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d’autres ont un peu de transparence. On ne s’arrêtera point ici à décrire ces sortes de variétés, d’autant plus que l’on trouvera aux articles de chaque métal & demi-métal l’aspect que présentent leurs mines. On peut dire en général que les métaux dans l’état de mine, ont un coup-d’œil tout différent de celui qu’ils ont lorsqu’ils sont purs.

Ce sont les filons & les fentes de la terre qui sont les attéliers dans lesquels la nature s’occupe le plus ordinairement de la formation des mines ; comme à l’article Filons on a suffisamment expliqué leur nature, leurs propriétés, nous ne répéterons point ici ce que nous en avons déjà dit. Voyez Filons ou Veines métalliques. Nous nous contenterons seulement d’observer ici que suivant la remarque de M. Rouelle, constatée par les observations que M. Lehmann a publiées dans son Traité de la formation des couches de la terre, les mines en filons ne se trouvent que dans les montagnes primitives, c’est-à-dire dans celles qui paroissent aussi anciennes que le monde, & qui n’ont point été produites par les inondations, par le séjour de la mer, par le déluge universel, ou par d’autres révolutions arrivées a notre globe. Voyez Montagnes.

Les mines ne se trouvent point toujours par filons suivis ; souvent on les rencontre dans le sein des montagnes par masses détachées, & formant comme des tas séparés, dans des pierres dont les creux en sont remplis ; ces sortes de mines s’appellent mines en marons ou mines en roignons. M. Rouelle les nomme mineræ nidulentes. Voyez Marons.

D’autres mines se trouvent quelquefois par fragmens détachés dans les couches de la terre, ou même à sa surface ; ce sont ces sortes de mines que les Anglois nomment shoads ; il est très-visible qu’elles n’ont point été formée ; par la nature dans les endroits où on les trouve actuellement placées, elles y ont été transportées par les eaux qui ont arraché ces fragmens des filons placés dans les montagnes primitives, & qui après avoir été roulées comme les galets, les ont portées & rassemblées dans les couches de la terre, qui ont elles-mêmes été produites par des inondations. Ces mines par fragmens peuvent quelquefois conduire aux filons dont elles ont été arrachées : nous avons dit à l’article Étain. que cela se pratiquoit sur-tout en Cornouaille pour retrouver les filons des mines d’étain ; ces shoad, ou fragmens sont roulés & arrondis ; outre la mine on y trouve encore des fragmens de la roche ou miniere, à laquelle la mine tenoit dans le filon. Il y a lieu de croire que c’est ainsi que se sont formées toutes les mines répandues en particules déliées que l’on trouve dans des couches de terre & de sable dont on les retire par le lavage ; ce sont ces mines que les Allemands nomment seifenwerck ou mines de lavage. Cela peut encore nous faire comprendre comment il se fait que l’on trouve dans le lit d’un très-grand nombre de rivieres, des particules métalliques, & sur-tout du sable ferrugineux mêlé de petites particules ou de paillettes d’or. Il y a lieu de conjecturer que ces particules ont été détachées des montagnes où il y a des filons, par les rivieres mêmes ou par les torrens qui s’y déchargent.

Enfin il y a encore un état dans lequel on trouve les mines de quelques métaux, ce sont celles qui ont été formées par transport, telles sont les ochres, les mines de fer limoneuses, la calamine, quelques mines de cuivre : suivant M. Rouelle, ces sortes de mines ne doivent leur formation qu’à des vitriols qui ont été dissouts & entraînés par les eaux, & qui étant ensuite venus à se décomposer, ont déposé la terre métallique que ces vitriols contenoient, qui par-là a formé des bancs ou des lits. Ce savant chimiste observe avec raison qu’il n’y a que le fer,

le cuivre & le zinc qui soient susceptibles de se vitrioliser, d’où il conclut qu’il n’y a que ces trois substances métalliques que l’on puisse rencontrer dans cet état dans les couches de la terre. Il est certain que plusieurs mines de fer que l’on traite avec beaucoup de succès se trouvent dans cet état, c’est celui de la plûpart des mines de fer de France, & la mine de fer que les Suédois & les Allemands appellent minera ferri palustris, ou mine marécageuse & limoneuse, paroît être de cette nature. La calamine, qui est une ochre chargée de zinc, paroît aussi avoir été formée par la décomposition du vitriol blanc. L’ardoise ou la pierre schisteuse, qui est devenue une mine de cuivre, telle que celle que l’on rencontre en quelques endroits d’Allemagne, doit ce métal à la décomposition d’un vitriol cuivreux. (—)

Mines, fodinæ metallicæ, ou metalli fodinæ, (Hist. nat. Minéral. arts.) on nomme ainsi les endroits profonds de la terre, d’où l’on tire les métaux, les demi-métaux, & les autres substances minérales qui servent aux usages de la vie, telles que le charbon de terre, le sel gemme, l’alun, &c.

La nature, non contente des merveilles qu’elle opere à la surface de la terre & au-dessus de nos têtes, a encore voulu nous amasser des trésors sous nos piés. Le prix que les hommes ont attaché aux métaux, joint aux besoins qu’ils en ont, leur ont fait imaginer toutes sortes de moyens pour se les procurer. En vain la Providence avoit-elle caché des richesses dans les profondeurs de la terre ; en vain les a-t-elle enveloppées dans les rochers les plus durs & les plus inaccessibles, le desir de les posséder a su vaincre ces obstacles, & ce motif a été assez puissant pour entreprendre des travaux très-pénibles malgré l’incertitude du succès.

Itum est in viscera terræ,
Quasque recondiderat stygiisque admoverat umbris,
Effodiuntur opes, irritamenta malorum.

On a vû dans l’article Mine, minera, qui précede, que les métaux ne se présentent que rarement sous la forme qui leur est propre ; ils sont le plus communément minéralisés, c’est-à-dire masqués, & pour ainsi dire rendus méconnoissables par les substances avec lesquelles ils sont combinés ; voyez Minéralisation. Il faut donc de l’expérience & des yeux accoûtumés pour distinguer les substances qui contiennent des métaux ; en effet, ce ne sont point celles qui ont le plus d’éclat qui sont les plus riches, ce sont souvent des masses informes qui renferment les métaux les plus précieux, d’où l’on voit que les travaux pour l’exploitation des mines supposent des connoissances préliminaires qui doivent être très-étendues, puisqu’elles ont pour objet toutes les substances que la terre renferme dans son sein. Voyez Minéralogie. Parmi ces connoissances, une des plus importantes est celle de la nature des terreins où l’on peut ouvrir des mines avec quelque apparence de succès.

C’est ordinairement dans les pays de montagnes, & non dans les pays unis, qu’il faut chercher des mines. Les Minéralogistes ont observé que les hautes montagnes, qui s’élevent brusquement & qui sont composées d’un roc très-dur, ne sont point les plus propres pour l’exploitation des mines ; lorsque par hasard on a rencontré un filon métallique dans une montagne de cette nature, on a beaucoup de peine à le suivre, & souvent il n’est pas d’une grande étendue. D’un autre côté, les terreins bas sont trop exposés aux eaux, dont on a beaucoup de peine à les débarrasser. On donne donc la préférence, quand on le peut, aux montagnes ou aux terreins qui s’élevent en pente douce, & qui retombent de la même