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dans les bornes étroites du tétracorde, du pentacorde, de l’hexacorde, de l’eptacorde, & de l’octacorde, on n’y admit que trois modes, dont les fondamentales étoient à un ton de distance l’une de l’autre. Le plus grave des trois s’appelloit le dorien ; le phrygien tenoit le milieu ; le plus aigu étoit le lydien. En partageant chacun de ces tons en deux intervalles, on fit place à deux autres modes, l’ionien & l’éolien, dont le premier fut inséré entre le dorien & le phrygien ; & le second entre le phrygien & le lydien.

Dans la suite, le système s’étant étendu à l’aigu & au grave, les Musiciens établirent de part & d’autres de nouveaux modes, qui tiroient leur dénomination des cinq premiers, en y ajoûtant la préposition hyper, sur, pour ceux d’enhaut ; & la préposition hypo, sous, pour ceux d’enbas : ainsi le mode lydien étoit suivi de l’hyperdorien, de l’hyperionien, de l’hyperphrigien, de l’hyperéolien, & de l’hyperlydien en montant ; & après le mode dorien venoient l’hypolydien, l’hypoéolien, l’hypophrygien, & l’hypodorien, en descendant. On trouve le dénombrement de ces quinze modes dans Alypius, musicien grec : voici leur ordre & leurs intervalles exprimés par les noms des notes de notre musique.

1. si Hyperlydien.
2. si bémol Hyperéolien.
3. la Hyper-mixolydien.
Hyperphrygien.
4. la bémol Hyperiastien.
Hyperionien.
Mixolydien aigu.
5. sol Mixolydien.
Hyperdorien.
6. fa dièse Lydien.
7. fa Lydien grave.
Eolien.
mi Phrygien.
9. mi bémol Jastien.
Ionien.
Phrygien grave.
10. re Dorien.
Hypomixolydien.
11. ut dièse Hypolydien.
12. ut Hypolydien grave.
Hypoéolien.
13. si Hypophrygien.
14. si bémol Hypoiastien.
Hypoïonien.
Hypophrygien.
15. la Hypodorien.
Commun.
Locrien.

De tous ces modes, Platon en rejettoit plusieurs comme capables d’altérer les mœurs. Aristoxene, au rapport d’Euclide, n’en admettoit que treize, supprimant les deux plus élevés, savoir l’hyperéolien & l’hyperlydien.

Enfin Ptolomée les réduisoit à sept, disant que les modes n’étoient pas introduits dans le dessein de varier les chants selon le grave & l’aigu, car il étoit évident qu’on auroit pu les multiplier fort au-delà du nombre de quinze, mais plutôt afin de faciliter le passage d’un mode à l’autre par des intervalles consonnans & faciles à entonner. Il renfermoit donc tous les modes dans l’espace d’une octave, dont le mode dorien faisoit comme le centre, de sorte que le mixolydien étoit une quarte au-dessus de lui, & l’hypodorien une quarte au-dessous. Le phrygien une quinte au dessus de l’hypodorien, l’hypophrygien une quarte au-dessous du phrygien, & le lydien une quinte au-dessus de l’hypophrygien ; d’où il paroît qu’à compter de l’hypodorien qui est le mode le plus bas, il y avoit jusqu’à l’hypophrygien l’intervalle

d’un ton ; de l’hypophrygien au dotien un semi-ton ; de ce dernier au phrygien un ton ; du phrygien au lydien encore un ton, & du lydien au mixolydien un semi-ton ; ce qui fait l’étendue d’une septieme en cet ordre.

1. sol Mixolydien.
2. fa dièse Lydien.
3. mi Phrygien.
4. re Dorien.
5. ut dièse Hypolydien.
6. si Hypophrygien.
7. la Hypodorien.

Ptolomée retranchoit donc tous les autres modes, prétendant qu’on n’en pouvoit placer un plus grand nombre dans le système d’une octave, toutes les cordes qui la composoient se trouvant employées. Ce sont ces sept modes de Ptolomée qui, en y joignant l’hypomixolydien ajouté, dit-on, par l’Aretin, font aujourd’hui les huit tons de notre plein-chant, Voyez Tons de l’Eglise.

Telle étoit la notion la plus ordinaire qu’on avoit des tons ou modes dans l’ancienne musique, entant qu’on les regardoit comme ne differant entr’eux que du grave à l’aigu ; mais ils avoient outre cela d’autres différences qui les caractérisoient encore plus particulierement. Elles se tiroient du genre de poésie qu’on mettoit en musique, de l’espece d’instrument qui devoit l’accompagner, du rhytme ou de la cadence qu’on y observoit, de l’usage où étoient de certains chants parmi certaines nations ; & c’est de cette derniere circonstance que sont venus originairement les noms des modes principaux, tels que le dorien, le phrygien, le lydien, l’ionien & l’éolien.

Il y avoit encore dans la musique greque d’autres sortes de modes, qu’on auroit pu mieux appeller styles ou manieres de composition. Tels étoient le mode tragique destiné pour le théâtre, le mode nomique consacré à Apollon, & le dithyrambique à Bacchus, &c. Voyez Style & Mélopée.

Dans notre ancienne musique, on appelloit aussi modes par rapport à la mesure ou au tems certaines manieres de déterminer la valeur des notes longues sur celle de la maxime, ou des brèves sur celle de la longue ; & le mode pris en ce sens se marquoit après la clé d’abord par des cercles ou demi-cercles ponctués ou sans points, suivis des chiffres 2 ou 3 différemment combinés, à quoi on substitua ensuite des lignes perpendiculaires, différentes, selon le mode, en nombre & en longueur.

Il y avoit deux sortes de modes ; le majeur, qui se rapportoit à la maxime ; & le mineur, qui étoit pour la longue : l’un & l’autre se divisoit en parfait & imparfait.

Le mode majeur parfait se marquoit avec trois lignes ou bâtons, qui remplissoient chacun trois espaces de la portée, & trois autres qui n’en remplissoient que deux ; cela marquoit que la maxime valoit trois longues. Voyez les Pl. de Musique.

Le mode majeur imparfait étoit marqué avec deux lignes qui remplissoient chacune trois espaces, & deux autres qui n’en emplissoient que deux ; cela marquoit que la maxime ne valoit que deux longues. Voyez les Pl.

Le mode mineur parfait étoit marqué par une ligne qui traversoit trois espaces, & cela montroit que la longue valoit trois brèves. Voyez les Pl.

Le mode mineur imparfait étoit marqué par une ligne qui ne traversoit que deux espaces, & la longue n’y valoit que deux brèves. Voyez les Pl.

Tout cela n’est plus en usage depuis long-tems ; mais il faut nécessairement entendre ces signes pour savoir déchiffrer les anciennes musiques, en quoi les