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d’un signe de tête est irrévocable, & que tout ce qu’elle promet arrive immanquablement ; car, ajoute le poëte, elle est la seule dans le ciel à qui Jupiter ait accordé ce glorieux privilege d’être en tout comme lui, & de jouir des mêmes avantages. En effet, quand les Mythologistes nous disent qu’elle étoit née de Jupiter sans le secours d’une mere, cela signifie que Minerve n’étoit autre chose que la vertu, la sagesse, le conseil du souverain maître des dieux.

Non-seulement elle daigna conduire Ulysse dans ses voyages, mais même elle ne refusa pas d’enseigner aux filles de Pandare l’art de représenter des fleurs & des combats dans les ouvrages de tapisserie, après avoir embelli de ses belles mains le manteau de Junon. De-là vient que les dames troyennes lui firent hommage de ce voile précieux qui brilloit comme un astre, & qu’Homere a décrit dans le sixieme livre de l’Iliade.

Cette déesse ne dédaigna pas encore de présider au succès de la navigation ; elle éclaira les Argonautes sur la construction de leur navire, ou le bâtit elle-même selon Apollodore. Tous les Poëtes s’accordent à nous assurer qu’elle avoit placé à la proue le bois parlant, coupé dans la forêt de Dodone, qui dirigeoit la route des Argonautes, les avertissant des dangers, & leur apprenoit les moyens de les éviter. Sous ce langage figuré, on voit qu’il est question d’un gouvernail qu’on mit au navire Argo.

C’est en-vain que les anciens ont reconnu plusieurs Minerves : les cinq que Cicéron compte sont une seule & même personne, la Minerve de Saïs, c’est-à-dire, Isis même, selon Plutarque. Son culte fut apporté d’Egypte dans la Grece, passa dans la Samothrace, dans l’Asie mineure, dans les Gaules, & chez les Romains. Saïs dédia la premiere à Minerve un temple magnifique, & disputa long-tems aux autres villes du monde la gloire d’encenser ses autels. Ensuite les Rhodiens se mirent sous la protection particuliere de la déesse. Enfin elle abandonna le séjour de Rhodes pour se donner toute entiere aux Athéniens, qui lui dédierent un temple superbe, & célébrerent en son honneur des fêtes dont la solemnité attiroit à Athènes des spectateurs de toute l’Asie ; c’est ce que prouvent les médailles, & Minerve fut surnommée Αθήνή.

Quoiqu’elle ne régnât pas aussi souverainement dans la Laconie que dans l’Attique, elle avoit cependant son temple à Lacédémone comme à Athènes, dans un endroit élevé qui commandoit toute la ville. Tyndare en jetta les fondemens, Castor & Pollux l’acheverent. Ils bâtirent aussi le temple de Minerve asia à leur retour de Colchos. Enfin entre les temples qui lui furent consacrés dans tout le pays, celui qui portoit le nom de Minerve ophtalmitide étoit le plus remarquable ; Lycurgue le dédia sous ce nom dans le bourg d’Alphium, parce que ce lieu-là lui avoit servi d’azile contre la colere d’Alcandre qui, mécontent de ses lois, voulut lui crever les yeux.

On donnoit à Minerve, dans ses statues & dans ses peintures, une beauté simple, négligée, modeste, un air grave, noble, plein de force & de majesté. Son habillement ordinaire sur les médailles la représente comme protectrice des arts, & non pas comme la redoutable Pallas qui, couverte du bouclier, inspire l’horreur & le carnage. Elle y paroît vêtue du péplum, habillement si célebre chez les Poëtes, & qui désignoit le génie, la prudence & la sagesse. D’autres fois elle est représentée le casque en tête, une pique d’une main & un bouclier de l’autre, avec l’égide sur la poitrine ; c’est Pallas qu’on désigne ainsi.

Ces statues étoient anciennement assises, au rap-

port de Strabon ; on en voit encore dans cette attitude.

La chouette & le dragon qui lui étoient consacrés accompagnent souvent ses images. C’est ce qui donna lieu à Démosthene, exilé par le peuple d’Athènes, de dire en partant que Minerve se plaisoit dans la compagnie de trois vilaines bêtes : la chouette, le dragon & le peuple.

On sait que Minerve étoit honorée en différens endroits sous les noms de Minerve aux beaux yeux, Minerve aux yeux pers, Minerve inventrice, hospitaliere, itonnienne, lemnienne, péonnienne, sarenide, sténiade, suniade, & autres épithetes, dont les principales se trouvent expliquées dans l’Encyclopédie. (D. J.)

MINERVIUM, s. m. (Hist. ant.) en général édifice consacré à Minerve, mais en particulier ce petit temple consacré à Minerva capitata, dans la onzieme région de la ville de Rome, au pié du mont Cælius.

MINEUR, s. m. (Jurisp.) est celui qui n’a pas encore atteint l’âge de majorité. Comme il y a diverses sortes de majorités, l’état de minorité, qui est opposé, dure plus ou moins selon la majorité dont il s’agit.

Ainsi nos Rois cessent d’être mineurs à 14 ans.

On cesse d’être mineur pour les fiefs lorsqu’on a atteint l’âge auquel on peut porter la foi.

La minorité coutumiere finit à l’âge auquel la coutume donne l’administration des biens.

Enfin l’on est mineur relativement à la majorité de droit, ou grande majorité, jusqu’à ce qu’on ait atteint l’âge de 25 ans accomplis ; excepté en Normandie, où l’on est majeur à tous égards à l’âge de 20 ans.

Les mineurs n’étant pas ordinairement en état de se conduire, ni de veiller à l’administration de leurs droits, sont sous la tutelle de leurs pere & mere, ou autres tuteurs & curateurs qu’on leur donne au défaut des pere & mere.

En pays de droit écrit, ils ne demeurent en tutelle que jusqu’à l’âge de puberté, après lequel ils peuvent se passer de curateur, si ce n’est pour ester en jugement : en pays coutumier les mineurs demeurent en tutelle jusqu’à la majorité parfaite, à moins qu’ils ne soient émancipés plûtôt, soit par mariage ou par lettres du prince.

Ceux qui sont émancipés ont l’administration de leurs biens ; mais ils ne peuvent faire aucun acte qui ait trait à la disposition de leurs immeubles, ni ester en jugement sans l’assistance d’un curateur.

Le mineur qui est en puissance de pere & mere, ou de ses tuteurs, ne peut s’obliger ni intenter en son nom seul, aucune action ; toutes ses actions actives & passives résident en la personne de son tuteur ; c’est le tuteur seul qui agit pour lui, & ce qu’il fait valablement, est censé fait par le mineur lui-même.

Lorsque le mineur est émancipé, il peut s’obliger pour des actes d’administration seulement, & en ce cas il contracte & agit seul & en son nom ; mais pour ester en jugement, il faut qu’il soit assisté de son curateur.

Le mari, quoique mineur, peut autoriser sa femme majeure.

Le domicile du mineur, est toûjours le dernier domicile de son pere ; c’est la loi de ce domicile qui regle le mobilier du mineur.

Les biens du mineur ne peuvent être aliénés sans nécessité ; c’est pourquoi il faut discuter leurs meubles avant de venir à leurs immeubles : & lors même qu’il y a nécessité de vendre les immeubles, on ne peut le faire sans avis de parens, homologué en justice & sans publications.

L’ordre de la succession d’un mineur ne peut être interverti, quelque changement qui arrive dans les