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Du tems de Ciceron ils furent choisis dans les camps mêmes par les consuls ou par les proconsuls. Quelquefois les tribuns militaires avoient été préteurs.

Les empereurs commencerent à faire des tribuns de soldats pour six mois seulement, afin qu’ils pussent gratifier un plus grand nombre de personnes ; il y en avoit même qu’on appelloit laticlavii, laticlaviens, parce qu’ils devenoient sénateurs, comme le disent Dion & Xiphilin : d’autres se nommoient angusticlavii, angusticlaviens ; parce qu’ils ne pouvoient aspirer qu’à l’ordre des chevaliers.

Les tribuns avoient pour marque distinctive une espece de poignard ou de couteau de chasse ; leur charge étoit de rendre la justice, de recevoir le mot du guet du général, de le donner aux autres, de veiller sur les munitions, de faire faire l’exercice aux troupes, de poser les sentinelles, &c. Deux des tribuns commandoient la légion chacun leur jour pendant deux mois ; ensorte que dans une armée consulaire il y en avoit au moins quatre pour faire exécuter les ordres du général. Ceux qui avoient passé par le tribunat militaire étoient censés chevaliers, comme nous l’avons dit des premiers centurions appellés primopili, & ils portoient un anneau d’or au doigt. Il y en avoit trois à la tête de chaque corps de cavalerie ; celui des trois qui avoit été nommé le premier, commandoit tout le corps, & dans son absence celui qui suivoit : ils se choisissoient autant de lieutenant. Les alliés avoient leurs commandans particuliers, qui étoient nommés par les consuls pour la sureté de la république.

Ceux qui avoient le commandement de toute l’armée étoient le général & ses lieutenans ; le général étoit celui à qui toute l’armée obéissoit, qui faisoit tout par lui même, ou qui le faisoit faire sous ses auspices. Cette coutume fut toujours observée dans les malheurs de la république, & c’étoit un usage fort ancien de ne rien entreprendre qu’après avoir pris les auspices. Ce qui distinguoit le général étoit le manteau, mais il est vraissemblable qu’ils ne portoient qu’une casaque ; sagum : ces mots du-moins se confondent souvent.

Les lieutenans étoient ordinairement choisis par les généraux ; il leur falloit cependant un decret du sénat pour cette élection. Ces lieutenans étoient pour l’ordinaire d’un courage & d’une prudence consommée : leur charge étoit aussi importante qu’honorable. Nous voyons dans l’histoire que l’illustre P. Cornelius Scipion l’africain, qui soumit les Carthaginois, avoit été lieutenant de Lucius son frere, dans la guerre contre Antiochus ; & l’an 556, P. Sulpicius & P. Velleius, deux hommes consulaires, furent lieutenans en Macédoine.

Le nombre des lieutenans varia plusieurs fois dans les occasions : Pompée en eut 25 dans la guerre contre les pirates, parce que cette guerre s’étendoit sur toute la mer Mediterranée. Ciceron étant proconsul de Cilicie, en avoit quatre ; cependant on régloit ordinairement le nombre des lieutenans sur celui des légions : leur devoir étoit d’aider en tout le général, ce qui leur fit donner dans la suite le nom de sous-consuls. Leur pouvoir étoit fort étendu, quoique cependant par commission. Auguste étant général, & ayant les auspices sous lui seul, fit tout par ses lieutenans, & donna à quelques-uns le titre de consulaires ; ceux-ci commandoient toute l’armée, & les autres qui conduisoient chaque légion, portoient le nom de prétoriens.

Des armes de la milice romaine. Les armes chez les Romains étoient défensives & offensives ; les offensives étoient principalement le trait. Il y en eut de bien des especes, selon les différens ordres des soldats.

Les soldats armés à la legere, s’appelloient en général ferentarii.

Les vélites qui furent créés l’an 542, cesserent quand on donna le droit de bourgeoisie à toute l’Italie ; on leur substitua les frondeurs, funditores, & les archers, jaculatores.

Les armes des vélites étoient premierement le sabre d’Espagne, commun à tous les soldats. Ce sabre avoit une excellente pointe, & coupoit des deux côtés ; ensorte que les soldats pouvoient se servir du bout & des deux tranchans. Du tems de Polybe, ils le portoient à la cuisse droite. Ils porterent en second lieu sept javelots ou demi-piques qui avoient un doigt d’épaisseur, trois pieds de longueur, avec une pointe de neuf doigts. Cette pointe étoit si fine, qu’on ne pouvoit renvoyer le javelot quand il avoit été lancé, parce que la pointe s’émoussoit en tombant. Ils portoient encore un petit bouclier de bois d’un demi-pié de large, couvert de cuir. Leur casque étoit une espece de chaperon de peau appellé galea ou galerus, qu’il faut bien distinguer des casques ordinaires qui étoient de métal, & qu’on appelloit cassis ; cette sorte de casque étoit assez commune chez les anciens.

Les armes des piquiers & des autres soldats étoient premierement un bouclier qu’ils appelloient scutum, différent de celui qu’ils nommoient clipeus. Celui-ci étoit rond, & l’autre étoit ovale ; la largeur du bouclier étoit de deux piés & demi, & sa longueur d’environ quatre piés ; de façon qu’un homme en se courbant un peu pouvoit facilement s’en couvrir, parce qu’il étoit fait en forme de tuile creuse, imbricatus. On faisoit ces boucliers de bois pliant & léger, qu’on couvroit de peau ou de toile peinte ; c’est, dit-on, de cette coutume de peindre les armes, que sont venues les armoiries. Les bout de ce bouclier étoit garni de fer, afin qu’il pût résister plus facilement, & que le bois ne se pourrît point quand on le posoit à terre. Au milieu du bouclier il y avoit une espece de bosse de fer pour le porter ; on y attachoit une courroie.

Outre le bouclier, ils avoient le javelot qu’ils nommoient pila : les uns étoient ronds & d’une grosseur à remplir la main ; les autres étoient quarrés, ayant quatre doigts de tour & quatre coudées de longueur. Au bout de ce bois étoit un fer à crochet qui faisoit qu’on ne retiroit le javelot que très-difficilement ; ce fer avoit à-peu-près trois coudées de long ; il étoit attaché de maniere que la moitié tenoit au bois, & que l’autre servoit de pointe : en sorte que ce javelot avoit en tout cinq coudées & demie de longueur. L’épaisseur du fer qui étoit attaché au bois, étoit d’un doigt & demi, ce qui prouve qu’il devoit être fort pesant, & propre à percer tour ce qu’il atteignoit. Ils se servoient encore d’autres traits plus legers qui ressembloient à-peu-près à des pieux.

Ils portoient un casque d’airain ou d’un autre métal, qui laissoit le visage nud ; d’où vient le mot de César à la bataille de Pharsale, soldats, frappez au visage. On voyoit flotter sur ce casque une aigrette de plumes rouges & blanches, ou de crin de cheval. Les citoyens d’un certain ordre étoient revêtus d’une cuirasse à petites mailles ou chaînons, & qu’on appelloit harmara ; on en faisoit aussi d’écailles ou de lames de fer : celles-ci étoient pour les citoyens les plus distingués, & pouvoient couvrir tout le corps. Héliodore en a fait une description fort exacte ; cependant la plûpart des soldats portoient des cuirasses de lames de cuivre de douze doigts de largeur, qui couvroient seulement la poitrine.

Le bouclier, le casque, la cuirasse, étoient enrichis d’or & d’argent, avec différentes figures qu’on gravoit dessus ; c’est pourquoi on les portoit tou-