Exemption, & au mot Visite.

Sur les donations faites aux monasteres, voyez Novices & Religieux.

Ce sont les évêques & supérieurs réguliers qui doivent réformer les monasteres quand on n’y suit pas la regle. Voyez Réforme.

La conventualité doit être rétablie dans les monasteres dont les revenus sont suffisans pour l’y entretenir.

On transfere quelquefois un monastere d’un lieu dans un autre, lorsqu’il y a des raisons essentielles pour le faire. Voyez Translation.

Il arrive aussi quelquefois qu’un monastere est sécularisé. Voyez Sécularisation.

Il y a dans les monasteres divers offices claustraux. Voyez au mot Office l’article Office claustral.

Quant aux charges des monasteres, voyez Indult du parlement, Décimes, Oblats.

Sur les monasteres, voyez Jean Thaumas en son dictionnaire canonique, au mot monastere ; les mémoires du clergé. (A)

MONASTERIENS ou MUNSTERIENS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) nom qu’on donne aux anabaptistes, qui dans le seizieme siecle, suivirent Jean de Leyden ou Becold, tailleur d’habits, natif de Leyden, qui s’étoit fait roi de Munster, qu’on appelle en latin monasterium. Voyez Anabaptiste.

MONASTIQUE, adj. ce qui concerne les moines ou la vie des moines. Voyez Moine.

La profession monastique est une mort civile, qui produit à certains égards les mêmes effets que la mort naturelle. Voyez Moine.

Le concile de Trente & l’ordonnance de Blois, ont fixé à seize ans la liberté de faire profession dans l’état monastique.

S. Antoine a été dans le quatrieme siecle l’instituteur de la vie monastique, comme S. Pacome qui vivoit dans le même tems, a été l’instituteur de la vie cénobitique, c’est-à-dire des communautés reglées de religieux. Voyez Cénobite.

On vit en peu de tems les déserts d’Egypte peuplés des solitaires qui embrassoient la vie monastique. Voyez Anachorete, Hermite.

S. Basile porta dans l’Orient, le goût & l’esprit de la vie monastique, & composa une regle qui fut trouvée si sage, qu’elle fut embrassée par une grande partie de l’Occident.

Vers le onzieme siecle, la discipline monastique étoit fort relâchée en Occident. S. Odon commença à la relever dans la maison de Cluni, ce monastere par le titre de sa fondation, fut mis sous la protection du S. Siége, avec défense à toutes puissances, séculieres & ecclésiastiques, de troubler les moines dans la possession de leurs biens, & dans l’élection de leur abbé. En vertu de cela, ils ont plaidé pour être exempts de la jurisdiction de l’évêque, & ce privilege s’est étendu à tous les monasteres qui dépendoient de celui-là. C’est la premiere congrégation de plusieurs maisons unies sous un seul chef,